Libérer la croissance par le numérique

Jeudi, 27 Mai 2010 08:06 Claire
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Alors que la Commission pour la libération de la croissance française a repris ses travaux sous la houlette de Jacques Attali, ce dernier était l'invité, mardi 25 mai, du Club Parlementaire du Numérique. L'occasion d'expliquer l'attention portée au numérique par la commission.

 

 

 

 

Depuis que la commission pour la libération de la croissance a rendu les conclusions de son premier rapport (janvier 2008), « le diagnostic n’a pas changé » assure Jacques Attali et le retard de la France semble s’être aggravé. Pourtant, reconnaît-il, beaucoup de choses ont été réalisées « en particulier pour le déploiement des infrastructures et des réseaux ». Mais ce n’est pas suffisant. La liste des tâches reste longue :

Le chantier du THD accuse un retard « considérable ». L’Allemagne, le Japon, la Corée… sont bien plus efficaces.

Peu de progrès aussi sur les terrains de la régulation et de la gestion des contenus. Et il ne faut pas parler à Jacques Attali de la loi Hadopi : « catastrophe inapplicable » qui  rencontre l’opposition unanime de sa commission.

 

« Nous avons bien avancé sur la mise en place de l’infrastructure. Mais les grands chantiers d’aménagement du territoire, de réforme de l’Etat, de numérisation de l’appareil de santé et du milieu scolaire accusent un sérieux retard ».


Les trois principaux freins au développement du numérique sont identifiés. La France occupe le 19ème rang européen pour la numérisation des PME. « Le retard est gigantesque » affirme Jacques Attali, peu avare de superlatifs… L’e-gouvernement : « c’est un désastre ». Seul un programme sur quinze a été mis en chantier, constate-t-il, alors que son impact sur la réduction des dépenses publiques est considérable. Le pire reste encore le classement de la France pour l’utilisation des TIC à l’école : un terrible 24ème rang européen ! Ce point fera semble-t-il l’objet d’un traitement de faveur dans le rapport “Attali 2“. Interrogé au cours du débat sur le morcellement des compétences (équipement = collectivités ; formation = Education nationale ; contenus = collectivités ou Education nationale), le président de la commission pour la libération de la croissance a maintenu qu’il est nécessaire de clarifier les rôles et rappelé sa proposition de suppression des départements : « Rien depuis la publication de notre premier rapport ne nous a fait changer d’avis ».

Mais le rapport ne traitera pas uniquement de système éducatif.

« Nous avons décelé des débats fondamentaux. Le numérique est un sujet transversal »

« Le numérique sera partout », a confirmé Jacques Attali, tant il est vrai que le sujet est « transversal ». Finances publiques, emploi, compétitivité, intégration européenne, équilibre intergénérationnel sont les grands débats fondamentaux sur lesquels se penche la commission, tous traversés par le développement fulgurant du numérique.  Le constat n’est pas nouveau mais le contexte a changé depuis le rapport “Attali 1“. Les économies budgétaires et fiscales s’imposent. La commission cherche donc à « créer les conditions d’un rétablissement de l’équilibre des finances publiques, à proposer une équation qui résout la contradiction entre réduction de la dette et réduction du chômage ».

Autre élément nouveau : le fameux grand emprunt, notamment consacré au numérique, vis-à-vis duquel Jacques Attali se montre prudent… très prudent. Principal danger : que le grand emprunt se substitue au budget annuel et finance des dépenses courantes. Les résultats seraient catastrophiques pour la gestion des dépenses de fonctionnement, juge l’économiste, profitant de cette réunion du Club Parlementaire du Numérique pour avertir les élus : « Il faut que le Parlement veille à ce que le grand emprunt serve à faire “plus“ et non “à la place ». 

 

« L’Europe a une capacité d’emprunt énorme. Il n’y a pas de solution autre que l’émergence d’une stratégie européenne ».

 

Un des grands domaines concernés par le grand emprunt est le déploiement des réseaux très haut- débit : 250 milliards d’euros pour l’Europe, a-t-on fait remarquer dans l’assistance, soit la totalité des cash-flows de tous les opérateurs privés de télécommunications électroniques (fixes) durant 15 ans. De quoi remettre en cause le dogme de la concurrence par les infrastructures ?

Pour Jacques Attali, qui penche pour un modèle type RFF/ SNCF, la question doit semble-t-il être posée à un autre échelon : « L’Europe a une capacité d’emprunt énorme. Il n’y a pas de solution autre que l’émergence d’une stratégie européenne ». Cette affirmation, selon Jacques Attali, rejoint la question de la dette car « le risque d’explosion de l’Euro résulte d’une absence de politique européenne d’aménagement du territoire ». Pour lui, les moyens ne manquent pas, l’Europe a la capacité d’agir, même s’il reconnaît que la mise en place de cette stratégie commune pose mille nouveaux problèmes.

 

 

On dénombrerait une soixantaine d’enjeux posés par le développement de la société numérique. Les plus évidents sont ressortis comme la sécurité, le commerce électronique, la gouvernance, la régulation ou encore la législation.

 

« Tout ce qui se joue en termes de libertés publiques doit être regardé très attentivement »


 

Devant le risque grandissant de « traçabilité des individus » et face à la menace que constitue « l’inter-communicabilité » des fichiers, « le temps est venu d’une réflexion législative sur la sécurité », a concédé Jacques Attali. Et l’action du législateur doit être d’autant plus efficace que les lois, sitôt promulguées, ont tendance à être dépassées par le progrès technologique. Hadopi fournit un exemple édifiant, a-t-on fait remarquer dans l’assistance. La question du “temps de la démocratie“ a ainsi été posée. Est-il compatible avec le temps de l’évolution technologique ? Jacques Attali renvoie à une proposition contenue dans son premier rapport, qui n’a pas été appliquée : une procédure drastique de simplification, visant à réduire le nombre de lois. Moins nombreuses, elles seront plus générales et par conséquent moins menacées d’obsolescence par les évolutions technologiques.

 

Dans le secteur de l’économie, c’est la régulation qui pose de nombreuses questions. Par exemple, le e-commerce, sous forme de vente par correspondance, en plein essor, devrait poser rapidement des problèmes significatifs de perte de matière fiscale.

Sur le plan de l’organisation, il faut rationaliser, estime Jacques Attali, en regroupant l’ARCEP et le CSA. De même, la répartition des compétences au sein de l’exécutif doit servir une meilleure cohérence : « Il y a trop de ministres compétents », il faut que l'Etat retrouve une stratégie numérique. Enfin, la mise en place d’un régulateur européen lui semble essentielle, notamment pour être en phase avec le système bancaire.

Il faudra attendre l’été et peut être même la rentrée de septembre (voir encadré ci-dessous) pour avoir un idée plus précise des sujets abordés par la commission Attali et pour prendre connaissance de ses nouvelles propositions, adaptées au nouveau contexte.

 

Armel Forest

 

Le calendrier de la Commission pour la libération de la croissance française

- 1ère semaine de juin. Premier rapport sur le bilan de la mise en œuvre des propositions de la commission “Attali“ 1 et sur les perspectives à l’horizon 2020.

- D’ici le mois de septembre. Remise de nouvelles propositions pour libérer la croissance française.

Mise à jour le Vendredi, 28 Mai 2010 10:02