"Télévision : l’Alsace passe au tout numérique": entretien avec Louis de Broissia, Président du GIP France Télé Numérique

Mercredi, 03 Février 2010 15:49 Claire
Imprimer

Comment s’est déroulée la transition la nuit dernière en Alsace ?

Le passage a d’abord été préparé avec soin dans les deux départements grâce à un travail conjoint du GIP et du CSA. Nous avons mené 167 réunions publiques communales et intercommunales pour les quelque 900 communes de la région. Sans oublier de mobiliser les antennistes, profession vitale en l’occurrence et de sensibiliser les syndics, gérants d’immeubles, bailleurs et maisons de retraite. Les médias locaux et régionaux se sont fait l’écho d’une campagne qui vise 100% des foyers. Un mois environ avant l’échéance, une enquête Médiamétrie a fixé à 95% le taux d’Alsaciens informés. Plus de 400 facteurs ont été mobilisés pour apporter une assistance technique aux foyers les plus isolés.

De même, chaque habitant a reçu dans sa boite à lettres de quoi instruire son dossier d’allocation des aides : achat de l’adaptateur, repositionnement de l’antenne et aide à la parabole. Au moment de la coupure, tout s’est passé comme prévu, mis à part un retard de deux heures pour l’allumage de deux émetteurs secondaires, dû aux conditions atmosphériques. Il reste aussi des réglages à effectuer sur certains multiplex (1). Au centre d’appel, les opérateurs ont répondu aux questions des téléspectateurs, essentiellement inquiets de la remémorisation des chaînes.
La nuit du passage ne marque donc pas la fin du processus. Le GIP, le CSA et l’Agence nationale des fréquences restent sur place jusqu’à dimanche.

Le taux de couverture est-il satisfaisant ?

Le taux de couverture numérique est aujourd’hui établi à 95% pour le numérique terrestre. Pour les 5% restants, le CSA a d’une part le pouvoir de décider d’augmenter la puissance des émetteurs(2)  pour s’approcher encore des 100%. Et d’autre part, l’Alsace bénéficie d’une large couverture satellitaire, qui s’explique par l’attractivité des chaînes suisses et Allemandes. Ajoutez à cela un taux d’équipement en câble supérieur à la moyenne nationale et la possibilité supplémentaire qu’offre l’ADSL. Les alternatives ne manquent pas. Il faut que la télévision numérique arrive dans tous les foyers, par un mode ou un autre, en privilégiant le numérique terrestre. Pour l’Alsace, quel que soit l’endroit, il existe un mode disponible. Si écran noir il y a, c’est une question d’équipement et non de couverture.

Les consommateurs se sont-ils préparés ? Le taux d’équipement est-il suffisant au moment de la transition ?

Nous savons qu’en Alsace, un certain nombre de foyers ne s’y sont pas pris à temps. De plus, les antennistes ont été confrontés à une forte demande et gênés par la neige. En dépit d’une campagne d’information anticipée de six mois, il faut compter, en moyenne, que les foyers s’équipent 15 jours avant et 8 jours après la transition. Nous estimons qu’il faudra une semaine environ pour parvenir à 99% de taux d’équipement et donc de réception. Il est même permis de penser que nous avons, à l’heure actuelle, déjà atteint ce taux. Mais 1%, cela correspond à près de 4000 foyers. Il reste des zones où la réception était incertaine et dans lesquelles nous devons aujourd’hui faire du sur mesure, c'est-à-dire opter pour le mode de réception approprié.

Faut-il s’attendre, pour les autres territoires, à un taux de couverture aussi bon qu’en Alsace ?

La TNT fournira un premier exemple de technologie numérique qui arrive, par divers moyens, dans tous les foyers français. Car la zone d’ombre pour la télévision numérique n’existe pas. La loi fait obligation d’une diffusion dans tous les foyers, quel que soit le mode de transmission, en respectant un principe de neutralité technologique. C’est le cas aujourd’hui en Alsace et ce sera le cas partout en France. On a pu entendre parler d’écran noir, mais à l’initiative de l’opérateur historique, le CSA ayant fixé le nombre d’émetteurs à 1626 au lieu des quelques 3600 utilisés pour la diffusion analogique. Mais 1626 émetteurs suffiront, d’autant que l’augmentation de puissance permettra d’assurer une couverture la meilleure possible. L’opérateur historique avait aussi évalué à 1,5 million le nombre de foyers contraints à recourir à la parabole. Mais le président du CSA a récemment évoqué le nombre de 150 000 foyers…Pour ces derniers, dans le cas où ils seront situés en zone de couverture de la diffusion terrestre, mais que cette dernière serait empêchée par un obstacle (bâtiments-arbres), l’attestation de l’antenniste donnera droit à l’aide à la parabole, sans condition de ressources. Nous entretenons aussi des relations particulières avec l’association des élus de montagne pour trouver des solutions individuelles de paraboles ou des solutions mutualisées (3) (un relais alimentant cent foyers évite l’installation de 100 paraboles). Là aussi, il faut faire du sur-mesure, ce qui suppose idéalement que nous ayons les cartes six mois à l’avance, comme le prévoit la loi.

Pourquoi avoir commencé par l’Alsace ? D’aucuns affirment que le choix d’une région « sans problème » est stratégique : petite superficie, dominante de plaines, très fort taux d’équipement, bonne couverture satellitaire…

L’Alsace n’est pas le premier territoire concerné. Rappelons que le Nord-Cotentin a déjà connu ce passage dans la nuit du 18 au 19 novembre et que deux communes ont effectué cette transition avant lui : Coulommiers et Kaysersberg. Mais il est vrai qu’elle est la première région à connaître, dans son intégralité, le passage à la télévision tout numérique. De 200 000 habitants dans le Nord-Cotentin, nous passons à près de 2 millions d’Alsaciens et entrons ainsi dans l’échelle industrielle du passage à la télévision numérique.
Le zonage établi par le CSA privilégie cette région frontalière de l’Allemagne. Notre voisin de l’est étant déjà passé au numérique, les réceptions y sont déjà partiellement perturbées. Le programme suivra ensuite son cours avec la Basse-Normandie, les Pays-de-la-Loire et la Bretagne d’ici juin 2010, le reste de la moitié nord de la France (excepté l’Ile-de-France) entre septembre et décembre 2010. Puis la moitié sud du pays (et l’Ile-de-France) aux premier et deuxième semestres 2011. Le 30 novembre de cette année là, tous les Français doivent être passés à la télévision numérique.

Propos recueillis par Armel Forest

(1) Les 18 chaînes sont réparties sur plusieurs multiplex
(2) et (3) Loi Pintat du 17 décembre 2009.

Mise à jour le Mercredi, 03 Février 2010 16:23