« Le passage d’une société de l’écrit à celle du son et de l’image implique de profonds changements. »
Quels avantages représentent les TIC pour le monde de l’éducation ?
Les avantages de ces nouvelles technologies sont nombreux. La concentration s’accroît, de même que la motivation, la participation et la créativité. Les TIC sont donc un bon outil pour lutter contre l’échec scolaire. Dans les milieux plus sensibles le numérique remporte d’ailleurs un franc succès car il raccroche l’élève en difficulté à l’école. Absentéisme, ennui…Bien des problèmes trouvent leur solution.
Ce rapport formule donc des suggestions pour améliorer la culture numérique des élèves comme des adultes (enseignants et des parents).
L’objectif est d’améliorer notre position nationale en matière de modèle éducatif, améliorer les résultats scolaires et de réduire l’écart entre l’école et la société.
Selon vous, implanter les TIC à l’école revient à engager une refonte du système éducatif…
Le passage d’une société de l’écrit à celle du son et de l’image implique en effet de profonds changements. D’abord, une réécriture complète des cours. Ils deviendront ainsi plus attractifs et donneront l’occasion aux professeurs de développer entre eux un mode de travail collaboratif. Cette révolution numérique impacte bien entendu la formation initiale et continue des professeurs. Mais ce n’est pas tout : la modernisation des examens va devenir nécessaire, la relation des parents avec le cadre d’enseignement sera marquée par une plus grande transparence et leur implication dans le suivi des cours. C’est pourquoi nous suggérons de généraliser les espaces numériques de travail qui impliquent davantage les parents dans le suivi pédagogique de leur enfant.
Ces nouvelles technologies auront également un impact fort sur la répartition des temps scolaire et extrascolaire. Grâce au développement des produits innovants (e-learning, e-teacher…), les élèvent passeront plus de temps à travailler chez eux avec des outils nouveaux. Tout le monde préparer cette transition.
La France est-elle en retard dans ce domaine ?
Il faut que l’Etat fasse un effort sur la partie matérielle. Beaucoup de projets ont été lancés dans les années passées. Mais une erreur a été commise : l’attention a été portée à 80% sur le matériel et de manière insuffisante sur l’immatériel : formation et accompagnement. Attention, ne renouvelons pas cette erreur. Les Anglais et les Danois, par exemple, sont déjà en train de rééquilibrer la donne.
Dans le domaine de l’éducation, l’arrivée des TIC induit le passage d’une pédagogie plus classique et frontale à un mode d’enseignement qui fait de l’élève un acteur et du professeur un metteur en scène. Un effort pédagogique important s’impose donc pour utiliser le mieux possible ces outils révolutionnaires. D’autant que les enseignants ressentent parfaitement l’écart qui s’est creusé entre la société et l’éducation. Les élèves se sont approprié la culture numérique avant eux.
Notre retard tient aussi au manque de coordination. Une de nos principales recommandations est donc d’harmoniser l’action des départements, des régions, de l’Etat et des partenaires privés en trouvant une forme de coopération et d’équité. Car nous constatons de très grandes disparités, une fracture numérique qui ne relève pas d’un défaut de moyens mais d’une différence de culture. Il y a ceux qui sont entrés dans la révolution numérique et ceux qui tardent.
Que préconisez-vous pour rattraper ce retard ?
Nous insistons sur le niveau d’équipement des établissements, qui doit maintenant s’intensifier et surtout s’homogénéiser. Mais nous souhaitons surtout rééquilibrer la répartition des efforts financiers en faveur de la formation.
Le chantier prioritaire est effectivement la formation des enseignants. Nous avons élaboré une grille allant du niveau 1 niveau 5, de l’usage le plus élémentaire des ressources numériques à la maîtrise créative des logiciels et des réseaux de communication. L’objectif est d’amener progressivement l’ensemble des enseignants au niveau 5. Nous proposons pour commencer de former 6000 bénévoles qui deviendront les “ambassadeurs du numérique“ et de créer des espaces numériques d’échange entre les enseignants pour créer les conditions d’une formation en ligne. Sur le plan financier, ce plan nécessite de réorienter 20% du budget de la formation des enseignants uniquement sur la partie numérique. Enfin, pour que l’évolution soit totale, il faut aussi repenser le mode de recrutement et les formations initiale et continue.
Quel effort financier est nécessaire pour lancer ce chantier ?
Pour donner le coup d’accélérateur nécessaire, il faut un investissement de l’ordre du milliard d’euros, les crédits pouvant être apportés par l’Etat, mais aussi par les collectivités locales et les partenaires privés. Cet investissement permettra le lancement d’un nouveau marché, aujourd’hui suffisamment mûr, qui devrait entraîner la création de près de 50 000 emplois. La TVA pourrait d’ailleurs être ramenée à 5,5% pour le numérique pédagogique.
La structure de coordination légère dont nous suggérons la création pour rassembler l’Etat, les collectivités et les partenaires privés sera nécessaire dans la mesure où les disparités entre territoires sont importantes. Dépassant la phase expérimentale, tout le monde doit avoir la même chance de développer ces nouveaux modes éducatifs.
Que vont devenir les manuels scolaires ?
Les prédictions sur la durée de leur survie sont nombreuses. Pour ma part, comme chargé de mission, je sens bien que d’ici 3 à 5 ans, ils tendront à disparaître. Les TNI (1) vont se développer, les enseignants s’attacher de plus en plus aux ressources numériques, faisant éclore eux-mêmes un nouveau marché.
Ce que nous préconisons pour l’heure, c’est de faire du bimédia, c'est-à-dire de commander autant les nouvelles ressources numériques que les manuels classiques.
* Consultez l’intégralité des propositions du rapport sur : http://missionfourgous-tice.fr/le-rapport
(1) Tableaux Numériques Interactifs
Propos recueillis par Armel Forest