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L’Agence du numérique : moteur de la réussite numérique française de demain ?

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Le club parlementaire du numérique s’est réuni mercredi 30 septembre, à l’orée d’une « session parlementaire très numérique » comme l’a rappelé Luc Belot, député du Maine-et-Loire qui présidait la soirée. L’invité était Antoine Darodes, récemment nommé par Emmanuel Macron et Axelle Lemaire, directeur de la nouvelle Agence du numérique qui coiffe désormais les trois pôles : la French Tech, la Mission France très haut débit (FTHD) et l’ancienne délégation aux usages de l’Internet (DUI). Antoine Darodes a présenté ses missions et fait un point sur l’avancée des projets de l’Etat en matière de soutien à la création numérique et de mise en place des infrastructures.

Interrogé sur la nécessité de cette nouvelle entité, son capitaine a simplement usé de la métaphore d’un navire : «le Conseil national du numérique est dans la timonerie, nous, dans la salle des machines. Nous exécutons des propositions ou avis des ministres notamment éclairés par le CNN ». Son rôle diffère aussi de celui d’Henri Verdier, (nouveau DSI de l’Etat comme nous l’a rappelé Luc Belot) qui « s’occupe de la manière dont l’Etat appréhende ses relations avec le numérique ». L’Agence a un rôle d’animation (éveil, organisation, soutien…) d’actions décentralisées publiques ou privées . « On ne regarde pas vers l’Etat mais vers les acteurs tiers, association, entreprises, collectivités territoriales à leur origine ». Elle a pour partenaire BPI France, la caisse des dépôts, business France. Aujourd’hui tout reste à monter, un conseil d’orientation par exemple. Le Ministre attend pour les jours prochains une proposition de feuille de route.

Après cette brève présentation, Antoine Darodes s’est volontiers soumis à un exercice de questions réponses avec le modérateur et la salle qui lui a permis de faire le point sur les chantiers en cours et d’éclairer son auditoire sur quelques débats actuels.

La grande école du numériqualte ? L’idée : que l’Etat anime des structures décentralisées et diverses, les coordonne en les labellisant et en les finançant. Contribuer à sa construction sera une des missions du pôle DUI. Ce pôle aura aussi le rôle de rassembler les différents lieux numériques (EPN ; tiers lieux…) pour éviter leur multiplication et de mobiliser davantage les acteurs privés notamment en créant une fondation.

Où en est-on de la résolution de la fracture numérique ? Le pilote du plan FTHD a concédé que l’objectif fixé à 2022 demeurait loin d’être atteint. L’Agence devra faire accélérer les process internes à l’Etat. Pour autant, ce dernier a tenu à préciser que l’idée du plan restait de prendre de l’avance « car dans le domaine du numérique s’il s’agit juste de rattraper du retard, nous n’aurons jamais la capacité d’accéder aux services innovants. C'est pour cela qu’a été mise en place la fibre optique jusqu’à l’abonné ». Sur ce, interruption du modérateur par une question qui fera mouche dans la salle « la vraie fibre ? ». D’ailleurs, pour Luc Belot, le besoin actuel des administrés d’une montée en débit a le plus souvent pour réponse l’ADSL. Ce faisant, comment anticiper le moment où un débit symétrique sera absolument nécessaire ? C'est-à-dire quand l’ADSL, privilégiée aujourd’hui pour son coût, sera parvenue à ses limites techniques ? Pour le promoteur du Plan THD, il faut surtout garantir la pérennité des investissements. « La cible de notre plan de montée en débit reste le FTTH, ainsi la fibre au village installée doit être FTTH ready. Dimensionner aujourd’hui le lien de transport optique et la dalle, permettra de pouvoir basculer rapidement demain au FTTH en réutilisant cette fibre ». A sa remarque sur les objets connectés, Jean-Luc Cyrot, de Time for Growth, s’est vu aussi confirmer que le plan FTHD préconise aux collectivités de rendre leur boucle optique apte à collecter tous les flux futurs d’une ville intelligente.

Yves Rome, sénateur de l’Oise, a voulu en savoir davantage sur la réalité du déploiement dans les zones AMII par les grands opérateurs par rapport à leurs engagements. « 87 départements sont engagés dans le plan FTHD ce qui représente 10 milliards d’euros d’investissements d’ici 2020. Actuellement une cinquantaine de dossiers ont été instruits soit un engagement financier de l’Etat d’1,5 milliards d’euros ». En ce qui concerne les zones AMII, Orange tient son calendrier. En revanche SFR, racheté par Numéricable, non car jusqu’à cet été, l’Autorité de la Concurrence a gelé de nombreux investissements. Orange a d’ailleurs repris un certain nombre des engagements de SFR. Actuellement l’Agence recense les zones d’initiative privée pour qu’au niveau local soient établies des conventions de suivi des déploiements. Celles-ci permettront aux collectivités de savoir où en est l’opérateur. Le ministre a explicitement énoncé que si les opérateurs n’étaient pas au rendez-vous, la puissance publique s’en chargerait.

Quel impact de la réforme territoriale sur la politique du numérique en France ? Dans les télécoms, « Big is beautiful », Antoine Darodes ne voit que du bon au regroupement des projets, afin de rassembler les compétences et notamment peser face aux opérateurs.

Parlementaires et professionnels présents se sont enquis à plusieurs reprises des relations avec l’Union européenne et de la situation de la France en matière de couverture par rapport aux autres pays. Selon Patrick Chaize, Sénateur de l’Ain et président de l’AVICCA la France reste plutôt en recul. Et en effet, quelques chiffres sont venus corroborer son propos : fin 2012 27,1% de logements étaient éligibles au THD ; aujourd’hui 45% alors que la moyenne européenne se situe à 60%. En raison notamment de la ruralité propre à la France et donc de l’éparpillement de l’habitat qui donne une toute autre dimension à la volonté politique d’étendre le haut débit à tout le territoire. La Commission mobilise plus de 600 millions d’euros sur le plan FTHD mais valide très lentement tous les projets locaux. Cela pose d’ailleurs problème pour le décaissement des subventions de l’Etat. Enfin en matière de comparaison avec d’éventuels homologues européens, ce sont les pays scandinaves qui ont des structures se rapprochant le plus des nôtres. Notre façon de faire reste unique avec notamment l’interaction public/privé. Mais pour l’instant, tout est en gestation et l’Agence doit faire ses preuves. D’ailleurs, son fonctionnement nécessitera une petite révolution dans le fonctionnement de l’administration car souplesse fait loi : « Dans le numérique la cible est mouvante, nous devrons donc être capables de nous retirer quand un projet sera bien amorcé, pour nous déployer ailleurs».

3Le maire de Vonnas a exprimé d’autres inquiétudes  « plus franco-françaises ». Les financements promis sont-ils réellement disponibles ? Le représentant de l’Etat se veut rassurant : « l’argent est là, un fond est alimenté pour la société numérique, 900 millions d’euros et les collectivités locales décaissent, c'est la tuyauterie entre les deux qui doit être accélérée». Qu’enest-il de récupération de la TVA sur la montée en débit ? Là aussi le penseur de l’Agence est allé dans son sens. La loi prévoyait que, de 2003 à 2014, les collectivités pourraient récupérer la TVA sur les infrastructures numériques, pour lui il serait assez cohérent de reconduire cette disposition du FCTVA.

David Martinon, représentant numérique du Quai d’Orsay, a ensuite demandé un bilan de la French Tech. Antoine Darodes a affirmé que des deux étapes, la première « a largement réussi, à rassembler des gens localement, notamment en permettant à des start uppers d’être accueillis dans des accélérateurs. L’autre amorcée mais à poursuivre, consiste à continuer de « plugger », c'est-à-dire « connecter les composantes de l’écosystème numérique, start upers, grands groupes, ETI, monde industriel et commercial, en développant un certain nombre d’outils : Pass French Tech ; French Tech Ticket ; financement d’accélérateurs, bourses French Tech pour amorcer des réussites entrepreneuriales. Et très concrètement, il faut aujourd’hui sélectionner les lauréats du French Tech ticket parmi les 800 candidatures. Ce bilan a donné lieu à deux remarques générales de la part de l’intervenant : « l’échec n’est pas grave dans le numérique, il faudra que les Français apprennent la culture de l’échec » et « paradoxalement le numérique appelle à une territorialisation puisqu’il faut créer des lieux de rencontre où l’on fusionne. »david martinon

David Martinon, à la sollicitation du modérateur, a brossé un rapide portrait des problématiques de la France en matière de diplomatie numérique. Continuer de réduire la fracture numérique dans le monde et affronter les géants : « Le numérique est pour les Etats-Unis le terrain d’expression d’une nouvelle politique de puissance, assumée, cachée derrière la promotion du modèle multi parties prenantes (…) ces entreprises ont une stratégie globale mais à un moment sont nationalistes. » Défendre nos entreprises est difficile pour les diplomates français puisque « le rapport est du faible au très très très fort».

Roland Montagne, directeur du pôle télécom de l'IDATE par son questionnement sur l’attrait des fonds d’investissements, a permis au chef du plan FTHD d’annoncer des « bonnes nouvelles ». Premièrement, que les opérateurs privés aient confirmé leur ambition d’investir dans le FFTH, sur le calendrier défini, a « renforcé notre foi dans le plan ». Deuxièmement, l’attrait des grands fonds d’investissement, pour les DSP concessives de grande ampleur. (Ex : Nord-Pas-de-Calais 600 000 prises). Cela diminue considérablement la subvention publique. Ainsi, l’Agence invite les collectivités à regarder ces modèles et à se regrouper. « Que le brouillard se lève a rassuré industriels et investisseurs et le pilotage du plan au niveau étatique est apprécié par les anglo-saxons ». La nécessité de l’Agence est confirmée puisqu’elle rassure mais pour continuer d’attirer, il faut garantir la stabilisation des tarifs pratiqués. L’ ARCEP y travaille pour la fin de l’année.

A deux questions sur le lobbying des GAFA, un brin provocateur, Antoine Darodes a conclu l’échange en disant qu’il ne fallait pas avoir peur de l’étranger « on va se faire un peu bousculer mais cela permettra de libérer des énergies dans les entreprises françaises ». Luc Belot, a parachevé la rencontre en montrant que mieux relier nos capacités de financement avec nos écosystèmes est un « enjeu de confiance qui n’existe pas aujourd’hui ». Pour le député, il faut remédier au fait que de gros industriels ne soient pas capables de produire en petite quantité et les inciter à faire confiance à de nouveaux partenaires telles que des start-up.

Mise à jour le Jeudi, 10 Décembre 2015 13:25  

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