Fiscalité du numérique : à la recherche de l’unité perdue

Mardi, 22 Novembre 2011 15:09
Imprimer

altLa fiscalité du numérique est un casse-tête que les pouvoirs publics ont trop souvent résolu en inventant des taxes sectorielles au détriment de toute cohérence et logique économique. Compte rendu d’un débat passionnant autour du sénateur Jean Arthuis.

 « C’est en 1993 que j’ai commis mon premier rapport sur la mondialisation ». Dès le début de son intervention, Jean Arthuis place le débat dans la perspective de la mondialisation. Celle-ci remet en cause de nombreuses politiques nationales dont la fiscalité qui n’en est pas des moindres… « Si on veut démondialiser, il faudra dénumériser » dira plus tard dans la soirée le sénateur centriste… Comme le domaine de la finance, le secteur du numérique est de ceux qui sont les plus représentatifs des problématiques dues à la mondialisation. Parmi ces problématiques, la question de la fiscalité arrive en premier plan. Quel impôt faire payer aux entreprises qui font un chiffre d’affaires en France s’en y être installées ? Le Sénat avait imaginé la fameuse « taxe Google », volontairement iconoclaste, finalement abandonnée…

Des débats que cette taxe avait provoqués, un point clair était ressorti : une solution franco-française n’est pas viable. Un accord fiscal européen semble donc une voie plus réaliste, d’où l’initiative de la Commission européenne d’instaurer une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). Jean Arthuis pointe déjà les défauts de cette ACCIS : « Pour qu’il y ait accord, il faut que ce soit optionnel. Autrement dit : aujourd’hui il y a 27 régimes d’impôts sur les sociétés, demain l’ACCIS sera le 28ème… » De quoi relativiser l’intérêt d’une telle démarche, du moins à court terme. Pour l’immédiat, Jean Arthuis propose de revenir sur cette idée selon laquelle « on pourrait taxer les entreprises à l’infini » 

Le numérique et les télécoms "surfiscalisés"

Qui doit donc payer l’impôt ? Arthuis a cette conviction qui guide sa réflexion : au final, ce doit être le consommateur. « Je déconseille ces systèmes fiscaux qui sont autant de droits de douanes que l’on fait supporter aux entreprises qui produisent en France ». Le recours à la TVA du pays du consommateur permettrait selon le sénateur de financer la protection sociale, ce qui n’est pas le cas actuellement sur un produit  étranger acheté de la France. Le thème de la TVA sociale devra donc être remis dans le débat public selon l’invité du Club. La TVA sociale aurait aussi ce mérite de doter la France d’un système fiscal cohérent et de mettre fin à la multiplication des taxes sectorielles qui sont autant de « nids à  contentieux ». Le foisonnement de ces taxes particulières a justement été recensé dans le secteur de la culture (qui recoupe souvent celui du numérique) par le cabinet Ernst & Young. Devant les membres du Club parlementaire du numérique Maître Régis Houriez présente en avant-première les résultats de son étude comparative des systèmes fiscaux dans le domaine de la culture« La France est le numéro un, de très loin, de notre palmarès avec 14 taxes de nature culturelle et 48 mesures fiscales incitatives… » La Chine arrive ensuite avec une seule taxe culturelle et 23 mesures incitatives. Redevance télé, taxe sur les billets de cinéma et de concert, taxe sur les jeux en ligne… « La France est donc moteur dans l’utilisation de la fiscalité dans le domaine de la culture… » conclut l’avocat. La fiscalité, trop utilisée ? C’est l’avis des PDG des opérateurs télécoms qui, profitant des débats qui allaient être suscités par ce rendez-vous du Club Parlementaire du Numérique, ont appelé dans Le Monde à repenser la fiscalité du numérique dénonçant au passage « la surfiscalité » de 25% par rapport aux autres entreprises. Pierre Louette de France Télécom insiste lors de ce dîner : « On nous surtaxe et au même moment on nous invite fermement à investir. » Il explique : « On est d’accord pour financer car c’est notre intérêt mais on nous demande en plus de financer le centre national du cinéma et maintenant de la musique. » La tentation est certes grande pour les pouvoirs publics de taxer les Fournisseurs d’Accès à Internet qui ne peuvent pas se délocaliser quels que soient les taux de fiscalité…

Quels critères pour la fiscalité du numérique ?

Comment donc retrouver cette unité ? Quelle solution pour que les fournisseurs de contenu participent aux financements de réseaux ? Selon Benoît Tabaka, du Conseil national du numérique, la solution ne peut être que politique. Les critères sont loin d’être évidents pour lui : ce ne peut être en tous les cas la consommation de la bande passante par les entreprises, sans lien réel  avec le chiffre d’affaires (Google  consomme moins de bande passante que Dailymotion mais a un chiffre d’affaires incomparablement plus grand). A l’instar de Jean Arthuis qui souhaite remettre la TVA sociale sur le tapis ou des FAI qui militent pour une refonte totale, les acteurs politiques pourraient revoir la fiscalité du numérique à l’occasion des prochaines échéances électorales. Les débats sont en tous les cas très ouverts…

 

Annexes :

Etude comparative des systèmes fiscaux dans le domaine de la culture (cabinet Ernst & Young)

Tribune publiée dans Le Monde par un collectif d'opérateur télécoms : L'Etat doit repenser la fiscalité du numérique. Notre compétitivité est en jeu

Mise à jour le Mercredi, 23 Novembre 2011 08:56