Pour un déploiement massif de la fibre

Jeudi, 11 Octobre 2012 12:51 Administrateur
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Interview du 6 octobre 2012 avec Yves le Mouël, directeur général de la Fédération Française des Télécoms


Quelles sont les actions menées par la Fédération Française des Télécoms en faveur du déploiement de la fibre ? Pensez-vous que les objectifs du Gouvernement visant le Très Haut Débit pour tous en 2022 soient réalisables ?


Yves Le Mouël : C’est assurément un objectif ambitieux. Au-delà de l’aspect financier sur lequel tout le monde se focalise, il est également indispensable de conduire des travaux très opérationnels susceptibles de garantir l’homogénéité et l’interfonctionnement des réseaux FTTH.

Réunissant l’ensemble des acteurs industriels de la fibre, la plateforme Objectif Fibre vise précisément à répondre à cette ambition en définissant notamment des référentiels techniques susceptibles d’assurer, en tout point du territoire, la parfaite conformité de la partie terminale des réseaux FTTH.

L’interopérabilité constitue également l’un des facteurs clés du bon fonctionnement et de l’évolution de ces réseaux du futur. C’est pourquoi, les opérateurs ont engagé des actions d’harmonisation de leurs processus de gestion et systèmes d’information, indispensables à l’interfonctionnement des réseaux FTTH et à leur pérennité.

Ces étapes peuvent sembler techniques mais elles constituent des étapes indispensables si nous souhaitons collectivement relever avec succès le défi du très haut débit en France.

 

La mission sur la fiscalité numérique mise en place par le gouvernement rendra ses conclusions en décembre. La Fédération Française des Télécoms plaide depuis quelques temps pour un « level playing field » avec les acteurs globaux de l’internet. Quelles sont, selon vous, les lignes directrices d’une fiscalité numérique équitable ?


Yves Le Mouël : Alors que les pouvoirs publics et les français attendent que les opérateurs continuent d’investir massivement dans le déploiement de réseaux de nouvelle génération – 7 milliards d’€uros  en 2011 - ceux-ci sont paradoxalement soumis à une surfiscalité spécifique (évaluée à 1,2 milliard d’euros et s’ajoutant à la fiscalité générale des entreprises) qui grève considérablement leurs capacités d’investissements, à un moment où leur niveau de rentabilité est fortement affecté par la réglementation et le renforcement de la  concurrence.

Les acteurs globaux du web qui développent avec succès leurs activités en France, en bénéficiant notamment de la qualité des infrastructures télécoms, échappent quant à eux largement à la fiscalité française de droit commun (IS, TVA, CVAE, …) alors qu’ils sont désormais concurrents directs des opérateurs (téléphonie, visiophonie, messagerie, accès aux contenus, …), de même qu’ils sont exonérés de la fiscalité spécifique et des contraintes réglementaires qui pèsent sur les opérateurs.

Au passage, il s’agit d’environ un milliard de recettes fiscales qui échapperaient potentiellement chaque année au budget de l’Etat : peut-on se le permettre ?

Cette situation de distorsion de concurrence n’a que trop duré. Selon le principe simple de l’équité, tous les acteurs du numérique qui tirent des revenus de leurs activités en France doivent être soumis aux mêmes règles fiscales et réglementaires.

Les réponses à ces problèmes ne sont que rarement nationales, il est donc urgent qu’elles soient également portées au niveau européen. L’exemple de la directive d’harmonisation fiscale prévue en 2015 entre les pays de l’Union est édifiant, d’autant qu’il est prévu une période de mise en œuvre jusqu’en 2019…. Autant dire l’éternité à l’heure de l’internet !

Plusieurs propositions sont sur la table et l’on compte énormément sur les conclusions de la mission Colin & Collin pour faire rapidement bouger les lignes.

J’ajoute que cette remise à plat de la fiscalité numérique, avec une assiette élargie, devrait être favorable à tous les bénéficiaires, en particulier au monde de la culture dont le financement serait ainsi partagé par un plus grand nombre d’assujettis et assis sur une dynamique de valeur ajoutée dont la croissance est essentiellement captée par les acteurs mondiaux.

 

La Fédération Française des Télécoms vient de réactualiser son étude économique sur l’industrie des télécoms en France. Quels enseignements en tirez-vous ?

 

Yves Le Mouël : L’industrie des télécoms représente tout d’abord un secteur stratégique pour toute l’économie française comptant plus de 300 000 emplois et investissant entre 6 et 7Mds€ par an, hors achat de fréquences. Les opérateurs ont ainsi injecté, à eux seuls, pour l’ensemble de leurs dépenses, quelques 180 milliards d’€uros dans l’économie entre 2006 et 2011 et sont les principaux moteurs de l’écosystème numérique français.

Toutefois, notre secteur est soumis à une forte pression puisque la décroissance des revenus (-9% d’ici 2014) et la baisse de la rentabilité des opérateurs s’accélèrent, en raison de l’effet conjugué d’une sur-réglementation, d’une sur-fiscalité et d’une concurrence renforcée.

Face à des géants mondiaux de l’internet qui captent l’essentiel de la valeur créée en utilisant les infrastructures des opérateurs, sans contraintes fiscales et réglementaires, il est indispensable que des mesures soient rapidement prises afin de préserver la compétitivité d’un secteur qui peut générer plus de 1 point de PIB supplémentaire en France par ses seuls investissements sur les réseaux de nouvelle génération. Encore faut-il qu’il soit en capacité de mobiliser ces investissements en desserrant l’étau fiscal et réglementaire dans lequel il a été progressivement placé !

 

 

Objectif Fibre : une initiative des acteurs de la filière en faveur d’un déploiement massif de la fibre optique

Objectif Fibre est une initiative interprofessionnelle (Fédération Française des Télécoms, FIEEC, FFIE, SERCE…) réunissant l’ensemble des acteurs concrètement impliqués dans le déploiement de la fibre optique (opérateurs de communications électroniques, équipementiers, installateurs, …) et volontaires pour lever les freins opérationnels à un déploiement massif.

 

Depuis plus de deux ans, Objectif Fibre est à l’œuvre autour d’enjeux majeurs tels que la normalisation, la formation ou encore les bonnes pratiques professionnelles.

 

Fruit d’un long travail de concertation avec les services de l’Etat et de l’ARCEP, Objectif Fibre s’apprête ainsi à publier un guide technique de portée nationale définissant l’ensemble des règles de déploiement d'un réseau en fibre optique dans les immeubles neufs depuis la prise du logement jusqu'au point de raccordement de chaque immeuble.

S’adressant prioritairement aux acteurs de l’immobilier et aux installateurs, ce guide représente une avancée structurante garantissant la qualité, la pérennité, l’homogénéité et la conformité des infrastructures optiques déployées dans les immeubles neufs en tout point du territoire national.

Sur le plan de l’activité et de l’emploi, ce guide va enfin apporter une visibilité technique à des milliers d’entreprises locales, qui vont ainsi pouvoir se positionner sur de nouveaux marchés à forte valeur ajoutée. Il est ainsi nécessaire de former entre 10 000 et 15 000 personnes sur ces métiers dans les cinq prochaines années d’où les actions entreprises par Objectif Fibre en faveur de l’adaptation de la formation initiale ou encore le développement de l’offre de formation continue.

Les partenaires industriels d’Objectif Fibre vont maintenant poursuivre leurs travaux en s’attachant notamment à définir des références similaires sur les zones pavillonnaires ou tertiaires afin que les territoires de basse densité soient pleinement partie prenante de ce grand chantier de la fibre optique.





Mise à jour le Lundi, 15 Octobre 2012 07:26