Le nouveau président de l’Arcep au Club parlementaire du numérique

Mardi, 07 Avril 2015 16:18 Administrateur
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 Soriano

Sébastien Soriano a présenté les grandes orientations de son mandat qui court jusqu’en 2020. Il a répondu aux questions des parlementaires de la ruralité, venus en force défendre leur circonscription.

« Qui sera le régulateur Soriano ? » La question posée d’emblée n’a pas décontenancé l’invité. « Ne personnalisons pas trop le débat », a-t-il souri. Très à l’aise, l’ancien directeur de cabinet de Fleur Pellerin a déroulé son programme et présenté sa vision de la régulation. « Oui, il faut un arbitre impartial entre les opérateurs. Mais indépendant ne signifie pas indépendantiste. » Sébastien Soriano s’est surtout dit à l’écoute des priorités du pays et ne veut pas faire de l’Arcep un bastion libéral déconnecté de l’intérêt général.

Le président a dans la foulée annoncé vouloir sortir du débat entre industriels et consommateurs par le haut. « Il faut réconcilier les deux en partant de l’investissement », a-t-il martelé. Selon lui, une concurrence saine assure la qualité du réseau, une meilleure couverture, tout en maintenant les prix bas. « Sortons de cette image réductrice du gendarme des télécoms qui tape sur les marges des opérateurs ! »

Sébastien Soriano a également prévu d’intéresser le régulateur de près aux objets connectés qui formeront demain un nouveau réseau. Un début de réflexion qui s’apparente à la mise en place de la téléphonie mobile. « Il va falloir tout penser : la capacité, la sécurité, l’adressage, anticiper les éventuelles privatisations. C’est une architecture entière à bâtir ! »

De nombreux parlementaires comme le député du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle ont ensuite pris la parole pour dénoncer les inégalités entre les territoires et les cartes des opérateurs qui ne rendent pas toujours compte de la couverture réelle du pays. « Allez-vous prendre ce sujet à bras le corps ? », a interrogé la salle.

Le jeune président de l’Arcep s’est montré très concerné par le sujet et a joué cartes sur table. « Obtenir des informations honnêtes est la première des priorités. Or, aujourd’hui, les cartes ne sont pas fiables », a-t-il regretté avant de détailler les instruments de mesure qui pouvaient être pris, notamment par l’open data. Il a également évoqué le programme « zone blanche » du Gouvernement qui entend donner plus de responsabilités aux collectivités locales. 

fasquelle 
Belot   

Pour le député des Pyrénées-Orientales, Fernand Siré, le plan Très-Haut-Débit lancé par le Gouvernement avec les collectivités favorise le gaspillage : «  pourquoi, sous couvert de libéralisme, construire trois infrastructures concurrentes ? » Réponse sans langue de bois de Sébastien Soriano : « les choix technologiques impulsés par les pouvoirs publics ont rarement été les bons. Il faut laisser au marché et à la concurrence le soin de choisir ses infrastructures. Que se passera-t-il si l’État investit massivement dans une technologie et qu’un acteur comme Google, se met à diffuser gratuitement internet par satellite ? » Il a malgré tout rappelé qu’un seul réseau, mutualisé entre opérateurs, était prévu dans les zones blanches.

Selon une consultation récente de l’Arcep, l’engouement pour la fibre est réel. Le cap du million d’abonnés a été franchi et, conséquence d’une lente mais sûre migration, le nombre d’abonnés Haut-Débit régresse pour la première fois. « Nous assistons à un changement de tempo dicté par le marché et c’est bien comme cela que nous l’entendons. Il ne faut brusquer la couverture sous peine de voir le modèle économique fragilisé avec des clients qui ne s’abonnent pas. »

Le Président a également abordé la question de la nouvelle bande de fréquence 700 MHz dont l’appel à candidatures aura lieu au début de l’été. « La data mobile est un déluge qui ne cesse de s’amplifier. Or la majorité des usages sont encore devant nous. Les opérateurs en ont besoin ! » Ces fréquences de haute qualité viendront renforcer la couverture THD du territoire. « Pour Free, c’est le rendez-vous de la vérité. S’il ne ressort pas avec au moins 5 ou 10 MHz de fréquence, on pourra douter de sa capacité à investir sur le long terme. » Sébastien Soriano ne s’est pas pour autant engagé à favoriser Iliad qui bénéficie toujours d’un contrat d’itinérance avec l’opérateur historique France Télécom. « C’est une décision que nous prendrons conjointement avec le Gouvernement », a-t-il précisé.

Mais pour Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées, le développement des technologies hertziennes sur des territoires peu denses risque aussi de ralentir l’arrivée de la fibre, qui reste la technologie la plus en pointe dans le développement du THD. « Ne prend-on pas un risque », a-t-elle interrogé ? « Bien évidemment, à long terme, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il vaut mieux la fibre », a répondu Sébastien Soriano. « C’est aux élus de sentir leur territoire et de voir s’il y a urgence ou s’ils peuvent attendre l’arrivée de la fibre. »

Luc Belot, le député du Maine-et-Loire qui présidait le dîner, a ensuite voulu alerter ses collègues sur la « schizophrénie » des parlementaires qui veulent à la fois couvrir les zones blanches « puis faire venir Free en cassant les marges des opérateurs ». « L’électrification de la France ne s’est pas faite en dix ans, la couverture du Très-Haut-Débit aussi prendra du temps, il faut l’accepter. »

sire 
trabbia   

Enfin, le président Soriano a précisé que l’Autorité comptait se pencher sur la neutralité du Net, mais aussi des plateformes, telles que les Google et Facebook. Face à la loi du marché pur et simple, il a préconisé une approche qui prenne en compte un fonctionnement non discriminatoire. « Imaginez un concurrent français de Google qui se fasse déréférencer ? Cela pose un vrai problème d’équité. » La Commission, le Conseil européen et le Parlement travaillent de concert pour rédiger un projet de règlement sur la neutralité du net. « Pas forcément une usine à gaz », selon Sébastien Soriano. « Ce qui compte, c’est de définir avant tout une cadre juridique à l’échelle européenne. »