"Une force supplémentaire pour le financement du très haut-débit": entretien avec Frédéric Zimer, président de Sogetrel

Lundi, 14 Décembre 2009 17:59 Claire
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Depuis cinq ans, Sogetrel (1) s’intéresse au déploiement du réseau de fibre optique et aux solutions susceptibles d’en abaisser le coût. Sa proposition, qui consiste à utiliser les réseaux d’assainissement, génère au passage  une force de financement supplémentaire. Explications de Frédéric Zimer, président de Sogetrel.

Tout est parti d’une innovation technique. De quoi s’agit-il ?

Nous avons concentré nos recherches sur la partie horizontale du réseau, la plus onéreuse, en partant du principe que l’utilisation des réseaux existants est plus intéressante. Hormis les fourreaux France Télécom (FT) et après élimination des réseaux de gaz et d’eau pour des raisons sanitaires et de sécurité, il existe les réseaux d’assainissement, dont le maillage est plus dense que celui des fourreaux FT.

Après cinq années de partenariat technique avec la Lyonnaise des eaux, nous avons mis au point deux procédés brevetés complémentaires pour poser des fourreaux dans les égouts : artères de collecte comme branchements d’immeubles : EasyFiber et Flexyfiber. Nous avons constaté sur une quinzaine de chantiers réalisés que, mis bout à bout, ces deux procédés permettent, en moyenne, une couverture d’environ 80% du linéaire d’un réseau THD.

Quels sont les atouts de cette technologie ?

Le prix tout d’abord. D’un point de vue économique, le coût global du mètre linéaire en EasyFiber est 15% moins élevé que dans les solutions actuelles (2). Et au-delà de ce coût unitaire, EasyFiber peut parfois faire également gagner du linéaire par rapport à une conception en fourreaux FT. Il s’agit donc, sur le plan technique d’une solution complémentaire qui ne s’impose pas comme modèle unique mais comme une option souvent pertinente.

L’autre caractéristique d’EasyFiber, intéressante pour  les opérateurs dans le contexte actuel, est la faible part des coûts d’exploitation du réseau comparée aux coûts d’investissement (3). La redevance dans les réseaux d’assainissement (normée sur le plan juridique) est en effet moins onéreuse que la location de fourreaux entre opérateurs.

Enfin, concernant les délais, il faut 28 mois pour déployer le FTTH en DSP dans une ville de taille moyenne avec une solution traditionnelle et 13 mois en passant pas les réseaux d’assainissement. Douze mois sont gagnés grâce aux simplifications administratives, d’autant que le passage par les réseaux d’assainissement est autorisé par décret depuis janvier 2009. En outre, EasyFiber fait gagner environ trois mois grâce au déploiement plus rapide du réseau.

Vous venez de développer les avantages techniques de ce procédé. Mais sur le sujet du financement, quel est son intérêt ?

A la base, notre modèle est économique  et intéressant pour les opérateurs car il minimise les coûts d’exploitations. Il fallait donc le rendre également intéressant pour les collectivités dans le cadre des réseaux d’initiative publique (RIP) en transformant la structure de coût d’investissement en coût de location longue durée.
Comment ? En offrant aux acteurs de réseaux d’assainissement l’opportunité de diversifier leur activité. De cette manière, nous faisons émerger un  nouvel acteur de la couverture THD, à même de participer aux investissements sur la partie horizontale des réseaux THD.

S’agit-il d’un acteur supplémentaire ou d’un nouveau concurrent ?

Vu le nombre de projets à mener à bien et l’ampleur du chantier du THD, on sait déjà que les opérateurs ont fort à faire pour les 5 millions de prises des zones denses. Pour les 25 millions de prises des zones moyennement denses, les nouvelles capacités financières ne seront pas de trop et permettront en allégeant le cour à certains RIP FTTH de voir le jour.
Les opérateurs d’opérateurs de petite taille pourront, grâce à cet allègement, faire leur entrée sur un marché qui n’était pas à leur portée. Quant aux opérateurs d’opérateurs de grande envergure, ils ne disposeront pas, en 2010 et par la suite, d’enveloppes inépuisables.

Dans ce cas, comment concevoir la complémentarité des rôles ?

Quand la solution de passer par les égouts est moins chère (une fois sur deux environ), on peut envisager le système suivant :
La collectivité a bien entendu recours à un opérateur d’opérateurs pour sa délégation de service public (DSP). Mais une autre structure réunie autour de l’acteur de réseau d’assainissement se charge de construire, sur la partie horizontale, une structure passive qu’elle loue. A charge ensuite pour l’opérateur d’opérateurs, déchargé d’une partie substantielle de l’investissement, de construire la partie verticale et de commercialiser l’ensemble. Des DSP qui n’étaient pas envisageables le deviendront.
Pour donner une comparaison, cette structure  qui va construire, financer et ensuite louer, je la qualifie de « TDF des réseaux de fibre optique ». Car il s’agit bien du même modèle économique. Les pylônes sont ici remplacés par des fourreaux.

Propos recueillis par Armel Forest

(1) Le plus important des intégrateurs français de réseaux télécoms, tous types confondus : conception, construction, maintenance.
(2) En comparant les valeurs actualisées nettes CAPEX + OPEX.
(3) Pour EasyFiber : 38 euros/ml de coût d’investissements et 8 euros/ml de coûts d’exploitation.  Pour la location des fourreaux FT : 12 euros/ml de coûts d’investissement et 43 euros/ml de coût d’exploitation en VAN.

Mise à jour le Mercredi, 30 Décembre 2009 15:58