Couverture en fibre optique des territoires
« La FTTH passe d’un marché de niche à un marché de masse »
Dans l’affaire de la couverture très haut-débit des Hauts-de-Seine, Bruxelles a rendu selon vous une bonne décision ?
Effectivement, c’est une décision historique. La Direction générale de la concurrence n’a pas pour habitude de faire la part belle aux interventions publiques. Ce projet est donc passé sous les fourches caudines d’une analyse très exigeante de compatibilité. Neelie Kroes s’est totalement approprié ce sujet très technique mais aussi stratégique.
C’est un double enjeu économique et sociétal qu’offre la perspective d’une généralisation de la desserte fibre optique pour tous les professionnels notamment TPE/PME et les particuliers. La modernisation des services publics et l’évolution des services marchands en ligne, l’accès de services et ressources partagés dans le réseau pour les entreprises plus modestes qui pourront bénéficier d’outils jusqu’alors réservés aux grandes entreprises. C’est aussi enfin un enjeu d’emploi dans le secteur des services numériques (2). Pour y parvenir, deux facteurs doivent se rencontrer : la neutralité des infrastructures (fibre, fourreaux…) distinctes de l’activation des réseaux et des services d’une part. Et l’effet de masse associé au facteur temps d’autre part. Si le marché des services tarde à atteindre une taille critique, notre pays va accuser un retard dommageable pour l’ensemble de son tissu TPE/PME et de plus les prochains Google ou Microsoft ne naîtront pas chez nous.
Mais le déploiement du réseau ne peut-il être assuré par l’initiative privée ?
Plus personne ne conteste que l’investissement des seuls opérateurs télécoms ne suffira pas au déploiement de la fibre. Leurs propres modèles économiques et exigences conduisent inéluctablement à d’une part restreindre la couverture du territoire et à dériver vers une cartellisation du marché bloquant ainsi l’entrée des nouveaux acteurs à même de contribuer au foisonnement des innovations et des services.
Pour autant il ne faut pas opposer investissements privés et initiative publique. Les investisseurs potentiels privés ne sont pas que des opérateurs télécoms, d’autres sont mobilisables pour des investissements de long terme à rendement limité mais garanti. De plus, l’intervention publique peut se traduire par une palette large de mesures de soutiens aux investisseurs privés et aux collectivités locales, sous réserve du respect de règles qui respectent notamment les recommandations de la Commission européenne afin d’assurer un déploiement de réseau neutre et ouvert.
C’est pourquoi le pilotage stratégique au niveau gouvernemental pour fixer un cap, des outils (3) est une bonne chose en veillant cependant à bien le coupler avec une gouvernance locale élément clé pour réussir à relever ce défi.
(1) Fiber To The Home
(2) + 10 000 à 15 000 emplois créés par an
(3) mesures de soutiens aux investissements privés et publics …