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Home Telecom Jean-Ludovic Silicani : « Les télécoms ont besoin de gains de productivité »

Jean-Ludovic Silicani : « Les télécoms ont besoin de gains de productivité »

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Pour sa rencontre de juin, le CPN accueillait Jean-Ludovic Silicani, le président de l’Arcep. L’occasion d’aborder dans un contexte morose l’avenir des télécoms, le second dividende numérique, la neutralité de l’Internet, avec comme toile de fond l’évolution de la législation européenne.

Tenu à l’Assemblée nationale, le dernier dîner du CPN a permis d’accueillir pour la seconde fois Jean-Ludovic Silicani. Le sénateur Bruno Retailleau a lancé débat avec humour, reprenant un dicton à l’intention du secteur des télécoms français : « quand je me regarde, je me désole et quand je me compare je me console. »

Très vite Jean-Ludovic Silicani a dressé un état des lieux exhaustif du secteur en faisant état de trois caractéristiques majeurs du secteur à l’heure actuelle. Il a d’abord tenu a rappelé que les télécoms sont « une industrie de service » qui a besoin de dégager des gains de productivité pour assumer son rôle de modernisation de l’économie et de la société au travers de son innovation technologique. Il en a profité pour « tirer son chapeau » aux opérateurs, qui malgré la morosité du secteur, sont parvenus à franchir la barre des 10 milliards d’euros d’investissement en 2012.

Le président de l’Arcep est ensuite revenu sur la croissance particulière du marché en France, avec une augmentation de 6% en volume mais une baisse de 4% du chiffre d’affaires imputable à la chute des prix entraînée par l’arrivé d’une quatrième licence sur le marché du mobile. Des prix qui devraient se stabiliser à moyen terme et permettre un retour de la valeur.

 

 Enfin, Jean-Ludovic Silicani a souligné une caractéristique, à ses yeux, essentiel du secteur des télécoms : alors que les FAI et les opérateurs sont nationaux, les acteurs de l’Internet et les équipementiers sont mondiaux. Une distorsion qui pose visiblement des difficultés de rapport de force. Une analyse partagée par Michael Trabbia de chez France-Télécom Orange et sur laquelle il a rebondit en interrogeant le Président sur les conditions d’accès des MVNO sur le marché français et leur régulation, notamment en provenance des OTT (les grands acteurs de l’Internet, Other The Top). Le Président a reconnu qu’il y avait « vraisemblablement trop de MVNO » et qu’ils finiraient sans doute par se regrouper. Quant aux OTT, si rien ne les empêchent d’investir le marché français, ils seront bien soumis à la législation européenne. L’Arcep a d’ailleurs déposée une plainte contre Skype qui refuse de se déclarer comme opérateur. Les OTT sont prévenus…

 

L’autre grand sujet du débat était bien sûr la législation européenne. De nombreux chantiers sont en cours, dont la disparition de l’itinérance voulue par Neelie Kroes et la Commission européenne. « Dans l’idée d’un marché unique des télécoms, les Français pourront, à terme, accéder à une centaine d’opérateurs. Mais de nombreuse suppression d’emplois seront à prévoir », n’a pas laissé de signaler le président de l’Arcep. Interrogé par Arnaud Lucaussy (TDF) sur la création d’un « super régulateur », Jean-Ludovic Silicani s’est montré sceptique : « c’est une vue de l’esprit que de tout vouloir regrouper, c’est l’équivalent de dix usines à gaz réunis. » Il a en revanche encouragé l’Union européenne à jouer davantage le rôle de diplomate entre les opérateurs télécoms européen et les OTT et équipementiers mondiaux : « ce que l’Europe peut mieux faire, c’est encore négocier. » Il a appelé de ses vœux une gouvernance économique en la matière plutôt qu’un super-régulateur.

 Jean-Ludovic Silicani a également souhaité que l’Europe puisse trouver un juste milieu entre un marché sclérosé et la libéralisation à tout crin, comme cela s’est pratiqué aux Etats-Unis, entraînant la perte de milliers d’emplois et une véritable fractures numériques. Evoquant « une diversification intelligente », il a encouragé les opérateurs à valoriser leurs nouveaux services, telle que la 4G : «on peut très bien avoir deux types d’évolution tarifaires, une quantitative et l’autre qualitative, sans remettre en cause la neutralité de l’Internet. » « Différenciation n’est pas discrimination », a-t-il précisé.

Interrogé sur le VDSL2, ce protocole de transmission de données à haut débit sur ligne de cuivre qui vient de recevoir son feu vert, le président de l’Arcep a tenu à rassurer les collectivités qui déboursent des investissements considérables dans la fibre. Alors que son développement est prévu à partir d’octobre, il a déclaré « qu’on ne peut pas empêcher une technologie d’apparaître sur un marché » mais que celle-ci ne concernera que 5 millions de lignes, dans des territoires où la fibre n’arrivera pas rapidement.

 

C’est ensuite le sénateur de la Savoie, Jean-Pierre Vial, qui a exprimé son inquiétude vis-à-vis du modèle économique de la couverture en haut-débit du territoire suite à la loi Pintat, celle-ci imposant un système de complétude qui prévoie une couverture de tous les habitants dans les cinq ans. Jean-Ludovic Silicani a reconnu qu’il est difficile de fixer une méthode universelle pour tenir ces objectifs et que « le principe de la complétude ne [pouvait] être atteint que grâce à un fond de péréquation subventionné.»

 

 

Loïc Taillanter (SFR) a lui soulevé la question de l’attribution de nouvelles fréquences aux opérateurs, les fameuses fréquences 700 MHz au cœur d’une bataille entre les chaînes de télévision et les opérateurs. Sans trop aborder la question de l’attribution des fréquences, le président de l’Arcep a insisté sur la longueur du calendrier compte tenu de l’ensemble des tâches à réaliser pour leur transformation. « Pas avant 2016 », selon lui. Pour Bruno Retailleau, il s’agit surtout d’un problème de méthode. Les fréquences étant un bien public, et non pas seulement une propriété de l’Etat, il a souhaité que le Parlement soit impliqué dans les modalités d’attributions.

Enfin, la députée Laure de La Raudière a interrogé Jean-Ludovic Silicani sur la création d’un observatoire de la qualité du service internet, comme elle l’avait proposée dans son récent rapport avec sa collègue Corinne Erhel. Le président de l’Arcep a jugé son autorité en mesure de mettre en place un tel observatoire. « Si tant est qu’on nous alloue les crédits nécessaire », a-t-il ajouté malicieusement à l’intention des parlementaires présents.

Le mot de la fin est revenu au sénateur Retailleau: « décidément, le formidable rythme d’évolution du secteur continue et continuera d’alimenter les débats quasi-permanents du CPN ! »

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Mise à jour le Mardi, 11 Juin 2013 08:05  

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