« L'opération Numericable-SFR ne remet pas en cause l'organisation du marché mobile en France. »

Mardi, 22 Avril 2014 13:17 Administrateur
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arrow rtlPOUILLOT Didier   Questions à Didier Pouillot, responsable Télécoms à l’IDATE, sur les conséquences du rachat de SFR par Numéricable

Vivendi a finalement décidé de vendre SFR à Numericable. Sur le plan industriel, quel est l'impact de ce choix ?

Le nouveau paysage des télécoms en France qui s'esquisse avec cette opération peut être vu sous divers angles. D'abord, celui de la convergence fixe-mobile bien sûr. Celle-ci se matérialise à la fois dans le potentiel des offres commerciales groupées de type quadruple play et dans l'imbrication croissante des infrastructures filaires et sans fil à l'heure des small cells et du haut débit mobile. Numericable se donne ainsi les moyens d'intervenir beaucoup plus largement qu'il ne l'a fait jusqu'alors sur ce marché quadplay et fournit dans le même temps à SFR des capacités pour renforcer son réseau mobile, mais aussi ses accès fixes. En marge de cet accord, Orange devrait d'ailleurs se voir priver d'une partie de ses revenus de dégroupage.

 Une opération dans l'air du temps donc ?

On a effectivement vu récemment le champion européen des mobiles, Vodafone, acquérir Cable & Wireless Worldwide, débourser ensuite plus de 7 milliards EUR pour Kabel Deutschland et prêt à remettre à nouveau plus de 7 milliards pour acquérir l'espagnol Ono : tout cela dans une stratégie similaire de développement d'offres convergentes et de renforcement des capacités. Ainsi, et c'est sans doute le second enseignement des opérations en cours, le câble redevient, à l'heure du très haut débit, un actif très séduisant. L'an dernier, Liberty Global a également dépensé plus de 16 milliards EUR pour mettre la main sur Virgin Media au Royaume-Uni et a dû monter à 10 milliards EUR pour emporter tout début 2014 le néerlandais Ziggo.

Mais l'on reste avec quatre opérateurs mobiles ?

L'opération Numericable-SFR ne remet pas en cause en effet l'organisation du marché mobile en France. Si un mouvement de consolidation se dessine également sur cet axe en de nombreux endroits en Europe, la structure qui aurait émergé d'un rapprochement entre SFR et Bouygues Telecom aurait conduit à une forme accentuée de concentration, avec deux leaders, Orange et le nouvel ensemble, détenant, directement et indirectement via les MVNO, près de 90% du parc de clients dans le pays. Le risque d'un véto de la part de l'Autorité de la Concurrence semble d'ailleurs avoir pesé lourdement dans la décision de SFR et les 500 millions d'euros de dédommagements proposés par Bouygues Telecom dans cette éventualité n'ont finalement pas suffi à faire pencher la balance en sa faveur.

Là aussi, la comparaison avec les autres opérations menées ou projetées dans d'autres pays européens est édifiante. Au Royaume-Uni, la fusion des activités d'Orange et de T-Mobile au sein d'Everything Everywhere en 2010 avait certes propulsé le groupe au premier rang mais trois concurrents restaient face à lui, dont deux avec des parts de marché proches ou supérieures à 25%. Quant au projet en cours d'instruction en Allemagne entre O2 et E-Plus, il aboutirait à une structure de marché à trois relativement équilibrée, bien loin de ce qui se serait profilé en France.

Mais sans aller jusqu'à la fusion, des formes plus souples de partenariats restent possibles ?

Bien sûr, à l'heure où les pressions sur les marchés télécoms s'intensifient (rappelons qu'en France en 2013, les revenus de détail des services mobiles en particulier ont chuté de 12%), les opérateurs sont plus que jamais en recherche d'économies. Dans ce contexte, on voit notamment se multiplier les accords de partage d'infrastructures, aussi bien dans le mobile (voir l'accord signé entre Bouygues Telecom et SFR précisément en début d'année) que dans le fixe (accord de co-investissement entre Orange et SFR pour le déploiement des infrastructures FttH en dehors des zones très denses). Une partie de ces accords pourrait d'ailleurs être mis à mal par la fusion en cours : quid également de partenariat entre Numericable et Bouygues Telecom pour la fourniture d'accès FttB ? On notera enfin que, à la différence des fusions, ces partenariats ne suppriment pas de compétiteurs. Dans une situation de guerre des prix, ils contribuent davantage à rendre tolérables la chute des revenus qu'à reconstituer les marges…

Mise à jour le Jeudi, 24 Avril 2014 07:40