Une étude de l’Université de Rennes établit que le nombre de « pirates numériques » aurait augmenté au cours du dernier trimestre 2009*. L’entrée en vigueur effective de la loi Hadopi inversera-t-elle la tendance ? Déjà les pratiques évoluent pour contourner le dispositif.
« A peine 15% des internautes qui utilisaient les réseaux Peer-to-Peer avant l’adoption de la loi Hadopi ont définitivement cessé de le faire depuis ». Le constat des chercheurs de l’Université Rennes 1 est sans ambages. Mieux encore, selon eux, le nombre de « pirates » en France aurait augmenté de 3% entre septembre et décembre, soit trois mois après l’adoption de la loi Hadopi 2. L’effet dissuasif de la loi « Création et Internet », adoptée par l’Assemblée nationale le 15 septembre dernier, semble ne pas être au rendez-vous et cela même si les lettres d’avertissement n’ont pas encore été envoyées et ne devraient pas l’être avant le printemps… Au mieux.
Les pirates s’adaptent
Les auteurs soulignent également le décalage entre la loi et la réalité du piratage. Les pirates (1) délaissent les réseaux Peer-to-Peer et se tournent vers des pratiques alternatives de piratage échappant à la loi Hadopi (2) comme le streaming illégal (allostreaming…), le téléchargement sur des sites d’hébergements de fichiers (megaupload, rapidshare,…) ou le visionnage sans téléchargement. En résumé, si le nombre d’internautes fréquentant les réseaux Peer-to-Peer a diminué, le nombre de « pirates numériques » a, quant à lui, légèrement augmenté depuis le vote de la loi. Le premier effet d’Hadopi 2 serait donc d’avoir incité certains P2Pistes à adopter de nouvelles techniques de téléchargement. « Les effets de la loi Hadopi restent pour l’instant modestes et les principaux changements de comportements portent plus sur une évolution des pratiques ou techniques de piratage numérique, que sur un arrêt pur et simple du piratage. Le piratage semble fortement ancré dans les habitudes de consommation de contenus vidéos et audios sur Internet » soulignent les chercheurs. Les repentis du piratage numérique suite à l’adoption de la loi ne représenteraient même que 5% des internautes non pirates (3). L’enquête démontre que 20% des internautes consommant de la vidéo ou de la musique visionnent des films ou des séries sur les sites de streaming alors que 14% préfèrent utiliser les réseaux de partage. Cela représenterait plus de 3 millions d’internautes qui échapperaient à Hadopi qui ne ciblerait finalement « que » 2,7 millions de Français.
Impact d’Hadopi sur l’achat en ligne
Autre volet de l’enquête, celui consacré aux achats en ligne de musiques et de vidéos. Selon les chiffres avancés, il semblerait que la moitié des acheteurs sur les plateformes légales soit aussi des « pirates » qui ne seraient pas alors des « radins numériques ». Les chercheurs vont encore plus loin. « Couper la connexion Internet des utilisateurs de réseau Peer-to-Peer pourrait potentiellement réduire la taille du marché des contenus culturels numériques de 27%. En poussant plus loin le raisonnement, une coupure de l’accès Internet de tous les pirates réduirait le nombre d’acheteurs de vidéo et de musique sur Internet de moitié » expliquent-ils. Mais peut être faut-il encore attendre les premiers envois de lettres d’avertissement pour constater l’impact réel d’Hadopi.
par Dominique Brière
* Enquête réalisée par téléphone auprès de 2 000 individus représentatifs de la population de la région Bretagne. L’étude sur : http://www.marsouin.org/spip.php?article345
(1) Les « pirates Hadopi » (14% des consommateurs) qui utilisent les réseaux peer-to-peer. Ils sont directement visés par Hadopi.
(2) Les « pirates non Hadopi » (16%) n’utilisent pas les réseaux P2P mais les sites de streaming ou téléchargent sur de sites d’hébergements de fichiers.
(3) Les « non pirates » (70%) consomment ou achètent des vidéos et de la musique sur Internet mais ne déclarent aucune activité illégale.