Accompagner le développement d'Internet

Jeudi, 11 Octobre 2012 12:59 Administrateur
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Interview de Philippe Logak, secrétaire général de SFR

 

En mars 2011, vous avez été reçu par Neelie Kroes à Bruxelles afin "d'encourager la différenciation en matière de gestion du trafic". Vos revendications ont-elles abouti depuis ? Ont-elles plus de chance d’être entendues à la Commission qu’à l’échelon national ?

 

La création de nouvelles relations entre opérateurs et fournisseurs de contenus pour faire face à l’explosion des trafics sur les réseaux (+ 40% par an) et au foisonnement de nouveaux services est l’un des projets phares que nous avons présentés à Neelie Kroes l’année dernière.

Nous avons le sentiment que ce sujet avance : les pouvoirs publics reconnaissent qu’une évolution des modèles économiques actuels est nécessaire et que cela n’exige pas à ce stade de légiférer. Dans son rapport remis au Parlement et au gouvernement en septembre, l’ARCEP concluait en effet que  ces évolutions n’appelaient pas de modifications du cadre actuel.

Dans ce même rapport, l’ARCEP notait également une diminution des pratiques de blocage et de restrictions de l’accès à certains services mises en place par les opérateurs, en particulier sur le mobile, tendant à montrer que le marché évolue positivement de lui-même.

 


 Je constate également que la récente décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire qui opposait Cogent à Orange va dans le bon sens. Elle reconnaît la possibilité pour un opérateur de facturer aux acteurs intermédiaires de l’Internet, dont les trafics sont très importants et induisent des coûts significatifs pour l’opérateur local, la diffusion de leur trafic vers ses clients. Cette décision donne un signal favorable aux opérateurs, pour les investissements actuels et à venir qui sont très conséquents tant sur le fixe que sur le mobile.

 

Quel regard portez-vous sur la dernière PPL de Laure de La Raudière sur la neutralité du net ?

 

Le Gouvernement a déclaré qu’il n’y avait pas d’urgence à légiférer. Nous partageons cette appréciation : les grands principes liés à la neutralité de l’internet ont déjà été posés à l’occasion de la transposition du paquet télécom l’année dernière.

Si un différend émerge entre un acteur de l’internet et un opérateur, l’Autorité de la Concurrence (comme le montre le cas Cogent vs Orange), ou l’ARCEP peuvent être saisies afin de trancher le litige. A ce stade, cette approche me semble suffisante.

 

Dans le cas d’une adoption quelles conséquences aurait-elle sur votre activité économique ?

 

Légiférer aujourd’hui pourrait rigidifier les discussions en cours et bloquer la mise en place d’un écosystème équilibré entre les différentes parties prenantes que nous appelons de nos vœux. Le risque est de geler les positions de marché actuelles sur internet et ainsi cristalliser les déséquilibres constatés entre acteurs locaux et internationaux.

Cette proposition de loi reste malheureusement muette sur les acteurs de l’internet autres que les opérateurs. Certains de ces acteurs sont aujourd’hui en position de dicter leurs conditions à l’ensemble du marché. Par ailleurs, ces acteurs devraient être incités à une certaine efficacité dans leur utilisation des réseaux, fixes et mobiles (par exemple en matière de compression des vidéos, vidéo qui représente aujourd’hui 80% du trafic sur internet). Renoncer à ce dispositif incitatif et imposer une qualité de service « suffisante » pour tous les contenus et applications reviendraient à faire subventionner par les opérateurs le modèle économique du développement des services de certains gros acteurs internationaux toujours plus consommateurs de débit.

Quel modèle économique vous conviendrait davantage ? Pour quelles raisons ?

 

Comme je l’ai dit précédemment, nous essayons d’avancer sur la création d’offres à destination des différents acteurs qui diffusent leurs services sur notre réseau (télé présence, e-santé, Cloud, jeu en ligne, etc.). Par exemple, un fournisseur de services Cloud aura besoin d’offrir à ses clients un haut niveau de sécurité des données, une vitesse garantie d'accès à ses services... nous devons pouvoir leur offrir des solutions adaptées à leurs besoins spécifiques.  

 

Que répondez-vous aux critiques qui vous accusent de vouloir construire un Internet à deux vitesses ?

 

Ce n’est absolument pas ce que nous recherchons. La force d’Internet réside dans son ouverture et la liberté d’expression est un élément clef de la créativité sur internet. L’innovation est constante sur internet, nous ne cherchons pas à la brider mais à l’accompagner.

 

Comment expliquez-vous le peu d’échos que rencontrent vos propositions ? Pensez-vous que les mentalités peuvent évoluer sur ce sujet ?

 

La récente décision de l’Autorité de la Concurrence et les positions de l’ARCEP et du Gouvernement témoignent d’une meilleure compréhension d’un sujet complexe, utilisé par certains acteurs internationaux afin de préserver les rapports de force actuels qui sont en leur faveur. Nous voulons au contraire donner la possibilité à chacun de fournir ses services dans les meilleures conditions possibles. Il est également essentiel de créer un signal économique incitant chacun à une consommation plus efficace de la ressource, qui n’est pas infinie et qui suppose des investissements importants pour les opérateurs.

A ce titre, nous nous félicitons que le gouvernement ait d’ores et déjà entrepris une réflexion sur la fiscalité du numérique. Il est en effet urgent d’opérer un rééquilibrage de la fiscalité afin de maintenir le socle de l’industrie numérique nationale.

 

 

 

Mise à jour le Vendredi, 12 Octobre 2012 15:22