Club Parlementaire du numérique

  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Home Telecom Fiscalité du numérique : Pierre Collin et Nicolas Colin au CPN

Fiscalité du numérique : Pierre Collin et Nicolas Colin au CPN

Envoyer Imprimer PDF

Réunis autour du Club Parlementaire du Numérique, Pierre Collin (Conseiller d’Etat) et Nicolas Colin (Inspecteur des Finances) présentaient leur rapport sur la fiscalité du numérique rendu à Bercy le 20 janvier 2012. En proposant de taxer l’exploitation des données personnelles, ce document de 150 pages a provoqué un raz-de-marée dans le milieu du numérique et même au-delà.

Cerveaux sensibles, s’abstenir ! Le débat de haute volée qui s’est tenu au dernier rendez-vous du CPN n’a pas éludé la complexité du sujet. Pourtant les deux auteurs du rapport ont joué le jeu : ils le savent, de la bonne communication de leurs conclusions dépendront les suites qui pourront y être données, notamment auprès des législateurs que sont les parlementaires.

Ces derniers ont d’ailleurs été les premiers à dégainer en la matière puisque le sénateur Philippe Marini (Oise, UMP) a déjà déposé deux propositions de loi visant à taxer les géants du Net en prenant pour cible les régies publicitaires. Il faut dire que selon ce dernier, le manque à gagner se chiffre entre 500 millions et un milliard d’euros. Mais pour Pierre Collin, la proposition du sénateur risque de trop se limiter à un secteur et à un modèle économique. « Il fallait donc une proposition neutre qui puisse embrasser tous les secteurs de l’activité numérique. »

Le cœur du problème réside dans la volatilité de la valeur taxée : grâce à d’ingénieux systèmes d’optimisation fiscale, ces entreprises du Net, au chiffre d’affaires souvent colossaux (un milliard en France pour Google l’année dernière) ne paye, en toute légalité, qu’une quantité de taxe dérisoire (5 millions toujours dans le cas de Google). L’Etat, en effet, ne peut taxer que les entreprises établies en France ou ayant un établissement stable sur le territoire – comme le définit l’article 5 des conventions fiscales. 

Afin de s’ajuster à cette évolution, les deux auteurs ont donc eu cette idée de taxer les données personnelles exploitées. « Elles sont la vraie valeur fournie par les utilisateurs d’application, qui par les traces qu’ils laissent, permettent aux entreprises qui opèrent ces applications de s’emparer de ces données et d’en faire levier pour créer de la valeur » explique Nicolas Colin.

Pour Pierre Collin, il s’agit ainsi « d’acclimater les entreprises de l’économie numérique qui aujourd’hui passent entre les mailles du filet de la fiscalité traditionnelle ». En attendant de revoir la notion d’établissement stable donc, qui, selon eux, « peut tout à fait être revue à l’aune de critères plus actuels ».

Si l’idée séduit la députée Corinne Erhel (SRC, Côtes-d'Armor) elle laisse en revanche Charles de Courson (Marne, UDI) un peu plus sceptique, notamment sur la faisabilité du projet, son assiette et son « équitabilité ». Les deux auteurs citent quelques pistes, comme les cookies et le nombre d’utilisateurs rappelant qu’il ne s’agit pas de « faire du quantitatif mais de viser des comportements », à savoir l’exploitation abusive de données personnelles à des fins commerciales. Ce que Michael Trabbia, de France Telecom, semble leur reprocher puisque selon lui, « la proposition ne répond pas à l’objectif fixé par le gouvernement de rétablir l’équité fiscale mais poursuit un autre objectif : la protection des données personnelles et leur ouverture à des tiers. »

Interrogé sur l’efficacité de la mesure si elle doit reposer sur les déclarations faîtes par les éditeurs de contenus et d’applications, Nicolas Colin reconnaît « qu’il faudrait un apprentissage de part et d’autres : le entreprises de l’Internet doivent apprendre à déclarer ce type d’information de la même manière qu’elles ont l’habitude de déclarer un chiffre d’affaires, tandis que l’administration fiscale doit apprendre à recouper les informations livrées. » Lucide, il admet que la fiscalité des grands groupes est une réalité qui « dépasse souvent les capacités d’appréhension d’une administration fiscale ». « Tout cela est très négocié », ajoute-t-il.

Jacques Toubon, très en verve, a encensé la démarche des deux auteurs, rappelant que longtemps les Etats-Unis se sont refusés à sérieusement taxer le secteur Internet et qu’ils s’en mordent les doigts aujourd’hui : « Une fiscalité classique n’est pas la solution, or ce rapport, par l‘originalité de ses propositions, va au-delà des conservatismes, et s’inscrit véritablement sur le long terme. »

Nicolas Colin a conclu la soirée avec beaucoup de justesse, renvoyant les entreprises de l’Internet et les politiques dos à dos : « jusqu’ici ces deux mondes se sont plutôt ignorés et nous sommes tous responsables. Il faut les réunir, ce rapport doit être un appel aux armes pour que les parlementaires puissent se saisir de ces sujets et que les acteurs du numériques communiquent davantage sur leur activité. » Une nouvelle soirée du CPN, qui à n’en pas douter, aura contribué à ce rapprochement. 

Joseph d'Arrast

Mise à jour le Mercredi, 20 Février 2013 10:11

Mise à jour le Mercredi, 20 Février 2013 11:07  

Accès Membres

Vidéos