Interview de Monica Ariño, directrice internationale de l’Ofcom, l’agence du Royaume-Uni en charge des fréquences et du contrôle des contenus

Lundi, 10 Septembre 2012 16:17 Administrateur
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Votre pays avait-il auparavant deux entités distinctes: une pour les télécommunications l’autre pour internet? Comment la fusion s’est opérée ?

Avant que l’Ofcom n’existe, la télévision au Royaume-Uni était régulée par la Commission indépendante de la télévision, la radio par l’Autorité de la radio, tandis que les problèmes relatifs aux bonnes mœurs était supervisé par la Commission des standards de la radiodiffusion. Enfin les fréquences étaient régulées par l’Agence de communication des radios et les services téléphoniques par le Bureau des télécommunications.

A partir de 1995, des groupes politiques ont commencé à envisager la possibilité de ne former qu’un seul régulateur des communications. Après divers rapports gouvernementaux et toute une série de recherches, la loi du bureau des communications a vu le jour et a enclenché le processus de création d’Ofcom.

Cette loi a été suivie d’une seconde en 2003, la loi sur les communications, qui définit les pouvoirs et les devoirs de l’Ofcom. En décembre 2003, Ofcom a officiellement pris ses fonctions et remplacé les cinq régulateurs précédents. Quelques années plus tard, en octobre 2011, Ofcom s’est vu attribué une nouvelle responsabilité en récupérant la régulation des services postaux auparavant sous l’autorité de Postcomm. Ainsi, Ofcom a remplacé six régulateurs au total.

Quelles étaient les motivations de cette fusion? Ont-elles rencontrées des résistances au sein de la société civile?

Il existait dans les années 90 un fort consensus entre les politiciens, les groupes de réflexions et les industrielles quant au projet de créer un seul régulateur. Les médias et les technologies convergeaient dans la même direction, et, sur plusieurs questions, les régulateurs existant avaient de sérieuses difficultés à coordonner leurs approches sans que leur travail ne piétine sur celui des autres.

Le gouvernement du Royaume-Uni avait prévu un passage à la télévision numérique qui nécessiterait une approche concertée entre la télévision et les fréquences. Dans le même temps, le Royaume-Uni avait également besoin de faire passer en loi un ensemble de directives européennes en lien avec la communication électronique du secteur avant 2003. Il y avait ainsi un large débat autour du droit de la régulation et du cadre institutionnel qui pourrait instaurer un marché dynamique et compétitif tout en assurant des politiques publiques aux objectifs plus larges.

C’est dans ce contexte que l’Ofcom a été créé. Dans le cadre de la procédure législative, le Parlement a ensuite débattu des difficultés que pouvait soulever certaines problématiques, tel que la façon dont l’Ofcom devrait se référer au citoyen (par opposition au consommateur), ou encore comment protéger la pluralité dans les médias. Le texte a ensuite été voté assez facilement par le parlement et le gouvernement a accepté presque tous les changements recommandés par les commissions de la Chambre des communes et de la Chambre des lords.

Est-ce que les bureaux des différents secteurs restent malgré tout séparés ? Comment s’est organisé Ofcom ?

Non, le travail de l’Ofcom n’est pas divisé en différents secteurs. Des spécialistes de plusieurs services travaillent ensemble et examinent les divers domaines. L’un de ces groupes s’occupe des problèmes de concurrence au sein de tous ces secteurs (télécommunication, émission…), un autre gère les problèmes relatifs au consommateur, un autre prend en charge la stratégie économique, etc. Nous avons également un département juridique qui assure que les décisions de l’Ofcom sont conformes à ses droits et ses pouvoirs, et justifiable devant un tribunal.

Il n’y a qu’une exception parmi ces secteurs. Les fréquences, qui étaient auparavant régulées par l’agence des radiocommunications, est maintenant majoritairement tenu par un seul bureau au sein de l’Ofcom : le bureau des fréquences, qui s’occupe des licences au quotidiens et gère les fréquences. Cependant, ce groupe mobilise de façon significative le personnel des autres bureaux et travaillent avec eux en étroite collaboration sur les sujets clés qui ont impact sur tous ces différents secteurs. A titre d’exemple, nous étudions en ce moment la possibilité d’utiliser les fréquences de télévision à des fins plus diverses, ce qui mobilise des ressources à la fois économiques, internationales et des contenus.

La structure de l’Ofcom a évolué au fil des années mais le principe qui consiste à appliquer diverses expertises et connaissances à différents secteurs était présent dès le commencement. Une intégration rapprochée était prévue depuis le début afin d’optimiser le processus et d’assurer l’efficacité de l’approche

Quel bilan tirez-vous, neuf ans après, de cette fusion? Quels furent les avantages et les inconvénients ?

Former Ofcom fut un long et difficile processus, et de nombreuses leçons furent apprises durant ce cheminement. Par exemple, il ne faut pas sous-estimer la difficulté technique et logistique d’une fusion de ces organisations qui ont tous des attributions et des cultures différentes. Cela ne s’est pas fait en un jour, et requiert beaucoup de volonté et d’effort de la part de toutes les parties.

L’Ofcom est maintenant établit depuis près d’une décennie, et le public et le secteur économique ont pris l’habitude de traiter avec une seule organisation à travers les marchés que nous régulons. Il y a clairement plusieurs modèles de régulateur possibles. Celui de la convergence, le nôtre, pourrait ne pas être adapté à tous, mais nous croyons que la création de l’Ofcom a bénéficié aux citoyens et aux consommateurs du Royaume-Uni.

Se débarrasser des interférences entre les différents secteurs de régulation et la possibilité d’embrasser dans son ensemble les besoins et les développements du marché sont deux avantages évidents de la fusion. Nous pensons que cela nous a aidé à améliorer la qualité de nos décisions et nous a permis de mieux résoudre certains conflits d’intérêts. L’année dernière, un comité parlementaire composé de membres de différents partis a publié un rapport sur l’efficacité de l’Ofcom. Celui-ci concluait que le model de convergence des régulateurs a mené à des avantages positifs pour les consommateurs.

L’Ofcom a-t-il également un bureau qui traite de la neutralité du Net et des problèmes soulevés par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon)? Comment fonctionne-t-il?

L’Ofcom n’est pas un bureau qui traite de la neutralité du net en exclusivité La neutralité du Net. Ce domaine est un autre exemple de secteur au sein duquel nous avons accumulé une expérience au travers de nos différentes équipes, toujours dans le but de préserver la compétition et l’innovation. Notre position sur la neutralité du Net est à peu près identique à celle de la Commission européenne et traduit les principes détaillés par le BEREC (Body of European Regulators for Electronic Communications) dont l’Ofcom est membre. Nous croyons que des pratiques telles que le « traffic managment » peuvent être utilisées de manière équitable et au bénéfice du consommateur mais, la transparence d’information autour de ces pratiques demeure absolument essentielle pour le consommateur. Par exemple, les FAI ne devrait pas utiliser le terme « accès à internet » pour référer à un service qui bloque des services légalement disponibles sur internet.

Nous surveillons ces domaines avec attention, et nous avons prévenu clairement depuis le début que si nécessaire, nous ferons usage de nos pouvoirs pour introduire un niveau minimum de qualité de service, comme prévoit de le faire la version révisé des directives européennes. Mais les récentes avancées du Royaume-Uni dans le domaine de l’autorégulation sont encourageantes. Par exemple, en juillet, les principaux fournisseurs d’accès à internet du pays ont signé une charte qui les engage à respecter le genre de pratiques et de transparence que nous croyons être essentielles.

Propos recueillis et traduit de l’anglais par Joseph d’Arrast

Mise à jour le Mardi, 11 Septembre 2012 10:00