Fiscalité du numérique -Proposition de loi du sénateur Marini - Laure de La Raudière: "’imposer la publicité en ligne en instaurant une taxe sur les régies publicitaires me semble très peu efficace contre les géants de l’Internet".

Lundi, 23 Juillet 2012 10:19 Administrateur
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Laure de La Raudière, député UMP d’Eure-et-Loir, membre de la commission des affaires économiques, répond à nos question sur la proposition de loi déposée par le sénateur Marini jeudi 19 juillet.

Quelles sont les nouveautés introduites dans la proposition de loi (PPL) du sénateur Marini ? A-t-elle plus de chance d’aboutir que la précédente en termes de faisabilité ? Pourquoi ?

L’objectif poursuivi par le sénateur Marini c’est : assujettir à l’impôt les géants de l’Internet en France, et ce, proportionnellement aux revenus de leur commerce sur notre territoire.

Aujourd’hui, on estime à environ 500 M€/an le manque à gagner de recettes fiscales, à cause de l’habile optimisation fiscale des quatre  «grands » : Google, Amazon, Apple, Facebook qui réalisent en France plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaire sans presque payer l’impôt sur les sociétés.

Je partage donc les motivations du sénateur Marini. En revanche, son idée d’imposer la publicité en ligne en instaurant une taxe sur les régies publicitaires me semble très peu efficace contre les géants de l’Internet.

De toute façon, la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale a changé : je doute que la proposition du sénateur Marini puisse aboutir sans un appui du gouvernement…

 

La taxe sur la publicité en ligne ne devrait plus toucher les annonceurs mais les régies. Cette modification de la part du sénateur Marini pénaliste-t-elle toujours, selon vous, les acteurs français du numérique ?

Avec la première version de la taxe dite taxe Google en novembre 2010, on taxait tous les petits annonceurs français et on excluait Google de la cible. Je m’étais donc élevée contre cette proposition totalement inappropriée, et j’avais fait voter un amendement de suppression dans une loi de finances rectificative en juin 2011.

Avec la deuxième version, où les petites régies publicitaires seront épargnées, nous allons dans le bon sens, mais nous n’avons nullement l’assurance que la société Google et ses consœurs seront taxées in fine.

À mes yeux, créer une taxe censée rapporter 20 M€/an à l’État – selon le sénateur Marini –, sans être certain de son intérêt réel, n’est pas la bonne façon de traiter ce sujet majeur : l’enjeu est de faire contribuer les géants de l’Internet pour 500 M€/an.

Vous vous dîtes plus proches des préconisations du CNnum. Quels sont les avantages à vos yeux du « cycle commercial complet » recommandé par cette instance ?

À court terme, le Conseil National du Numérique propose de s’appuyer sur la notion de « cycle commercial complet » existant dans la loi. Elle est compatible avec les conventions fiscales européennes.

Lorsqu’une société exerce un « cycle commercial complet » dans un pays, en France en l’occurrence, elle est redevable des impôts de ce pays. Tout semble prouver que Google et les autres géants de l’Internet exercent bien un « cycle commercial complet » en France. Dès lors, l’État français peut entamer un contentieux pour impôt non recouvré auprès de ces géants.

Je suis favorable à cette démarche, car elle permet d’avancer sur ce sujet, sans modification législative, ni fiscale. Cela permettrait de garantir une stabilité fiscale aux jeunes entreprises françaises du numérique, c’est est une absolue nécessité si nous voulons qu’elles se développent en France.

En parallèle, je suis aussi favorable à ce que ce sujet de concurrence fiscale déloyale entre pays européens soit porté avec vigueur par la France auprès de la commission européenne.

La caisse de champagne pour Fleur Pellerin est-elle toujours au frais si le gouvernement vient à coiffer sur le poteau la PPL du sénateur Marini ?

Madame Fleur Pellerin avait fait une promesse de campagne d’être capable de taxer Google en France, sans avoir besoin de recourir à des modifications de lois fiscales européennes ! C’était l’objet de mon pari. Pour le bien de la France, j’espère beaucoup offrir prochainement à madame Pellerin cette caisse de champagne, mais pour l’instant, elle est encore dans ma cave…

Propos recueillis par Joseph d'Arrast

Mise à jour le Jeudi, 26 Juillet 2012 15:37