Questions à Francine Mariani Ducray, membre du CSA, sur le rapport relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), préconisant que les plateformes internet soient soumis à la régulation du CSA et participe au financement de la culture au même titre que la VOD. Dans ce rapport, vous dressez d’abord un bilan du dispositif mis en place pour réguler les SMAD. Quelles sont vos conclusions à ce sujet ? Nous dressons ce bilan avec précaution, car ce dispositif est récent, et s’applique à des acteurs travaillant dans un environnement en évolution rapide, et qui ont déjà connu des succès importants, comme celui de la télévision de rattrapage. Il nous semble que le dispositif d’encadrement institué en 2009 et 2010 est pertinent mais gagnerait à être simplifié et aménagé pour que les SMAD, seule alternative légale et porteuse de développement au piratage des programmes et œuvres audiovisuels et cinématographiques, puissent rapidement étoffer leur offre au public et gagner en compétitivité: c’est un enjeu de croissance économique et de diversité culturelle, et c’est aussi l’intérêt des groupes audiovisuels actifs aujourd’hui sur notre territoire. |
Il faut, par exemple, laisser la plus grande liberté d’organisation commerciale des offres des SMAD (qui devront désormais se déclarer auprès du CSA, en application de la loi du 15 novembre 2013, mais qui ne relèvent absolument pas d’un régime d’autorisation préalable), unifier les seuils de déclenchement des obligations d’exposition des œuvres et d’investissement dans la création (sans doute à 20 œuvres en catalogue), passer d’une obligation d’exposition des quotas d’œuvres européennes et d’expression originale française « à tout moment » à une obligation en moyenne annuelle, prendre en compte des catalogues spécialisés, rassembler les obligations d’investissement dans la création au niveau des groupes et élargir le périmètres des dépenses considérées comme contribuant au développement de la production.
Il faut sans doute également, et sans que cela nuise aux intérêts des exploitants des salles de cinéma ni aux télévisions linéaires, principaux financeurs du cinéma, aménager la chronologie des médias pour que la vidéo à l‘acte et la vidéo par abonnement aménagent une offre cinématographique attractive.
Vous recommandez ensuite de considérer le contenu de plateformes internet comme un SMAD. Dans quelles circonstances précisément ?
Les plateformes de partage de vidéos sont exclues de la définition des SMAD en tant qu’elles hébergent des contenus créés par des utilisateurs privés. Mais elles servent de plus en plus de lieu d’accès à toutes sortes de contenus audiovisuels professionnels, développent des partenariats avec des éditeurs audiovisuels « classiques » et distribuent ou éditent des ensembles de programmes, parlant d’ailleurs de « chaînes » pour certains d’entre eux. Tous ces métiers évoluent et se confondent de plus en plus. Nous rappelons que, pour les parties « professionnelles » de ces sites (par opposition aux contenus générés par des utilisateurs privés), les éditeurs, c’est-à-dire ceux qui mettent en ligne les contenus de ces catalogues de vidéos, entrent d’ores et déjà dans le dispositif des SMAD et doivent intégrer les recettes générées sur ces services au chiffre d’affaires figurant dans leur déclaration SMAD. Quant aux plateformes elles-mêmes, leur obligation dépend de la réalité de la fonction qu’elles exercent : hébergeur naturellement ; mais aussi dans certains cas bien précis éditeur, lorsqu’elles contrôlent la sélection et l’organisation du catalogue ; ou encore distributeur lorsqu’elles établissent des relations contractuelles avec des éditeurs pour constituer leur offre de services de communication audiovisuelle. Nous suggérons que la directive commerce électronique et la directive services médias audiovisuels soient clairement articulées pour que la notion de distributeur de services audiovisuels au sens de la loi française prenne place dans la directive SMA. Il faut expertiser les implications de ces qualifications sur les différents acteurs concernés.
Comment mesurer la part d’activité qui, pour Dailymotion ou YouTube par exemple, relève de l’édition audiovisuelle, et non du simple hébergement de vidéos ?
Elles sont éditrices lorsque la sélection et l’organisation du catalogue n’est pas maîtrisée par un partenaire tiers mais par la plateforme elle-même. C’est donc l’analyse de la fonction effective exercée par la plateforme qui importe.
Quelles sont les différentes contraintes auxquelles ces plateformes se trouveraient alors assujetties?
Là encore, il faut distinguer selon l’activité exercée par la plateforme. Lorsque la plateforme est éditrice du service, il n’y a pas de raison qu’elle soit soumise à des obligations différentes des autres éditeurs de vidéos à la demande. En revanche, le distributeur de services n’est pas soumis à des obligations financières mais à une série d’obligations qui ne sont à l’heure actuelle pas totalement adaptées à ces services en ligne (obligation de reprise des chaînes du service public par exemple etc.). Il est donc pour nous important de réfléchir à la modernisation du statut de distributeur sans pour autant appliquer aux distributeurs des obligations similaires à celles des éditeurs.
Reste, cependant, que ces obligations ne peuvent s'appliquer qu'aux services installés en France…
C’est exact. C’est pour cette raison que nos préconisations vont autant que possible dans le sens de la simplification et de l’allègement des obligations des services régis par notre réglementation nationale, et aussi que nous signalons l’enjeu plus vaste qui touche à l’acquittement de l’impôt et au financement de la création par les opérateurs du numérique dans le pays où ils trouvent leurs consommateurs.