A l’heure où la Hadopi commence son travail contre le piratage en ligne et en faveur du développement de l’offre légale, les institutions européennes s’activent. Adopté le 22 septembre par le Parlement européen, le rapport de Marielle Gallo (1), députée européenne (PPE), doit inspirer les prochaines propositions législatives de la Commission pour défendre les droits de propriété intellectuelle. Michel Barnier, commissaire au marché intérieur, dévoilera un plan d’action à la fin du mois de novembre.
Entretien avec Marielle Gallo, députée européenne (PPE)
« Mon rapport vise essentiellement à mettre le débat du piratage en ligne sur la table »
Vos conclusions sont qualifiées de "mesures répressives". Cela vous semble-t-il justifié ?
Il convient tout d'abord de rappeler que mon rapport, qui a été voté au Parlement européen le 22 septembre dernier, est un rapport d'initiative qui vise essentiellement à mettre le débat du piratage en ligne sur la table. Mon objectif était de faire constater par mes collègues la réalité vécue quotidiennement par nos créateurs, nos PME, nos industries, nos syndicats européens.
Ceux qui ont pris le temps de lire ce document constatent qu'il ne comporte aucun préjugé sur les éventuelles sanctions pour ceux qui commettent une infraction au droit d'auteur. Aucune "mesure répressive" n'est donc préconisée. En adoptant mon rapport, le Parlement européen a invité la Commission européenne à proposer une réflexion en vue d'une stratégie complète en matière de droits de propriété intellectuelle, qui supprimera les obstacles à la création d'un marché unique dans l'environnement numérique et, en même temps, permettra l'adaptation du cadre législatif européen à l'évolution technologique.
Certains états membres comme le Royaume-Uni, la France, la Suède ou l'Espagne ont commencé à réfléchir à la problématique du piratage en ligne qui cause des préjudices économiques énormes et détruit les emplois dans les industries créatives. Le débat devait, en conséquence, être porté devant le Parlement européen aussi.
Le Parlement a-t-il été influencé par des opérations de lobbying ?
Le lobbying est une activité bien connue par les députés européens. Sur tous les dossiers que nous traitons nous recevons les points de vue parfois contradictoires des différentes associations, ONG, groupements d'intérêts. Il est manifeste que le "rapport Gallo" a fait l'objet d'une véritable campagne de désinformation tant pour nier les conséquences néfastes du piratage en ligne que pour diaboliser son contenu. Fort heureusement tous mes collègues n'ont pas été abusés par cette opération bien orchestrée.
"Mon rapport ne prévoit en rien la création d'une "Hadopi" européenne"
2. Le dispositif français mis entre les mains de la Hadopi est à première vue plus pédagogique. Y-a-t' il une plus grande fermeté de l'Europe sur ce sujet?
Il faut préciser, d'emblée, que mon rapport ne prévoit en rien la création d'une "Hadopi" européenne. Nous devons faire en sorte que la propriété intellectuelle soit effectivement protégée au sein de l'Union européenne, tout en permettant aux états membres de mettre en œuvre des solutions qui leurs soient propres à la problématique du piratage en ligne. Je rappelle que le "rapport Gallo" est un rapport d'initiative pour préciser la position du Parlement européen sur cette question. Il appartient, à présent, à la Commission européenne de déposer des propositions législatives à ce sujet.
3. Certaines associations ou ONG affirment que vous voulez dresser les fournisseurs et les ayant-droits contre les pirates en contournant le pouvoir judiciaire. Est-ce exact?
Cette allégation est fausse. Il n'y a aucune référence à ce sujet dans ce rapport et il revient à la Commission européenne de formuler des propositions législatives. En outre, il est clairement mentionné dans mon rapport que "toute mesure adoptée afin d'appliquer les DPI doit respecter la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier ses articles 7 et 8, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 6, 8 et 10, et être nécessaire, proportionnée et appropriée a une société démocratique" (paragraphe 5).
4. Pour votre part, qu'entendez-vous par lutte contre le piratage "proportionnée et appropriée à une société démocratique"?
Il ne faut pas perdre de vue que le piratage en ligne est une violation du droit d'auteur (www.wipo.int). Or, la propriété intellectuelle est aussi un droit fondamental consacré tant par l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que par l'article 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme.
Par conséquent, une société démocratique doit faire respecter les droits fondamentaux des citoyens et trouver des solutions proportionnées et appropriées lorsque des droits et des intérêts concurrents sont en jeu. En l'espèce, l'accès à Internet est compatible avec l'application des droits de propriété intellectuelle et chaque état membre décide de l'équilibre qui lui convient.
5. Ce rapport pourrait-il déboucher sur une législation?
C'est désormais à la Commission européenne de formuler des propositions législatives en la matière en vertu de son droit d'initiative, connaissance prise de la position du Parlement européen exprimée par l'adoption du "rapport Gallo.
(1) Recommandations : mise en place d’un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, sensibilisation des consommateurs, combattre les violations et défendre les DPI sur internet