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Investissements d’avenir : que deviennent les 5 milliards du volet numérique ?

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Benoît Loutrel, directeur du programme numérique des investissements d’avenir, était l’invité du Club parlementaire du numérique. Il a établi un premier bilan de l’expérience des projets-pilotes en marche depuis 2010. Tout est en place désormais pour que les collectivités fassent leurs demandes de subventions et équipent leurs territoires en Très Haut Débit.

« On est en train de s’attaquer à une politique de construction des réseaux du XXIème siècle » pose d’emblée Benoît Loutrel, en charge du volet numérique des investissements d’avenir. « La fibre est révolutionnaire car elle a une capacité illimitée en termes de débit » renchérit le sénateur Bruno Retailleau pour mettre fin aux doutes émis sur la pertinence d’une telle technologie. Cette couverture du territoire en Très Haut Débit, le Président de la République en a fait un objectif national : en 2025, l'ensemble du territoire devra être équipé. Dans le cadre des investissements d’avenir, le numérique a bénéficié d’une belle enveloppe puisque le Fonds national pour la Société Numérique (FSN) a été doté de 4.25 milliards d’euros que doit gérer Benoît Loutrel. Parmi ces 4.25 Mds, 2.25 Mds sont dédiés au soutien au développement de nouveaux usages, services et contenus numériques innovants. Les deux milliards restant du programme sont destinés au développement du Très Haut Débit et se répartissent entre 900 millions d’euros pour subventionner les projets d’initiatives publiques de déploiement du Très Haut Débit et plus d’un milliard d’euros de prêts publics destinés aux opérateurs. Ce milliard n’a pas encore été débloqué. Plus compliqué à déployer, il permettra néanmoins d’accompagner les opérateurs-clients des réseaux d’initiatives publiques et pourra ainsi accélerer la couverture du territoire en Très Haut Débit. 

   

Ce sont surtout des 900 millions d’euros de subventions dont il a été question lors de ce petit déjeuner. « On sort de la période de gestation » affirme Benoît Loutrel. Cette période a débuté à l’été 2010 quand l’Etat a lancé un appel à des projets-pilotes. Ces projets-pilotes ont été un véritable laboratoire pour les acteurs du THD et ont créé une « véritable dynamique ». Chaque projet a eu son lot d’apprentissage : par exemple, la mairie de Chevry-Cosigny, qui ne pouvait pas raccorder tous les foyers à la fibre optique, a demandé à ceux qui souhaitaient accéder à la fibre de payer 70 euros : « Les gens ont fait la queue pour payer, s’étonne Benoît Loutrel. On l’a peut-être oublié mais pour tous les réseaux qui ont été développés, on a aussi fait appel à l’utilisateur final ». Autre projet-pilote, celui mené par le conseil régional d’Auvergne dans la commune d’Issoire où les quatre principaux opérateurs de téléphonie mobile se sont mobilisés. Le cahier des charges du Commissariat Général à l’Investissement était pourtant exigeant : « Construire en 6 mois un réseau de fibre optique et le mettre en exploitation ». 500 000 euros de subventions ont été débloqués pour ce projet. A la clé un « très bon retour d’expérience » selon Benoît Loutrel qui explique que « le conseil régional a trouvé le modèle économique sur lequel travailler avec les opérateurs. »

Tout l’enjeu est de trouver un équilibre entre l’investissement privé et public. Laisser carte blanche aux opérateurs ne garantit en rien une couverture équitable du territoire. Faut-il alors que les investissements soient uniquement publics ? L’ampleur des investissements nécessaires ne le permet pas… Il faut donc concilier ces deux acteurs et reconnaître l’existence d’intérêts différents mais pouvant devenir complémentaires : « La force de l’investissement privé, c’est qu’il est porté par des acteurs déjà présents sur le Haut Débit, reconnaît Benoît Loutrel. Ils peuvent donc utiliser les profits des réseaux actuels pour financer les futurs ». L’expérience des projets-pilotes a permis de dégager les objectifs et les intérêts de chacun. A ce titre certaines conclusions sont étonnantes. L'invité du Club parlementaire explique :

« Quand les opérateurs vont dans des zones denses, le coût d’investissement est faible mais le risque commercial est fort. Inversement, les investissements des réseaux d’initiatives publiques dans une zone peu dense sont très importants mais peu risqués commercialement. A titre d'exemple : dans deux projets pilotes, 20% des lignes ont déjà été commercialisées en seulement un mois ».

L’attente est donc forte dans les territoires ruraux souvent mal couverts par le Haut Débit.

Les opérateurs, "ces monstres froids"

Dans son rôle de représentant de l’Etat, Benoît Loutrel se montre inflexible à l’endroit des opérateurs :

« On n’oublie pas que les opérateurs peuvent être aussi des monstres froids. Souvent, la menace des investissements publics suffit à les faire investir. »

L’Etat utilise donc à merveille cette menace. Il a clairement annoncé la couleur dans son appel à projets : les réseaux d’initiatives publiques sont complémentaires de l’initiative privée mais l’Etat aura la possibilité de récupérer, sans nouvel appel d’offres, « des lots conditionnels » si la volonté des investisseurs privés venait à défaillir.

Faire venir la fibre sur sa commune relèvera pour certain d’un parcours du combattant…  Jean Dionis du Séjour témoigne :

« L’opérateur France Télécom est venu me voir en me félicitant car ma ville avait été choisie pour être couverte. Puis il m’a dit qu’il ne commencerait les travaux qu’en 2015 ! Je veux bien donner les autorisations  de voieries aux opérateurs mais il faut voir, que dans certains cas, la préemption bloque tout projet concurrent… »

Benoît Loutrel répond :

« On a entendu ce message. Vous noterez qu’on a engagé des moyens importants pour garantir la crédibilité des engagements des opérateurs. Les engagements doivent donc être écrits, discutés, documentés ».

L’idée de Bruno Retailleau abonde dans le sens du directeur du programme numérique des investissements d’avenir :

« L’important, c’est d’avoir des instruments de suivi des opérateurs qui garantissent la réalisation des travaux ».        

Et après ? 

Grâce aux investissements d’avenir, le Fonds d’aménagement numérique des territoires (FANT) - qu’appelait de ses vœux le sénateur Xavier Pintat - a vu naître ce qui pourrait le préfigurer : le FSN. Avec 900 millions d’euros, le fonds dispose selon Benoît Loutrel d’une enveloppe suffisante pour  accompagner les collectivités. Les règles qui ont été fixées pour l’obtention des subventions sont des « signaux économiques » qui incitent les collectivités à ne pas investir dans un déploiement  trop coûteux. Ces 900 millions d’euros sont-ils destinés exclusivement aux projets d'installations du Très Haut Débit ? La liberté a été laissée aux collectivités qui peuvent affecter les subventions à une simple montée en débit. Le FSN exige cependant que l’installation du Très Haut Débit soit à plus ou moins long terme ambitionnée. Reste qu’une fois ces 900 millions d’euros distribués, la question du financement du FANT ne sera toujours pas réglée. Bruno Retailleau ne s’inquiète pas : « En France, ce n’est pas l’imagination fiscale qui nous fera défaut… »    

Pierre Laffon

Sur le même sujet et sur le site du CPN, l'interview de René Ricol, Commissaire général à l'investissement 

 

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