« La taxe Google est une illusion. Internet est un système interdépendant », entretien avec Olivier Esper, directeur des relations institutionnelles de Google France

Mercredi, 13 Janvier 2010 09:51 Claire
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Google a participé à l’élaboration du rapport Zelnik. Comment ?

L’objet principal de la contribution de Google aux travaux de la mission Zelnik a été de favoriser la coopération entre les mondes de l’Internet et de la culture et d’éviter toute logique d’opposition. C’est en effet la coopération qui permettra aux différentes filières culturelles de prendre le tournant du numérique. Nous avons, à titre d’exemple, travaillé à l’idée d’une charte qui promouvrait la constitution d’empreintes vidéos. Ces empreintes, qui seraient en quelque sorte l’ADN d’une vidéo,  permettraient à l’ayant droit d’en revendiquer l’audience, que la mise en ligne soit directement de son fait ou qu’elle ait été effectuée par un tiers qui n’avait pas les droits. Dans un modèle publicitaire, l’audience est synonyme de revenus.

Il est donc possible de bâtir des modèles rémunérateurs. Cette idée de charte n’a pas été mentionnée dans le rapport, mais d’autres propositions relèvent de cette volonté de coopération entre les acteurs de l’Internet et ceux du monde de la culture pour fluidifier et clarifier la mise en ligne de contenus.

La proposition de taxer les revenus publicitaires des grands groupes n’est pas exactement dans cette veine …

Cette proposition se démarque effectivement de la logique coopérative. Elle a été présentée comme une « taxe Google ». Cette dénomination est une illusion dans la mesure où Internet est un système d’interdépendances. Tous les sites sont liés entre eux. C’est bien l’économie numérique française qui serait impactée et non quelques-uns de ses principaux représentants. A titre d’exemple, en 2008, Google a reversé 4,3 milliards d’euros à ses sites partenaires. Cet argent est injecté dans le financement de contenus et d’applications sur Internet. Autre exemple édifiant : chaque minute, Google envoie 100 000 clics vers des sites de presse en ligne et crée un trafic qui peut être valorisé par la suite. Dans cet « écosystème », la taxe devient paradoxale : alors que la politique culturelle vise à promouvoir les contenus innovants et indépendants, elle pénaliserait ses auteurs en impactant négativement le reversement des bénéfices cités plus haut. La taxe pénaliserait également les annonceurs, surtout les plus modestes, dans la mesure où elle aurait une conséquence inévitable sur le mécanisme d’enchères qui fixe le prix des publicités. Les moins solides en pâtiront alors que dans la configuration actuelle, Google démocratise l’accès à un modèle économique et le rend accessible à tous les contenus, y compris les contenus de niche. Quel que soit le seuil d’audience, il est possible d’utiliser la régie publicitaire Google et donc de toucher des revenus. De ce point de vue aussi, le modèle sert bien la politique culturelle française.
Enfin, sur le plan économique, je ne crois pas qu’il soit opportun de taxer un secteur porteur de croissance et créateur d’emplois.

Dans le débat, c’est aussi l’organisation fiscale de Google qui est montrée du doigt…

Google centralise une partie significative des revenus publicitaires européens en Irlande. Ce fait correspond à une réalité organisationnelle bien réelle : Les services publicitaires fournis par Google le sont bien depuis l’Irlande. Il ne s’agit pas d’une boite à lettres pratique sur le plan fiscal.  Plus de 1000 employés gèrent de nombreux clients en Europe, notamment des clients français et leur fournissent des services.
Il serait là aussi paradoxal de reprocher à Google d’avoir choisi une implantation forte au sein de l’Union européenne.

Propos recueillis par Armel Forest

Mise à jour le Mercredi, 20 Janvier 2010 11:41