Fracture numérique : "Il ne faut pas tomber dans l’auto-dénigrement gratuit"

Mercredi, 30 Novembre 2011 11:02
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altDirecteur des Affaires Publiques du groupe Orange, Michaël Trabbia répond à nos questions sur la 4G et le déploiement du Très Haut Débit. Il souhaite aussi rassurer les élus quant aux engagements d'Orange en termes de couverture du territoire. Entretien.

Que dites-vous aux élus inquiets de la tenue des engagements d’Orange dans le déploiement de la fibre ?

Tout simplement que c’est notre métier de construire et exploiter des réseaux. Nous n’avons aucune envie de nous retrouver dans 10 à 15 ans à ne gérer qu’une infrastructure en fin de vie ! Le déploiement des réseaux très haut débit est au cœur de notre projet d’entreprise et les 100 000 salariés du Groupe en France sont particulièrement mobilisés derrière cet objectif.

Dans le même temps, nous comprenons les attentes des collectivités et des citoyens sur ce sujet. C’est pourquoi nous proposons un conventionnement avec elles qui permettra d’écrire noir sur blanc, territoire par territoire, nos engagements et un calendrier de déploiement. Ces conventions permettront aussi de proposer des outils de suivi précis et des points de rendez-vous réguliers aux collectivités pour s’assurer que le déploiement se déroule bien, et faciliter la délivrance d’autorisations de voirie par exemple.

 Déploiement du THD : "La machine est désormais lancée"

Comprenez-vous les parlementaires qui tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur le déploiement de la fibre et la fracture numérique ?

Bien sûr, je comprends leur mobilisation et leur détermination, en particulier pour les zones où l’ADSL n’offre qu’un débit limité, car le haut débit, et demain le très haut débit, est et sera de plus en plus un réel besoin pour nos territoires. Cependant, il ne faut pas tomber dans l’auto-dénigrement gratuit. La machine est désormais lancée : au 30 juin, la France comptait 1,2 millions de logements éligibles à la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH). De plus, en dynamique, la France est le pays qui avance le plus vite en Europe avec 90 000 nouveaux abonnés au THD (Très Haut Débit),  au cours du premier semestre. Les investissements que nous allons réaliser vont permettre d’amplifier ce mouvement mais il faut aussi comprendre qu’on est sur un projet industriel qui s’inscrit nécessairement dans la durée. Même avec beaucoup d’ambition, il ne suffit pas de mettre de l’argent sur la table, il faut développer une filière, former des salariés, convaincre les clients de migrer vers la fibre. N’oublions pas qu’il a fallu plus de 20 ans pour déployer le réseau cuivre et atteindre 16 millions de clients à la fin des années 80. Notre programme d’investissement dans le THD sera réalisé en à peine 10 ans, avec 15 millions de foyers couverts (soit près de 60% des foyers) en fibre optique d’ici 2020. Dès 2015, 10 millions de foyers seront déjà couverts. Enfin, nous avons annoncé que nous sommes prêts à répondre aux projets de réseaux d’initiative publique conçus en complémentarité afin de contribuer à apporter des solutions aux 40% de foyers non couverts par l’initiative privée. 

Où en est le dossier de la 4G ?

Les fréquences à 2,6 GHz (bande haute) viennent d’être attribuées. En revanche, nous sommes encore dans l’étape des candidatures pour l’obtention des fréquences à 800 MHz (bande basse), qui devront être remises à l’ARCEP d’ici le 15 décembre prochain. C’est sur cette dernière bande, la plus propice à la couverture du territoire, que portent les obligations les plus fortes en termes de couverture du territoire.

Sur la bande haute, qui servira notamment pour la densification des réseaux, nous avons obtenu 20 MHz comme Free (SFR et Bouygues ont obtenu 15 MHz). Nous en sommes très satisfaits car plus on a une bande de fréquence large, plus on pourra offrir un débit élevé. 

"Il faut rétablir une équité fiscale"

Pourquoi avoir écrit une tribune sur la fiscalité du numérique ?

Nous souhaitons une prise de conscience. Si on veut développer le numérique, secteur créateur de valeur, et d’emplois pour lui-même et pour l’ensemble de l’économie, il ne doit pas être pénalisé par une fiscalité excessive. Dans le secteur du numérique en France, nous avons observé une « sur-fiscalité » qui peut aller jusqu’à 25 % par rapport aux autres entreprises. C’est un problème pour le développement du numérique, mais c’est aussi un problème pour la compétitivité des acteurs français dans la compétition internationale. Il y a cinq ans encore, les revenus des opérateurs provenaient principalement de la voix. Aujourd’hui, la publicité, les téléchargements de films, de musiques etc. proposés par les géants du web concurrencent directement nos services et représentent déjà 10% de nos revenus, en échappant pour l’essentiel à l’arsenal fiscal français. Nous estimons leur croissance à environ 17% par an sur les cinq prochaines années en France. A titre de comparaison, la croissance des opérateurs télécoms est évaluée plutôt autour de 1,5 à 2% par an.  

Que proposez-vous ?

Il faut rétablir une équité fiscale qui permette aux acteurs de se battre sur le marché avec les mêmes contraintes. Pour cela, il faut élargir l’assiette des taxes existantes aux revenus engendrés en France par l’ensemble des acteurs, afin de pouvoir en baisser les taux, ou a minima cesser de les augmenter ou d’en imaginer de nouvelles ! C’est une approche gagnant-gagnant pour les recettes de l’Etat et pour l’équité concurrentielle. Un exemple, sans même parler des recettes de TVA : pourquoi les opérateurs télécoms contribueraient-ils au financement de la création via le COSIP et la taxe pour l’audiovisuel public et pas les fournisseurs de services ? Aujourd’hui, cela représente 4 milliards de revenus générés par le consommateur français qui échappent à toute fiscalité en France. Dans cinq ans, si rien n’est fait, ce sera le double.

Mise à jour le Mercredi, 30 Novembre 2011 12:32