Rapport sur la neutralité du Net : "On ne pourra pas ne pas tenir compte de notre travail"

Vendredi, 15 Avril 2011 10:07
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                                                                                          © Creative Commons by Guerric

Deux mois après la publication d'un pré-rapport, Laure de la Raudière et Corinne Erhel ont rendu leur rapport sur la neutralité du Net. L'occasion pour le Club  parlementaire du numérique de poser quelques questions aux deux députées...

Comment votre travail a-t-il été accueilli par vos collègues députés ?

Corinne Erhel. Nos collègues députés ont apprécié la démarche. On a procédé en plusieurs étapes : publication d’un pré-rapport, table ronde sur le fonctionnement d’Internet au sein de la commission des affaires économiques puis publication d’un rapport définitif. Notre travail a suscité beaucoup de questions dans le sens positif. Les discussions ont été très intéressantes.  

Le financement des réseaux est une question importante du rapport. Entre la fin des abonnements illimités (comme ce qui se passe aux Etats-Unis) et le financement du réseau par les opérateurs (terminaison d’appel data) vous semblez pencher pour la deuxième solution.

CE. Oui mais encore faut-il que les opérateurs puissent financer les réseaux. L’élaboration de nouvelles études sur les modèles économiques des acteurs d’Internet est un préalable indispensable. Les études existantes (celles de McKinsey par exemple) sont intéressantes mais pas suffisamment chiffrées : on n’a pas assez de retour en termes de flux financiers. On a des grands ordres de grandeurs mais on n’a pas de précisions. On a essayé de bien comprendre où se fait le partage de la valeur ajoutée mais sans y parvenir vraiment. Une fois qu’on en connaîtra plus, il faudra trouver des solutions. Point important : il ne faut pas que le consommateur se retrouve au final avec un abonnement qui explose. Le revenu moyen en France est de 1500 euros. 30 euros d’abonnement par mois c’est déjà important pour certains foyers, même si par rapport aux autres pays européens la France est plutôt bien lotie. Il faut arriver à concilier les modèles économiques de chaque acteur avec ce principe de neutralité.

Vous préconisez la consécration législative du principe de neutralité du Web. C’est pour quand ?

Laure de La Raudière. Il y a deux points de vue qui entrent en ligne de compte : le calendrier et la politique. Du point de vue du calendrier je souhaite qu’on attende le livre blanc de la Commission européenne et la fin des groupes de travail au niveau européen. Le calendrier législatif va être compliqué car l’agenda de l’Assemblée nationale est chargé. A la rentrée on aura la loi de finances… Le premier créneau pour une initiative parlementaire ce sera en décembre ; on arrête de siéger fin février : il y a quand même un souci de calendrier pour la mandature en cours. Il faut être honnête. Ceci étant, pour répondre à votre question, je vais déposer prochainement une proposition de loi à partir de ce travail. La réponse que je n’ai pas c’est l’inscription de ma proposition de loi dans le calendrier législatif. Le travail qui a été réalisé dans ce rapport comptera comme travail de base pour les prochains travaux législatifs sur Internet. Le Gouvernement et le Parlement ne pourront pas ne pas tenir compte de notre travail. C’est un point très important même si le calendrier législatif complique les choses…

Quelles ont été les réactions des acteurs d’Internet entre la publication du pré-rapport et la version définitive ?

LDLR. Pour synthétiser : tous les acteurs sont contre le blocage et le filtrage sauf les sociétés de droits d’auteurs. Sur l’appellation Internet et les garanties d’une qualité suffisante d’Internet, tous les acteurs sont favorables à la restriction de l’appellation Internet sauf les opérateurs. Ils sont en effet réticents à restreindre l’appellation uniquement à des offres neutres et universelles mais ce rejet s’explique par les difficultés d’expliquer cela ensuite aux consommateurs. Quant à la terminaison d’appel data : les associations de consommateurs poussent en ce sens car cela apporte une transparence sur le marché du peering qui aujourd’hui est opaque. Les fournisseurs de contenus, représentés notamment par l’ASIC, y sont opposés car cela représente une charge de plus. Quant aux opérateurs ça dépend desquels. Certains pensent aussi qu'il est encore trop tôt. Un point d’accord : c'est au niveau européen que ça se jouera.

Propos recueillis par Pierre Laffon

Liste des propositions du rapport


Premier axe : consacrer la neutralité de l’Internet comme objectif politique
Proposition n°1 : définir le principe de neutralité
Proposition n°2 : faire de la neutralité un objectif politique et donner au pouvoir
réglementaire la capacité d’imposer des obligations pour la promouvoir
Deuxième axe : encadrer strictement les obligations de blocage de l’Internet
Proposition n°3 : s’interroger plus avant sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu’elles sont susceptibles d’engendrer
Proposition n° 4 : établir dès à présent une procédure  unique faisant intervenir le juge
Troisième axe : protéger l’universalité et garantir la qualité de l’Internet
Proposition n°5 : réserver l’appellation « Internet » aux seules offres respectant le principe de neutralité
Proposition n°6 : mettre en place un observatoire de la qualité de l’Internet
Proposition n°7 : charger l’ARCEP de garantir l’accès à un Internet de qualité suffisante
Quatrième axe : assurer le financement pérenne de l’Internet
Proposition n°8 : documenter les enjeux économiques liés au réseau Internet
Proposition n°9 : évaluer de manière approfondie la mise en œuvre d’une terminaison d’appel data au niveau européen
 

 

 

 

Mise à jour le Lundi, 27 Février 2012 09:42