Pierre Lescure au CPN : « ce n’est pas une mission Hadopi »

Jeudi, 18 Octobre 2012 12:31 Administrateur
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Le Club Parlementaire du Numérique recevait pour un petit déjeuner au Sénat, Pierre Lescure, ancien président-directeur-général du groupe Canal+, a qui Aurélie Filippetti a confié une mission sur l’acte 2 de l’exception culturelle. « Pérenniser les principes établis par le premier acte à l’heure du numérique », tel est l’enjeu de cette nouvelle mission.

Selon Pierre Lescure, qui reprend les principes du premier acte de l’exception culturelle dans les années 80, les œuvres culturelles doivent continuer à échapper, « tout au moins partiellement, aux règles de l’économie de marché. »

Très à l’aise devant le parterre de députés et de sénateurs, Pierre Lescure a profité de ce petit-déjeuner pour clarifier la conception de sa mission telle qui la concevait. Il a tout particulièrement réaffirmé l’importance des offres légales, assurant que le volet répression ne venait que dans un second temps : « Les offres doivent être aussi multiples que sur Internet, sinon, la répression est un non-sens restrictif. »

Poursuivant sur sa lancée, il s’est défendu d’être lié à un certain milieu, proche des ayant-droits. « Je recherche un équilibre entre le contenu et les commerces. » Selon l’ex-PDG de Canal+, la régulation et la taxation n’existent que dans le but de « favoriser la création, la production et la diffusion » des œuvres, la diversité émergeant comme un contrepoint au sein de cet écosystème.

Revenant en détail sur l’offre légale, Pierre Lescure a insisté sur la nécessité de développer une offre légale substantielle, le recours au piratage s’expliquant par la carence actuelle de cette offre. Il a développé pour cela tout un écheveau de propositions capables de multiplier l’offre Internet à l’aune de sa diversité. Pierre Lescure a ainsi milité pour la numérisation des œuvres, l’accès à « un catalogue dopé » ou encore « un dispositif de soutien à l’innovation rafraichi. » Il s’agit donc de rendre l’offre actuelle plus attrayante.

Avec son équipe, et grâce à la coopération du Quai d’Orsay, Pierre Lescure est déjà entré en concertation avec nos voisins européens tels que la Suède, la Finlande ou l’Allemagne. Un comité de pilotage coordonne ainsi les actions des différents ministères que ce soit en provenance de la rue de Valois, du Quai d’Orsay ou de Bercy.

Interrogé par Benoît Tabaka (Google France) sur la méthode d’arbitrage qui prévaudra lorsqu’il s’agira de déterminer une nouvelle chronologie des médias, Pierre Lescure a appelé à une cohérence sur les principes, assénant que celui qui préfinance et finance un film doit avoir un intérêt objectif à le faire. Mais certains délais seront vraisemblablement raccourcis, comme la Subscription Video On Demand (SVOD) : « 36 mois pour la SVOD, ça ne signifie plus rien, c’est l’âge de glace ! »

Un autre sujet a lui davantage fait de débat : les taxes affectés sur les opérateurs, telles que celles dont bénéficie le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). Plusieurs opérateurs ont exprimé leur désir de connaître les usages qui étaient fait de ces prélèvements, déplorant une certaine « exclusion des organismes qu’ [ils] financent. » Laure de La Raudière (députée UMP), est allée plus loin et s’est interrogée sur la pertinence de ces taxes affectées : « à quand des taxes sur la santé ou l’éducation sous prétexte que les opérateurs véhiculent aussi ce genre d’information ? » Ce à quoi Pierre Lescure a répondu que les opérateurs étant devenus plus généralistes, il était difficile de distinguer leur activité. Une réponse qui laisse l’intéressée sur sa faim. Jean-Luc Archambault (Lysios), à la suite de cet échange, c'est interrogé sur le modèle économique de certains acteurs culturels dispensés de se trouver un public grâce au mécanisme de soutien financier.

 Enfin, revenant sur le volet répression de sa mission, le directeur du théâtre Marigny a établi une graduation : prévention, pédagogie et sanction en dernier lieu. Mitigé sur le bilan de la Hadopi, il a dénoncé la création d’une « opposition artificielle entre les créateurs et le contenu. » Citant un récent rapport du think-tank Terra Nova, Pierre Lescure s’est dit séduit par l’idée d’un rapprochement entre la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et la Hadopi, affirmant : « le futur de la Hadopi passera par le CNIL. »

Le sénateur Retailleau a voulu conclure la matinée sur une question subsidiaire, invitant Pierre Lescure à s’exprimer sur la fusion Arcep/CSA. Bien que ce sujet ne relève pas de sa mission, ce dernier s’est dit admiratif du régulateur américain des télécoms (FCC) qui rassemble déjà sous la même casquette la régulation des contenants et des contenus. Il a loué l’efficacité de l’agence américaine et son souci permanent de « l’intérêt de l’industrie et des usagers. »

Par Joseph d’Arrast

 

Mise à jour le Mardi, 23 Octobre 2012 08:52