« Tirer parti de la révolution numérique plutôt que la subir. »

Mercredi, 14 Mai 2014 11:15 Administrateur
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 Club Numérique du 01 Oct 2013 PHOTO Baron Jean-Pierre 40

Entretien avec Laure de La Raudière, députée UMP d'Eure-et-Loir, co-auteur du rapport de la mission d’information : « Agir pour une France Numérique : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. » Entre autres pistes, elle propose avec Corinne Erhel (PS, Côtes-d'Armor) d’assurer un meilleur enseignement du numérique de l’école à l’université, la création d’une place financière européenne dédiée au numérique ou appelle encore à un partenariat renforcé avec l’Allemagne.

Pourquoi paraphraser Danton dans le titre de votre rapport ?

Face aux bouleversements du numérique, nous voulons tout mettre en œuvre pour que la France et notre économie s’en sortent par le haut. Il est inutile d’être dans une logique de protection du modèle existant. La question est : comment être le meilleur dans le modèle qui se dessine au travers de la numérisation de notre société ? Pour cela, l’audace est primordiale.

 Vous partez donc du constat de ce bouleversement numérique…

Oui, et les premiers à devoir en prendre conscience sont les politiques. On a parfois l’impression de vouloir gagner la bataille de la mondialisation avec les armes du siècle dernier. Or nous sommes  en plein dans la troisième révolution industrielle et  nous devons tous en avoir conscience.

Cette révolution numérique n’en est qu’à ses débuts. Elle a déjà attaqué certains secteurs comme la musique, l’audiovisuel, le cinéma, le tourisme et les bouleversements qu’elle y a engendrés sont considérables. Ce sera bientôt au tour d’autres secteurs d’être frappés. Il faut que nous anticipions ces prochaines évolutions afin de tirer parti de la révolution numérique et non plus de la subir. De ce point de vue-là, Il y a un vrai travail de pédagogie à réaliser.

La seconde partie du rapport est plus prospective. Quelles sont les pistes que vous avez identifiées permettant d’assurer une bonne conversion numérique de la société française ?

Il y a d’abord un travail culturel à effectuer qui passe évidemment par l’enseignement pédagogique : cela va de l’éveil au numérique à l’école jusqu’à la création d’un Capes et d’une agrégation d’informatique, en passant par son enseignement au collège. Il ne faut plus seulement mesurer les savoirs à l’école mais aussi la capacité à innover.

Cette meilleure diffusion d’une culture du numérique passe donc par l’école mais aussi dans les médias et dans le discours politique. Les responsables doivent soutenir les entrepreneurs et leurs parcours gagneraient à être présentés dans les écoles.

Pour ces entrepreneurs du numérique, justement, que proposez-vous ?

Evidemment, nous souhaitons mettre en place un environnement propice aux entreprises et poursuivre le déploiement du Très haut débit. Mais au-delà de ces mesures déjà portées par les pouvoirs publics, nous souhaitons améliorer le financement des entreprises du numérique avec la création d’un fond paneuropéen. En effet, l’économie numérique a besoin d’énormément de capitaux avant d’être capable de générer du chiffre d’affaires et d’envisager la rentabilité d’un  produit.

Nous appelons aussi à la création d’un NASDAQ européen dédié aux nouvelles technologies car c’est toute l’Europe qui manque de capitaux.

Vous savez aussi que dans le cadre des investissements d’avenir, l’Etat intervient au capital des sociétés innovantes dans une logique d’effet de levier. Nous proposons que l’Etat investisse plutôt dans un fond d’investissement privé, à l’image de ce qui a été fait en Israël. Cela aura pour effet d’augmenter naturellement le volume d’investissement.

Le cadre juridique des entreprises a également besoin d’évoluer avec le numérique…

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises du numérique utilisent les données des internautes pour bâtir un modèle d’activité. Cela appelle de nouvelles réponses. Sur l’évolution de la législation, on arrive d’abord à la conclusion qu’il faut le faire au niveau européen pour ne pas créer de distorsion de concurrence. L’Europe devra aussi porter au niveau de l’OCDE le débat du cadre fiscal international.

Un cadre innovant qui permette l’émergence de champions numériques européens nous paraît ensuite nécessaire. Enfin, nous souhaitons que ce nouveau cadre législatif défende aussi nos valeurs de protection de la vie privée et qu’il en fasse un atout.

Votre rapport est ambitieux et contient encore de nombreuses pistes. La France a-t-elle déjà accumulé trop de retard ?

Il faut que la France porte une ambition numérique pour l’Europe, une ambition de conquête. Le numérique possède de nombreux potentiels de croissance où la France peut encore s’investir : l’Open data, le cloud numérique et les objets connectés, etc.

A titre personnel, je pense qu’il y a un axe très fort avec l’Allemagne que nous avons tout intérêt à développer. Nous devons proposer un projet numérique européen, basé à la fois sur l’innovation et la défense des libertés. 

Mise à jour le Mercredi, 14 Mai 2014 12:52