« Pour répondre à des problèmes globaux, nous avons besoin de réponses globales ».

Mercredi, 04 Septembre 2013 15:41 Administrateur
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Questions à Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE

Vous avez présenté en juillet un plan d’action contre l'évasion et l'optimisation fiscales des multinationales. En quoi consiste-t-il ?

Le plan d'action vise à développer une série de mesures pour mettre fin à ce que l'on appelle la « double non-imposition » des entreprises multinationales. Les règles existantes de fiscalité internationale (conventions fiscales, règles de prix de transfert...) ont pour objet d'éliminer les doubles impositions mais, dans un contexte de globalisation, ont aussi facilité la planification fiscale agressive des sociétés. On assiste aujourd'hui à un divorce entre la localisation des activités et celle des profits qui peuvent facilement (et légalement) être transférés dans des juridictions sans fiscalité. Le plan d'action a pour objet d'adapter les règles mais aussi de développer de nouveaux instruments pour neutraliser les schémas fiscaux agressifs et mettre fin à cette double non-imposition.

 Quel en sera le calendrier ?

Le plan d'action identifie 15 actions qui seront mises en œuvre dans les 18 à 24 mois à venir. L'objectif est de développer des instruments juridiques que les Etats pourront utiliser dans différents domaines: nouveaux principes directeurs en matière de prix de transfert, modèle de législation pour neutraliser produits et entités hybrides... Le plan d'action, qui est un document politique, fixe la direction et le point d'arrivée pour chaque action. Il va maintenant falloir développer les instruments juridiques. Il convient de noter qu'une des actions consiste précisément dans le développement d'une convention multilatérale qui puisse modifier automatiquement (pour ses signataires) les conventions bilatérales existantes. Cet instrument devrait permettre une mise en œuvre accélérée des mesures qui seront développées.

Quelles sont les difficultés d’application ? Y-a-t-il des pays réticents ?

Le plan d'action a fait l'objet d'un consensus non seulement des Etats membres de l'OCDE mais aussi de tous les Etats du G20 (8 d'entre eux ne sont pas membres de l'OCDE dont Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde, Russie...). Bien sûr, il y a des approches et des intérêts parfois divergents comme entre petites économies ouvertes et pays à haute fiscalité ou, sur l'économie numérique, entre les Etats Unis et le reste du monde. Ceci étant, au final, tous les pays se sont mis d'accord sur la nécessité de combattre l'érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices. Il y a un consensus qui n'est pas de façade.

De manière plus générale, l’OCDE est-elle, selon vous, l’échelon le mieux placé pour lutter contre ce phénomène d’optimisation fiscale des multinationales ?

L'OCDE a développé puis plusieurs décennies une expertise sans égal dans le domaine de la fiscalité internationale. Nous sommes aujourd'hui très ouverts et inclusifs: le Forum mondial sur la transparence a 120 pays membres sur un pied d'égalité. Sur le projet "BEPS" (base erosion and profit shifting) nous venons de proposer à tous les pays du G20 de s'associer sur un pied d'égalité et ils vont nous rejoindre. Pour répondre à des problèmes globaux, nous avons besoin de réponses globales. L'OCDE a démontré qu'elle était en mesure de les fournir.

Etablir des conventions fiscales vous parait-il une première réponse adaptée pour aller vers plus d’échange de l’information entre pays ?

En ce qui concerne l'échange d'information (qui est un sujet largement différent de la taxation des entreprises), des progrès majeurs ont été réalisés depuis 2009. On en est aujourd'hui à élaborer et mettre en œuvre le nouveau standard qui est l'échange de renseignement automatique. Plus de 1000 accords bilatéraux ont été signés depuis 2009 pour échanger des renseignements au standard (contre une quarantaine entre 2000 et 2009!). Mais aujourd’hui l'accent est mis sur la Convention multilatérale d'échange de renseignement qui permet aussi l'échange automatique de renseignements sur option. L'Autriche, le Luxembourg et Singapour ont rejoint une soixantaine d'Etats qui ont également signé cette convention.

Mise à jour le Jeudi, 05 Septembre 2013 07:32