Questions à Frédéric Montagnon, Président-Fondateur de Secret Media, Ambassadeur de la French Tech à New York
Comment s'est passée votre installation à New York en 2013? Quelles ont été les bonnes et les mauvaises surprises?
La bonne surprise est la taille du marché et son accessibilité: les entrepreneurs français qui ont un bon produit avec une véritable aspérité, et qui ont trouvé les moyens de se développer arrivent très souvent à s’y développer.
La « mauvaise » surprise est le temps et l’énergie nécessaire pour être crédible aux USA, pour comprendre comment travailler et vendre sur le marché, et pour avoir un réseau suffisamment étendu afin d’accéder à ses clients. Je considère qu’il faut 18 mois avant d’avoir son entreprise bien en place. Etant donné que les coût sont 2 à 3 fois plus important qu’en France pour le même résultat, cela signifie qu’il faut être bien préparer pour accéder au marché. En revanche, une fois que les revenus démarrent, la croissance peut être extrêmement rapide.
Qu'est-ce que la France et les Etats-Unis ont à apprendre l'un de l'autre sur la culture entrepreneuriale?
Les Américains sont très forts en marketing et dans la mise en place de process. Ils sont redoutables pour industrialiser et donc emmener un startup vers un modèle à grande échelle. C’est là que les français « calent » le plus souvent. Je dirais donc que :
- - Ils savent créer et vendre des produits qui répondent très simplement à des problèmes bien identifiés. Ils savent réduire à l’essentiel leur effort et la complexité de ce qu’ils produisent. C’est extrêmement efficace en terme de vente.
- - Ils savent mettre en place des process pour tout: le recrutement, la prise de décision, la définition des rôles et mission de chacun, le reporting, etc. Ce qui fait qu’une fois qu’ils commencent à commercialiser avec succès, il est très simple de déployer une entreprise partout en Amérique du Nord, et en un temps record.
Je trouve en revanche les Français sont plus créatifs et généralement plus efficace à développer des technologies en équipe réduite.
Je ne suis pas certain qu’on puisse vraiment importer d’un coté ou de l’autre ces savoir-faire. En revanche, être présent en France et aux USA est certainement un avantage considérable.
Pouvez-vous nous présenter brièvement l'histoire d'Overblog puis de Secret Media?
OverBlog date de 2004, au démarrage il s’agissait plus d’une passion que d’un projet d’entreprise. On voulait permettre à des gens peu au fait des nouvelles technologies de publier leurs idées en ligne. Aujourd’hui cela parait évident, mais à l’époque ce ne l’était pas. Rapidement, c’est devenu notre activité principale. Nous l’avons vendu à Webedia il y a deux ans à un moment ou nous touchions près de 60 millions d’utilisateurs dans le monde.
J’ai créé Secret Media il y a 18 mois depuis New York. Notre R&D est en France. Nous avons vu à l’époque la montée en puissance des logiciel de blockage de publicité en ligne (AdBlocker). Personne n’avait l’air de se soucier de cette évolution, nous avons donc cherché comment régler ce problème pour des éditeurs premium (qui investissent massivement pour créer des contenus de qualité). Aujourd’hui, aux USA, 26% des vidéos vues ne peuvent pas être monétisée à cause des AdBlocker. C’est 35% en Angleterre et 61% en Allemagne. Nous sommes les seuls pour le moment sur le marché à offrir une solution.
Je retiens de toutes mes expériences que le plus efficace pour se lancer n’est pas de trouver une idée mais d’identifier un problème.
Vous avez récemment décidé de représenter la French Tech à New York. Quel est l'objectif?
Il y a une centaine de belles startups créées par des Français dans les technologies, dont les fondateurs sont présents à NYC. La plupart vont être ou sont déjà de grands succès. Il nous paraissait intéressant de les réunir sous une même marque, pour deux raisons principales :
- C’est extrêmement valorisant pour tous de pouvoir dire qu’on appartient à un mouvement qui remporte un vrai succès vis-à-vis du marché américain. Et il me semble important de montrer aux entrepreneurs français que le marché américain est accessible, et souvent même incontournable pour créer des entreprises globales.
- La plupart de ces entreprises créent plus d’emplois en France et de manière plus pérenne en ayant réalisé un développement aux USA que si elles étaient restées uniquement en France (question d’échelle). Il me paraissait important d’expliquer que se développer aux US n’est ni un renoncement à la France, ni un exil fiscal (les taxes sont bien plus importantes ici) et que le modèle : R&D en France, marketing et vente aux USA est un modèle extrêmement efficace.
Vous investissez-vous même dans des start-up. Que recherchez-vous en priorité sur un projet?
Je cherche avant tout des gens exceptionnels par leur talent, leur capacité de travail et leur motivation. Je choisis en général des projets qui ont une base technologique forte par goût. A titre personnel, je n’investis que si j’ai une vraie affinité et discussion régulière avec des porteurs de projet. Je trouve extrêmement enrichissant et stimulant d’accompagner des entrepreneurs dans leurs projets.