Club Parlementaire du numérique

  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Home Telecom Fiscalité du numérique : un dîner pour une assiette (fiscale)

Fiscalité du numérique : un dîner pour une assiette (fiscale)

Envoyer Imprimer PDF

Le Club Parlementaire du Numérique s’est réuni autour de Pascal Saint Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l’OCDE et de Michel Taly, avocat fiscaliste, afin de répondre aux problématiques d’érosion de la base fiscale dont bénéficient les géants de l’Internet.

La députée de l’Eure-et-Loir, Laure de La Raudière a présidé et introduit le dîner en rappelant l’engagement de Fleur Pellerin en février 2012, au CPN, de taxer les acteurs de l’Internet en France. Une caisse de champagne est toujours en jeu… La députée s’est interrogée sur les possibilités d’une taxation franco-française, craignant qu’elle ne handicape les acteurs nationaux, alors que le récent avis du Conseil national du numérique s’est clairement exprimé en défaveur d’une telle issue (voir notre interview). « Il ne s’agit pas simplement de fiscalité, mais du développement de toute l’économie numérique », a insisté l’hôte des lieux.

Michel Taly a ensuite exprimé toute sa perplexité de fiscaliste face au modèle économique de l’Internet : « On consomme énormément sur la toile, sans rien payer, ou alors, par le biais de publicités, que l’on s’efforce de bloquer, qui cherchent elles-mêmes à contourner nos blocages ! Allez trouver la base fiscale de tout ça ! ». Evoquant l’idée d’une taxe au clique, il s’est dit sceptique sur la faisabilité du projet.

Sur le paiement en ligne de biens et de services, l’avocat fiscaliste a soulevé quelques pistes qui permettraient la création d’un statut « d’établissement stable virtuel », comme une taxation à partir du droit local auquel est rattachée l’entreprise. Une fiscalité qui serait uniquement basée sur la destination. Le cabinet de la ministre Fleur Pellerin n’a pas manqué de faire remarquer que ses mesures proposées dans le Projet de loi de finances 2014 sur la valorisation des prix de transfert et l’endettement artificiel, ne peuvent justement s’appliquer qu’en localisant un établissement stable.

 

Cette rencontre à l’Assemblée nationale a surtout été l’occasion pour Pascal Saint Amans de présenter son plan adopté au G20 de Saint Pétersbourg en juillet dernier. Un plan nommé BEPS pour Erosion des Bases Fiscales et Transfert des Bénéfices (voir notre interview) et dont l’acronyme a fait florès tout au long de la soirée. Il s’agit de développer un nouvel ensemble de normes visant à éviter la double non-imposition (la non-imposition dans le pays d’origine et dans celui où a lieu la réalisation du chiffre d’affaires). « Afin de s'assurer que les actions pourront être mises en œuvre rapidement, un instrument multilatéral visant à modifier les conventions fiscales bilatérales seront développées », a précisé le directeur des politiques fiscales de l’OCDE. Il a également rappelé que la France a beaucoup insisté au G20 pour que le plan BEPS prenne en compte un standard sur la spécificité de l’économie du numérique. Le calendrier prévoit de livrer les actions dans les 18 à 24 mois à venir. Un véritable tour de force.

   

Si BEPS a semble-t-il convaincu des députés tels que Sandrine Mazetier et Eric Alauzet, la députée européenne Marielle Gallo s’est dite « désespérée » de la faible marge de manœuvre dévolue à l’Union européenne et continue de croire que le cadre communautaire peut être le bon. Pour Pascal Saint Amans, il est essentiel que quelques pays moteurs s’alignent pour faire front commun et pèsent dans la balance pour convaincre les Etats-Unis d’agir sur le plan international. Selon Michel Taly, l’Union européenne pourrait aussi s’attaquer à la « concurrence dite dommageable » où un pays cherche délibérément à attirer de la base chez lui par le dumping fiscal : « si les 28 réussissaient à avancer sur ce terrain, ça serait déjà beaucoup. »

Les deux invités se sont mis d’accord pour dédouaner les entreprises de leur optimisation fiscale agressive, rappelant que le problème réside dans l’articulation des droits internes des souverainetés fiscales et du droit international. « C’est aux pays de changer la loi », ont-ils dit. Anne-Laure Goetzinger du cabinet Fidal, a rappelé que le cash faisant partie intégrante du modèle économique des entreprises de l’Internet, qui se doivent de disposer d’une manne financière suffisante pour investir rapidement, dans une économie où les cycles d’innovation sont très courts.

Mais pour Christophe Leblanc de Solocal Group, c’est davantage la non-taxation des géants du Net qui risque d’affecter l’écosystème du numérique, notamment en France, qui « accumule un retard préoccupant » du fait d’une taxation déséquilibrée. Mais les deux invités se sont montrés rassurants. Pour la première fois, il y existe une véritable volonté politique de faire avancer les choses sur le terrain de l’érosion des bases fiscales et jamais l’OCDE n’a prévu un calendrier aussi court pour un plan d’une telle ampleur. On n’a pas fini d’entendre parler de BEPS.

Par Joseph d’Arrast

Mise à jour le Lundi, 07 Octobre 2013 16:46  

Accès Membres

Vidéos