Le nouveau président du Conseil national du numérique (CNN) est venu présenter au Sénat les différentes missions qui l’accaparent. Au programme : neutralité du net, fiscalité et fracture du numérique, sans oublier ses commentaires sur les conclusions du rapport Lescure. Un véritable état des lieux des enjeux du numérique. C’est le sénateur Bruno Retailleau, l’un des deux parrains du Club Parlementaire du Numérique, qui a accueilli Benoît Thieulin au Sénat. Il en a profité pour rappeler les nombreux enjeux d’actualité qui ne manquerait pas de nourrir le débat, plusieurs des 80 propositions du rapport Lescure rentrant de près dans le champ d’exercice du Conseil national du numérique. |
Benoît Thieulin a d’ailleurs annoncé que l’ancien patron de Canal+ serait auditionné par le CNN le 7 juin. Il a ensuite regretté que le débat se concentre une nouvelle fois autour de la Hadopi, rappelant que l’industrie culturelle contribue très peu aux exportations au regard du numérique et que trop d’enjeux restent encore ignorés par la classe politique. « On ne parle pas assez du numérique, de sa révolution industrielle, économique et cognitive, ou si on l’évoque, c’est souvent sous un angle décalé avec l’enjeu global que représente ce secteur d’avenir. » Une analyse partagée par Nicolas Sarkozy qui avait voulu le CNN comme « la courroie de transmission » entre les parlementaires et les acteurs du numériques.
Depuis, son organisation s’est étoffée et sa représentativité a été diversifiée, notamment sous l’impulsion de la ministre Fleur Pellerin. Le conseil est paritaire et s’est élargi à différents élus, qu’ils soient locaux ou nationaux.
Sollicité par le sénateur Michel Teston, Benoît Thieulin, qui s’exprimait à titre personnel, s’est ensuite penché sur la fiscalité du numérique. Il a regretté que ce secteur de croissance – un des rares français – soit spécifiquement taxé. « Le vrai sujet, c’est d’abord celui de l’harmonisation fiscale entre la France et ses partenaires économiques », a-t-il insisté. Si une harmonisation de la TVA se dessine à moyen terme dans l’Union européenne, un taux unique de l’impôt sur les sociétés reste encore un vœu pieux. Mais selon le président du CNN « on voit déjà une conjonction astrale intéressante se dessiner » entre les USA, le Royaume-Uni et l’Union européenne. Les solutions pourraient donc mettre moins de temps à venir que prévu. « Nous ne sommes pas dans un débat franco-français », a-t-il assuré, « nous ne sommes pas seul confronté à cette difficulté. » « Mais pour le moment on n’a pas encore la martingale qui nous permettront de trouver la juste fiscalité », a déclaré Benoît Thieulin. |
Benoît Thieulin est ensuite revenu sur la neutralité du net dont il a donné une définition éclairante : « le principe d’égalité porté dans les réseaux. » Alors que le CNN est chargé d’une concertation nationale sur le sujet, il appelé de ses vœux un élargissement du concept aux différentes plateformes et infrastructures qui composent la toile. « Aujourd’hui la porte d’entrée à internet pour un utilisateur est multiple, elle ne se cantonne pas à la connexion mais s’étend à différents portails. » Il a rappelé tous les facteurs entrant en jeu dans la neutralité du net : le display de l’affichage, les interfaces de programmation, les stores d’applications, les réseaux sociaux… Autant de couches de neutralité, qui sur fond de droit de la concurrence, restent encore impensées. |
Benoît Thieulin a ainsi pris l’exemple de Google qui a choisi de « débrancher » Google Reader, et mis en péril « de milliers de start-up liés à cet écosystème ».
Concluant son propos en citant Paul Krugman qui parle « d’entreprises qui prennent la position de quasi services publics », le président du CNN a invoqué le principe de responsabilité pour ces plateformes, « afin qu’elles soient mieux pensées, mieux travaillées, mieux encadrées. »