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Home Actualités du secteur Avril 2010 Google : mythes et réalités - Dîner / débat du 30 mars

Google : mythes et réalités - Dîner / débat du 30 mars

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Un débat contradictoire autour de Google… Pour ce sixième rendez-vous du Club Parlementaire du Numérique, le géant américain a accepté d’être mis face à ses contradicteurs sur les questions de numérisation des livres et de neutralité du Net. Une formule animée et constructive, un exercice périlleux auquel Google a accepté de se livrer.

En quoi Google est-il sujet de controverse ? Abus de position dominante sur le marché de la pub en ligne ? Question de la “taxe Google“ mentionnée par le rapport Zelnik, évasion fiscale en Irlande, numérisation des livres et défense du principe de la neutralité du Net... Les sujets intéressants sont légion mais c’est sur ces deux derniers que le débat du 30 mars a porté. La question de la numérisation des livres oppose le moteur de recherche le plus puisant du monde aux éditeurs et celle de la neutralité le confronte aux opérateurs de réseaux.
En parlementaires avisés, MM Dionis du Séjour et Retailleau ont cherché à dépassionner le débat, à en équilibrer la perspective : « En bon libéral, je crois à la croissance régulée plus qu’à la diabolisation de Google », à affirmé d’emblée le député du Lot-et-Garonne. Quand au Sénateur de la Vendée, il a salué une réussite « qui ne le choque pas » : celle d’une start-up qui a commencé dans un garage. Néanmoins, les deux parlementaires ont eux-mêmes relevé la liste des controverses dans lesquelles le géant américain est impliqué, l’invitant à répondre à leurs interrogations voire leurs inquiétudes et à celles de l’auditoire.

Numérisation : Google vs Hachette


Philippe Colombet (à droite) et Arnaud Noury n’en sont pas à leur première confrontation. Le Directeur du projet Livres chez Google France ne subissait donc pas pour la première fois le feu nourri de son vis-à-vis, PDG d’Hachette Livre. Les griefs du monde de l’édition à l’égard du nouveau venu sur le marché du livre sont de divers ordres. Arnaud Noury les a ainsi résumés : « En France, l’enjeu de la numérisation est d’assurer la permanence de l’écosystème du livre : le contrôle du prix par les éditeurs, la diversité des points de vente, le respect du droit d’auteur. » Le récent arrêt « La Martinière »*, qui a condamné Google pour « contrefaçons de livres » donne une première prise au monde de l’édition, confronté à un géant dont le chiffre d’affaires équivaut à la moitié de celui affiché par l’édition mondiale. Le moteur de recherche a, selon les termes utilisés par le PDG d’Hachette Livre, « trouvé une astuce juridique aux Etats-Unis pour numériser 12 millions de livres, parmi lesquels des centaines de milliers en langue française, au mépris du droit d’auteur ». « Sa puissance effrayante est une véritable menace » a-t-il ajouté.

Mais pour Philippe Colombet, tout n’est pas si noir. Tout d’abord, a-t-il précisé, les livres numérisés par Google dans les bibliothèques américaines font en réalité l’objet d’un usage très limité (courtes citations). Ensuite, l’apport de Google pour le monde de l’édition peut s’avérer intéressant. « Dans les librairies, la nouveauté chasse le fond » a expliqué Philippe Colombet. Le moteur de recherche peut transformer la relation de l’internaute avec le livre et redonner vie à des corpus d’ouvrages auquel le lecteur peine à avoir accès. « Tout livre à un avenir numérique » estime le Directeur du projet Livres de Google France. Et « s’il existe des points de désaccord sur les modalités d’accès aux œuvres, il n’en reste pas moins qu’il faudra trouver les modèles économique et parvenir à des accords, pays par pays ».

La Hachette de guerre n’est pas enterrée…

Mais la belle histoire du livre orphelin qui retrouve son lecteur ne touche pas Arnaud Noury. La vraie histoire, selon lui, est que « le modèle de Google consiste à mettre en ligne gratuitement ce qui appartient aux autres ». Et le monde de l’édition apprécie peu d’être mis devant le fait accompli : les centaines de milliers d’ouvrages francophones numérisés aux Etats-Unis et qui attendent qu’un accord commercial soit trouvé.
Les ambitions hégémoniques du géant californien ne sont pas non plus pour rassurer Arnaud Noury : « Faire connaître les œuvres est une chose, accepter que Google devienne la bibliothèque numérique mondiale peut mener à une catastrophe potentielle ». Mais, l’éditeur a également affirmé qu’il saurait se montrer pragmatique.

Une parole reçue haut et fort par Philippe Colombet qui, face au nombre de coups portés, à préféré riposter de manière ciblée, sur le chapitre de la gratuité : « l’enjeu est de faire voisiner les contenus gratuits et les contenus payants » a-t-il précisé. Google « ne peut ignorer les contenus à valeur ajoutée contenus dans les livres ».
« Comment imaginer un mode de relation où tout le monde s’y retrouve ? », a-t-il interrogé un peu plus tôt dans le débat. La coopération vertueuses est sans doute possible mais il faudra auparavant faire tomber quelques obstacles.

 

 

 

 

 

 


Neutralité du Net

Les jours du modèle ouvert qui fait la spécificité du Web sont-ils comptés ? Ce principe fondateur qui a permis le succès des géants de l’Internet sera-t-il remis en cause. Est-il déjà remis en cause ? Alors que les directives du Paquet Télécoms doivent être transposées et que le rapport consacré à ce sujet et prévu par la loi sur la fracture numérique est en gestation, FAI et fournisseurs de contenus posent leurs jalons.
Pour Olivier Esper, Directeur des relations institutionnelles de Google France, l’enjeu de la question est la pérennité du modèle ouvert de l’Internet, qui permet à l’internaute d’accéder à tous les contenus ou à un entrepreneur de proposer de nouvelles applications. Ce principe est également important du point de vue des réseaux. Car l’innovation est facteur d’attractivité sur les réseaux et d’augmentation du nombre d’abonnés. Il faut donc inscrire ce principe dans le marbre.
Mais comme l’a expliqué Bruno Retailleau,  les débits explosent (On prévoit que les débits soient multipliés par 32  d’ici 2015), entraînant un risque de congestion du réseau. De plus : « la convergence numérique fait que la frontière entre opérateurs de réseaux et fournisseurs de contenus s’estompe ». Autant de raisons qui poussent les opérateurs à changer de modèle pour pratiquer une gestion différenciée du réseau, en fonction de la source ou des contenus. Le processus est déjà commencé, a-t-on fait remarquer. Une forte discrimination serait déjà pratiquée par les FAI, qui trouvent des accords avec certains sites et désavantagent les moins porteurs, à moins qu’ils ne soient hébergés chez eux. Plus encore, la nature même des réseaux peut créer plusieurs Internet et remettre en cause ce principe fondateur. Nous nous dirigeons d’ailleurs vers une fracture numérique. Plusieurs types de réseaux aux performances inégales cohabitent déjà : FTTH, Cuivre HD, Wimax, satellite…
La tache du legislateur s’annonce ardue. D’autant que les directives européennes à transposer parlent de principe de transparence et non de principe de non-discrimination.
Il faudra probablement parvenir à « une gestion correcte du trafic, qui préserve au mieux le principe d’ouverture du réseau » a affirmé Bruno Retailleau.

* Du nom des éditions La Martinière

 

Armel Forest

Mise à jour le Vendredi, 16 Avril 2010 10:14  

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