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Home Actualités du secteur Mars 2010 La vie privée dans les méandres des mémoires numériques

La vie privée dans les méandres des mémoires numériques

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La Commission des lois du Sénat a procédé mercredi 24 février à l’examen du rapport de M. Christian Cointat et du texte de la proposition de loi N° 93 (2009-2010) visant à garantir le respect de la vie privée face au développement des mémoires numériques. 26 amendements ont été adoptés par la commission. La proposition de loi sera examinée en séance publique le mardi 23 mars.

Entretien avec Anne-Marie Escoffier, Sénatrice, co-auteur* de la proposition de loi sur le respect de la vie privée à l’ère du numérique.

Quel besoin y a-t-il de légiférer sur cette question ?

Il faut mesurer à quel point Internet en particulier et le numérique en général ont envahi notre univers. Je peux développer plusieurs exemples. Le succès des réseaux sociaux révèle le paradoxe d’une société de plus en plus renfermée sur elle-même et particulièrement friande d’une forme nouvelle “d’exhibitionnisme“. Mais ne va-t-on pas trop loin ? Nous pouvons établir à 35% le taux de directions des RH utilisant Internet pour leur recrutement et à 45% le nombre des recrutements qu’elles ont engagé et qui n’ont pas abouti en raison de l’image véhiculée par Internet. Un exemple qui explique pourquoi nous envisageons la mise en place de mesures.
Mais ce n’est pas tout. Au-delà des problèmes bien connus d’usurpation d’identité, de piratage et de vol, les technologies numériques révolutionnent les pratiques commerciales en fournissant des moyens d’observation de comportements et de définition de profils. Les fameux “cookies“ fournissent un exemple bien connu de potentielle identification des habitudes et des goûts, pour une mise à disposition des acteurs économiques. Et Internet n’est pas le seul support concerné. Dans d’autres pays, on peut voir des procédés nouveaux émerger, qui relèvent à mon sens d’une déshumanisation et d’une réduction de l’Homme à un profil voire un outil marketing : caddies de supermarchés équipés de puces ou encore abris bus, supports bien connu de réclames, équipés de systèmes vidéos…
Il est plus que nécessaire de légiférer.

Comment avez-vous bâti votre panel de mesures ?

Le point qui nous apparaît fondamental est la formation des jeunes générations. Nous devons faire de l’internaute un “Homo numericus“ responsable et clairement informé des enjeux liés à l’usage des technologies numériques. C’est ainsi que nous pourrons permettre à Internet de rester un espace de liberté. Il faut créer une symbiose entre la liberté offerte par Internet et la responsabilité de l’Internaute. Cette dernière passe par la formation des jeunes générations. L’Education nationale est le vecteur idoine. Elle peut assurer leur formation en primaire, au collège et au lycée. Le cours d’instruction civique nous semble être le plus adapté. La proposition de loi modifie en ce sens le code de l’Education.

Et que comptez-vous faire pour les générations antérieures ?

Il s’agit de responsabiliser l’opérateur autant que l’internaute.
Nous proposons de durcir les contraintes auxquelles sont soumis les opérateurs en vertu de la loi Informatique et Libertés de janvier 1978. L’internaute doit être clairement informé. Nous suggérons de nouvelles dispositions comme l’indication de la durée de conservation des données et la création d’une rubrique dédiée à la gestion des données personnelles. Elle doit être accessible, c'est-à-dire immédiatement compréhensible et nous avons ajouté « spécifique » car à chaque type de donnée demandée correspond une information particulière.

Ces dispositions concernent-elles aussi les “cookies“ ?

Oui, car le texte prévoit d’obliger le responsable du traitement à informer l’utilisateur de la possibilité d’exprimer un choix préalable et éclairé en matière de “cookies“. Bien entendu, il s’agit d’une information préalable globale car elle serait fastidieuse au cas par cas et entraverait la fluidité de la navigation. Dans la mesure où les destinataires peuvent préalablement donner leur accord, cette règle préserve le modèle économique d’Internet.

Et qu’en est-il de la responsabilisation de l’Internaute ?

A partir du moment où l’internaute aura accès à des informations claires, accessibles et spécifiques, il pourra s’engager en connaissance de cause. Mais nous sommes conscients, surtout pour le bénéfice des plus jeunes, qu’il faut défendre un droit à l’oubli en facilitant l’exercice du droit à la suppression des données personnelles, particulièrement dans le cas où elles peuvent porter préjudice à l’intéressé.

La proposition de loi consacre un large développement à la CNIL…

En effet. Il faut faire en sorte qu’elle soit confortée dans sa mission. Non pas une mission de contrôle, mais d’expertise et de conseil. La CNIL n’est pas une juridiction. Nous avons souhaité, ce qui fait l’objet d’un débat au sein de la commission, généraliser la présence d’un correspondant informatique et liberté lorsque les entreprises, services et administrations présentent la particularité d’avoir un nombre important de personnes ayant accès à des données personnelles. Actuellement, cette présence relève du volontariat. Elle deviendrait obligatoire dans un objectif de conseil et d’expertise. Dans le même but, nous suggérons un meilleur maillage du territoire et la présence d’une antenne de la CNIL au niveau régional.

Propos recueillis par Armel Forest


Consultez le dossier législatif sur le site Internet du Sénat : http://www.senat.fr/dossierleg/ppl09-093.html


* Avec le Sénateur Yves Détraigne.

Mise à jour le Mercredi, 03 Mars 2010 11:01  

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