Questions à Antoine Fournier, Directeur aux affaires réglementaires du Groupe Colt Technology Services Le Conseil général des Hauts-de-Seine se dirige visiblement vers une rupture de la délégation de service public (DSP) accordé à Sequalum pour la couverture très haut débit du département. De 2007 à 2009, le projet était resté en suspens sur l’attribution du marché et la Commission européenne avait finalement tranché en faveur d’une délégation de service public. Que vous inspire l’échec d’aujourd’hui ? |
Le conflit actuel semble être motivé par des raisons différentes de celles qui avaient motivées le retard dans l’attribution du marché.
En effet, le conflit actuel porte plutôt des enseignements sur les critères de choix d’un délégataire par une collectivité. Le choix d’un délégataire pour une collectivité est toujours un pari à long voire à très long terme. Ce pari est encore plus risqué quand le délégataire peut se retrouver en situation d’opposition entre la stratégie numérique de la collectivité et sa propre stratégie d’entreprise.
Qu’est-ce qui a manqué selon vous à la DSP ? Un modèle économique plus stable ?
Sans disposer d’information détaillée sur le fonctionnement de la DSP, il est cependant possible de remarquer une rupture depuis le printemps 2014.
En effet, avant le printemps 2014, même si les relations entre le CG92 et son délégataire semblaient plutôt houleuses depuis quelques années, il semblait que le délégataire faisait les efforts nécessaires pour respecter les demandes répétées du CG92. Vu de l’extérieur, il semble que le CG92 devait investir beaucoup dans le suivi de ses demandes et accepter de nombreux compromis en particulier sur les délais mais à chaque fois le délégataire finissait par faire un effort.
Depuis le printemps 2014, il semblerait que l’attitude du délégataire ait changé. La perspective de la création d’un oligopole fermé sur la zone très dense (et donc notamment le 92) a dû prendre une place plus importante dans sa stratégie d’entreprise que le respect des engagements pris auprès du CG92.
A priori, ce qu’il manque donc aujourd’hui au CG92, c’est un délégataire dont la stratégie reste proche de la stratégie numérique du département.
A l’époque, la décision de Bruxelles devait faire jurisprudence. Aujourd’hui, c’est plutôt cet échec qui pourrait faire jurisprudence. Va-t-on désormais privilégier les investissements 100% privés ?
Le conflit actuel à propos de THD Seine est indépendant de l’intérêt ou non de l’intervention publique. Il s’agit, semble-t-il, d’une divergence stratégique qui s’est soudainement accrue entre le CG92 et son délégataire au moment où celui-ci venait d’acheter le deuxième opérateur FTTH français. Si on se focalise sur le marché entreprise sur lequel intervient Colt, la fusion du délégataire avec SFR va permettre de constituer un duopole en Zone Très Dense (*) excepté dans les zones couvertes par des Réseaux d’Initiatives Publiques (RIP). La continuation du déploiement dans le cadre de la DSP avec le CG92 apparaît donc en opposition complète avec la nouvelle stratégie d’entreprise du délégataire depuis le printemps 2014.
Du coup, cela remet-il en cause les délais de couverture des zones à faible rentabilité ?
Si jamais le CG 92 réussit à reprendre le contrôle de l’avenir numérique de son département, il lui sera alors possible de continuer le réseau
- Soit en s’appuyant sur un délégataire indépendant des principaux opérateurs qui respectera sa stratégie,
- Soit en optant pour une gestion en direct.
Une fois le délai inhérent à un changement d’organisation passé, il n’est pas impossible que la poursuite de la couverture soit réalisée plus rapidement qu’initialement prévu puisqu’il existe notamment plusieurs délégataires extrêmement sérieux et non impliqués dans des activités de détail.
En tant que client depuis plusieurs années de ces délégataires indépendants, nous pouvons souligner qu’ils font partie de nos meilleurs fournisseurs parmi tous les fournisseurs que nous avons à travers l’Europe.
(*) : La présence de plusieurs infrastructures « horizontales » ( dans les rues) en « Zone Très Dense » a amené la France à restreindre vers 2006-2008 l’obligation de dégroupage du FTTH à la « Zone Moins Dense ». Par conséquent, la dynamique concurrentielle sur le Très Haut Débit (THD) au sein de la « Zone Très Dense » (5 millions de lignes dont la totalité du 92) se limite à 3 voire 4 opérateurs résidentiels et à 2 opérateurs entreprise contre plus d’une dizaine d’opérateurs actifs sur le dégroupage du réseau cuivre.