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Télévision connectée : « Il va falloir évoluer et nous adapter »

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Entretien avec Emmanuel Gabla, Membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, à l’occasion de la publication de quatorze propositions visant à préparer l’arrivée de la télévision connectée

 

Le CSA fait de nouveau face à une évolution des plateformes Internet.  Avec la télévision connectée on assiste à la convergence de deux univers originellement très différents. Comment appréhendez-vous ce choc ?

En effet, ce sont deux mondes très différents qui jusqu’à présent évoluaient dans des univers séparés et plus ou moins cloisonnés. La nouveauté se concrétisera à travers le mixage de l’Internet et de la télévision sur un même terminal. Le téléviseur connecté en deviendra le symbole le plus emblématique. Ces deux mondes sont a priori régulés de manières différentes. De là naissent de nombreux enjeux que nous devons anticiper et analyser afin de réguler la télévision connectée. Il va donc falloir évoluer et nous adapter.

Dans la publication du CSA, vous avez mentionné la mise en place d’un observatoire des usages de la télévision connectée. Quelles en seraient les missions et les attributions ? Son statut ?

Nous sommes en pleine phase d’organisation de cet observatoire. Pour mémoire, la commission s’intitule « Commission de suivi de la télévision connectée ». Il demeure donc essentiel pour nous de savoir quels sont les usages de la télévision connectée. Je note que des études publient des chiffres ou des tendances parfois contradictoires et les différentes méthodes pour les réaliser ne sont pas encore stabilisées. Nous sommes donc parvenus à la conclusion qu’il fallait un outil pour rendre plus objectif le débat, une sorte de baromètre des usages de la télévision connectée.

Je pense que cet observatoire sera une instance juridique rattachée au CSA. S’agissant de son financement, l’observatoire dépendra sans doute du CSA et de certains ministères, mais tout cela reste encore à finaliser.

Vous soulignez que certains services de la télévision sur Internet échapperont au système fiscal français. A quel niveau se situe la solution ?

Ces services, qui échappent à la réglementation française, ne respectent pas un des grands principes fondateurs de notre politique culturelle, qui veut que toute personne retirant un profit en mettant des vidéos à disposition des consommateurs doit participer au système de financement de  la création. Ceux qui sont établis à l’étranger ne contribuent en rien au système national de financement. Il faut donc trouver un moyen de les réintégrer dans ce système vertueux, qui a fait ses preuves.

Il nous faudra certainement l’accord de l’Union européenne. Nous ne sommes pas les seuls à remarquer que certains acteurs échappent au système de régulation fiscale français. Les ministres MM. Moscovici, Montebourg, Cahuzac et Madame Pellerin ont confié à Messieurs Colin et Collin une mission sur cette problématique. Nous attendons avec grand intérêt les conclusions de cette mission. Elles pourront pour partie, s’appliquer, ou être déclinées, à nos problématiques de financement du cinéma et de l’audiovisuel.

L’une de vos propositions vise à assurer l’interopérabilité des terminaux afin que les consommateurs ne soient pas les otages des constructeurs multipliant les nouveautés. Comment prévenir ce risque ?

Le groupe de réflexion de la Commission consacré aux « enjeux technologiques », a instruit cette question, et a mis en exergue des bonnes pratiques à dupliquer. Prenons l’exemple de la norme HbbTV, qui  permet de transmettre à la fois des informations par le réseau hertzien terrestre et des informations complémentaires sur le réseau ADSL. Cette norme a été élaborée à l’initiative des éditeurs et distributeurs en France et en Allemagne. Elle a ensuite été avalisée au niveau européen et peut aujourd’hui être commercialisée en France.

Selon moi, c’est  une approche à généraliser dans le domaine de la télévision connectée. Nous voulons nous assurer que des normes soient élaborées, adoptées et intégrées par tous les fabricants de télévisions connectées. Ainsi, lorsqu’un consommateur achètera une télévision connectée de nouvelle génération, les services auxquels il avait souscrit avec son ancien poste seront encore accessibles sur sa nouvelle télévision, sans avoir à les payer une deuxième fois. Il en est de même pour les logiciels qui sont dans les téléviseurs connectés.

Nous souhaitons la mise en place de normes ouvertes et non propriétaires. Il faut intégrer qu’il s’agit d’un enjeu qui dépasse nos frontières. L’idéal serait de commencer à notre échelle, puis de défendre le sujet au niveau européen.

La télévision connectée suscite déjà l’appétit des annonceurs publicitaires. A quels enjeux serez-vous particulièrement attentifs ?

C’est un cas concret de différence de cadre juridique entre les mondes de l’Internet et de l’audiovisuel. Il y a notamment des obligations plus fortes qui pèsent sur le domaine de l’audiovisuel. Par exemple la publicité pour l’alcool, possible sur Internet est interdite à la télévision. Il sera nécessaire d’harmoniser les pratiques et usages.

Les publicités pour les offres promotionnelles des grandes surfaces sont également interdites dans le secteur de l’audiovisuel. Ces publicités se révèlent sur Internet être un important relais de croissance pour les régies publicitaires. Il faudra donc bien analyser la question pour vraisemblablement conclure que ces différences ne seront pas tenables sur le long terme.  N’oublions pas qu’in fine, tout sera regardé sur un même écran : le téléviseur.

Sur le plan économique, pour l’instant, tous les acteurs  en sont encore à tester différents modèles pour trouver celui qui permettra de dégager des profits dans l’écosystème de la tv connectée.

Les pouvoirs publics et le CSA tout particulièrement, devront veiller à ce que les différents acteurs se concurrencent à armes égales dans un cadre juridique qui ne favorise pas les uns par rapport aux autres.

Propos recueillis par Joseph d’Arrast

Mise à jour le Mardi, 18 Décembre 2012 11:57  

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