Réussir le déploiement du Très Haut Débit

Mardi, 26 Octobre 2010 09:26 Claire
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Le sénateur Hervé Maurey a remis hier, mardi 26 octobre, au Premier Ministre son rapport sur le financement du très haut débit

"860 M€ de contributions publiques pour le fonds d’aménagement numérique des territoires."

Entretien avec Hervé Maurey, sénateur (NC, Eure), chargé d’un rapport sur l’alimentation du fonds d’aménagement numérique des territoires


A combien évaluez-vous les besoins d’alimentation de ce fonds d’aménagement numérique des territoires ?

J’évalue les besoins d’alimentation par l’Etat à environ 660 M€ par an sur quinze ans. Cette contribution représentera l’essentiel des financements publics dont le total avoisinera 860 M€. Les collectivités locales devraient pouvoir débloquer quelque 150M€ par an. Elles ont consacré jusqu’à présent entre 200 et 300 M€ par an en faveur du numérique mais je préfère être prudent compte tenu de l’évolution de leurs finances. Pour la contribution de l’Europe, je prévois également une fourchette basse proche de 50M€ par an.

 

Une contribution de 75 centimes par mois et par abonnement sur l’Internet fixe et les abonnements mobiles

Comment alimenter ce fonds ?

Je préconise un double abondement. Le premier proviendrait d’une contribution de solidarité numérique de 75 centimes par mois et par abonnement. Cette taxe toucherait l’internet fixe (et non le téléphone fixe), et  l’ensemble des abonnements mobiles, sans distinction, car il est techniquement difficile de différencier les appareils recevant Internet de ceux qui ne sont pas connectés.

 

Avec la hausse de la TVA sur les forfaits “Triple Play“, le consommateur sera donc soumis à une double hausse …

La contribution de solidarité numérique que je propose est fixée à un niveau raisonnable : 75 centimes, une somme lisible et raisonnable. Le cas échéant, une partie du produit de cet ajustement de la TVA pourrait être affectée au fonds. Si dans la loi de finance prochaine, une hausse partielle de la TVA est appliquée aux forfaits “Triple Play“, elle pourrait permettre de réévaluer le système d’abondement du fonds.

 

Une taxation des téléviseurs et des consoles de jeu à hauteur d’environ 2% du chiffre d’affaires


Vous avez parlé d’un double abondement … Quel est le second ?

Le second proviendrait d’une taxation des téléviseurs et des consoles de jeu à hauteur d’environ 2% du chiffre d’affaires. C’est justifié car ce secteur sera sans doute le premier bénéficiaire en même temps que le premier moteur de la généralisation du THD. Les téléviseurs 3D commencent déjà à se vendre. Qui plus est, il s’agit d’une industrie assez peu française, même assez peu européenne et qui est, contrairement au secteur du numérique, assez peu taxée.

 

« L’Arcep doit faire toute la lumière sur l’utilisation réelle de la provision pour renouvellement des infrastructures que perçoit France Télécom »

Vous parlez peu des opérateurs… Ils ne seront pas mis à contribution ?

 

Il y aurait en effet une solution alternative qui consiste à taxer le chiffre d’affaires des opérateurs. Le principe est valable mais je formule deux réserves. Une taxe sur les entreprises relève souvent de l’hypocrisie car elle se répercute presque immanquablement sur le consommateur.

Deuxièmement, à mon grand regret, cette taxe a déjà été instituée en 2009 pour combler le manque à gagner de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision. A l’époque, j’avais regretté que l’on taxe les opérateurs pour financer autre chose que la couverture numérique du territoire.

Par ailleurs, puisqu’il est question de la contribution des opérateurs, je demande dans mon rapport que l’Arcep fasse toute  la lumière sur l’utilisation réelle de la provision pour renouvellement des infrastructures que perçoit France Télécom. En effet, une partie de la facture acquittée à l’opérateur historique par les opérateurs alternatifs pour l’utilisation de la boucle locale en cuivre doit être affectée au renouvellement des infrastructures. Cette provision est évaluée à 800 M€ par an et d’après les opérateurs et l’UFC Que Choisir seul la moitié serait réellement investie dans les réseaux. Je ne tire pas de conclusion hâtive, mais je dis que l’Arcep doit regarder cette question de près.

 

Les opérateurs sont déjà sollicités. Quelle autre forme de contrainte leur serait appliquée ?

 

A mon sens, concernant les opérateurs, il vaut mieux être vigilant sur les obligations de déploiement.

Dans la mesure où le modèle choisi leur laisse une grande initiative et que leurs objectifs légitimes de rentabilité ne rejoignent pas toujours loin s’en faut l’intérêt général, il faut que l’Etat soit très vigilant quant au respect des engagements pris par les opérateurs. Il faudra faire régulièrement le point et ne pas s’interdire, le cas échéant, de remettre en question ce modèle.

 

Aujourd’hui, d’aucuns pensent qu’il faudrait opter pour une séparation fonctionnelle entre le réseau et les services, comme cela a été fait pour le rail ou l’électricité. Pour ma part, je ne dis pas que le modèle choisi est mauvais, mais j’insiste pour que l’on ne s’entête pas s’il s’avère que le déploiement prend du retard. C’est une préconisation très large sur la vigilance de l’Etat et le fait qu’il reste un acteur actif et ne devienne pas simple spectateur. Les enjeux sont trop importants pour notre pays. Tout doit être mis en œuvre pour que les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République (70 % en 2020, 100 % en 2025) soient tenus.

 

Quel est le moment judicieux pour commencer à alimenter le fonds ?

Il faut la mettre en place dès le budget 2012 pour une raison simple : plus la période d’alimentation du fonds sera longue et moins les besoins annuels seront importants. Surtout, il y aura un effet psychologique fort si l’Etat montre dès à présent une réelle volonté d’alimenter ce fonds. L’effet déclencheur sera positif.

 

Propos recueillis par Armel Forest

Mise à jour le Mardi, 26 Octobre 2010 17:36