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L’Europe s’invite au CPN

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Le conseiller de Neelie Kroes pour les nouvelles technologies, Thibaut Kleiner, a fait le déplacement de Bruxelles afin d’évoquer les grands enjeux stratégiques européens du numérique. La Commission veut accélérer les choses avant les échéances électorales de juin 2014.

Accueilli par le député Lionel Tardy à l’Assemblée nationale, Thibaut Kleiner a évoqué une vaste palette de sujets dans les tuyaux de la commission bruxelloise. Il est d’abord revenu sur la rencontre du 11 juillet entre Fleur Pellerin et Neelie Kroes. Selon lui, les deux femmes partagent de nombreux points communs et se sont particulièrement entendues à soutenir les quartiers numériques afin de permettre au nouvel esprit entrepreneurial des jeunes start-up européennes de prendre corps. « Elles veulent bâtir sur les atouts uniques du continent », a-t-il assuré. 

Mais le conseiller de la commissaire néerlandaise en a surtout profité pour défendre le nouveau « paquet télécom » qui devrait être présenté à la rentrée au Parlement européen, avec pour mesure phare, la fin annoncée du « roaming », autrement dit des frais d’itinérance. Si Thibaut Kleiner a reconnu qu’il y avait bien un surcoût lié aux frontières, il était cependant loin de représenter les forfaits appliqués par les opérateurs. Ces derniers auraient profité « d’effets d’aubaine » pour compenser des pertes dans d’autres secteurs. Cette fin annoncée du roaming ne laisse pas d’inquiéter les opérateurs, qui perdent là une précieuse manne financière.

L’objectif affiché de la Commission reste, en effet, la création d’un marché unique des télécoms. Pour cela, Neelie Kroes a mis sur la table deux autres mesures d’importance. Tout d’abord la création d’un passeport européen pour les services télécoms. « L’idée est de créer une licence unique aux opérateurs dans les 28 Etats membres afin qu’ils n’aient pas à faire de nouvelles demandes chaque fois qu’ils cherchent à investir dans un pays », a déclaré Thibaut Kleiner. Une mesure qui n’a pas totalement convaincu Emmanuel Fourest (Bouygues), pour qui «  l’accès aux réseaux existants doit encore être facilité » afin que les opérateurs étrangers puissent effectivement offrir leurs services. Le conseiller de Neelie Kroes a tenu à préciser que la Commission allait justement mettre en place une recommandation sur le calcul des coûts pour avoir accès aux réseaux déjà établis.

 
 

Olivier de Baillenx (Free) s’est également dit « inquiet » de ce changement de philosophie, davantage tournée vers la création de champions télécoms, et des alliances attendues, qui bien souvent « profitent davantage au plus gros ». Thibaut Kleiner a bien confirmé ce changement de paradigme vers lequel la Commission s’oriente : « c’est vrai que l’on incite à européaniser les investissements des services. »

Thibaut Kleiner a ensuite fait état du projet sur « l’harmonisation de l’usage du spectre ». Une expression qui a interpellé le sénateur Bruno Retailleau, désireux de savoir si cela pouvait conduire à une « communautarisation du spectre » qui reste pourtant l’apanage des Etats-membres et permet le financement de nombreux investissements. Réponse rassurante du conseiller : « il s’agit uniquement des conditions de mise aux enchères des bandes ». L’Agence nationale des fréquences s’est également emparée du sujet, appelant de ses vœux un système de préfinancement européen de libération des bandes tout en évoquant l’importance d’un équilibre et d’une coordination européenne dans la mise à disposition des fréquences.

Autre sujet crucial, le Très-haut-débit (THD). Thibaut Kleiner est revenu sur le budget réduit à peau de chagrin accordé par la Commission. Alors que Neelie Kroes demandait 9 milliards d’euros, elle n’en a obtenu qu’un seul. Un mal pour un bien, au dire du conseiller, puisqu’il mise désormais sur le roaming pour favoriser les regroupements d’opérateurs et donc les investissements selon un principe qui veut que les plus gros opérateurs puissent investir davantage dans la couverture du territoire. Les objectifs sont toujours ambitieux : 100% du territoire en THD pour 2020. Emmanuel Fourest a cependant tenu a rappelé que la faiblesse des investissements des opérateurs n’est pas lié au nombre disparate d’opérateurs : « un territoire non-rentable le demeure pour n’importe quel type d’opérateur. »

 
   

Interrogé par Lionel Tardy sur la fiscalité du numérique, Thibaut Kleiner a ici douché quelques espoirs : « ce n’est pas une compétence communautaire. » Malgré le rappel du manque à gagner de la Fédération Française des Télécoms, le conseiller a mis en garde contre les effets pervers d’une initiative franco-française : « tout va si vite dans le secteur de l’Internet. Le risque, c’est aussi d’intervenir sur des problèmes du passé», a-t-il précisé en répondant à une question sur les abus de positions dominantes visant les géants de l’Internet. 

La conversation a ensuite glissée vers la relance d’une industrie européenne du numérique dans un contexte de domination asiatique et américaine. Florian Du Boys (Neo Telecoms) a témoigné de la difficulté de garder le contrôle de sa PME dès lors que la recherche de nouveaux capitaux s’imposent. « Aujourd’hui, les banques ne prêtent plus. Nous n’avons d’autre choix que de nous vendre ou d’avoir recours à un fond d’investissement. » Lionel Tardy a renchéri : « il faut de nouveaux financeurs car les banquiers ne prennent pas assez de risque. On a raté le coche pour créer des vrais champions, je ne vois pas comment on va rattraper ça. » Thibaut Kleiner s’est dit confiant et a apporté quelques éléments de réponse : la création de nouveaux fonds d’investissement, l’exploitation du taux élevé d’épargne, la volonté d’agréger les différentes structures…

De façon plus générale, Bruno Retailleau est revenu sur la balance commerciale européenne, au moins aussi important à ses yeux que le problème de réindustrialisation. Il a exprimé son inquiétude face à la philosophie de l’Union européenne, trop tournée, selon lui, vers la demande au détriment de l’offre. Une réflexion qui s’est trouvée prolongée avec le débat sur la neutralité du net, où le sénateur a de nouveau manifesté ses doutes quant à l’approche trop consumériste de la Commission. Un temps révolu, à écouter Thibaut Kleiner, qui a rappelé la position de Neelie Kroes sur ce sujet : si cette dernière s’engage pour un internet libre et ouvert, avec notamment davantage de transparence demandée sur les prestations fournies des FAI, elle plaide pour une différenciation par le haut, qui impliquerait un partage des coûts. 90% du trafic Internet est en effet réalisé par 5% des internautes…

 

Une véritable inflexion de la ligne bruxelloise, souvent considérée comme trop proche du consommateur. Assiste-t-on à un tournant, ciblant davantage l’émergence d’une industrie numérique européenne ? L’intention se sera clairement manifestée ce soir-là, reste à observer la traduction dans les faits.

 

Mise à jour le Mardi, 23 Juillet 2013 08:15  

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