Entretien avec Anne-Marie Keiser, conseillère générale, Présidente du syndicat mixte Gironde Numérique
Quelle est la situation en Gironde ?
Le constat en Gironde est semblable à beaucoup d’autres : les territoires périurbains et ruraux, classés en zones grise et blanche sont menacés par la fameuse “fracture numérique“.
Au centre de ce territoire, plus grand département de France métropolitaine, la Communauté urbaine de Bordeaux rassemble la moitié du million et demi de Girondins. En matière d’aménagement numérique, elle a sa propre organisation. Mais pour le reste du territoire, il a fallu prendre notre destin en main et la création du syndicat mixte « Gironde Numérique » a été décidée en octobre 2007.
« Le syndicat mixte permet de veiller à la “cohérence numérique“ sur
l’ensemble du territoire départemental ».
Quel a été l’accueil des collectivités concernées ?
Le premier chantier a été de convaincre les territoires d’en devenir membre. Nous avons été entendus. 45 des 46 communautés de communes et communautés d’agglomération l’ont rejoint. La dernière entité suivra bientôt la même voie. Sur le plan juridique, l’opération a été lourde car il a fallu, dans un premier temps, que les communes transfèrent leurs compétences numériques aux communautés de communes et communautés d’agglomération. Puis que ces dernières les transfèrent à leur tour au syndicat mixte. Mais je m’en félicite presque chaque jour, car nous avons les coudées franches pour avancer. Qui plus est, la Communauté urbaine de Bordeaux et le Conseil régional d’Aquitaine étant membres associés, nous pouvons veiller à la “cohérence numérique“ sur l’ensemble du territoire et faciliter l’interopérabilité avec nos voisins.
L’intervention publique est-elle nécessaire ?
Les opérateurs ne viendront pas là où la rentabilité n’est pas suffisante. À mon sens, aucun opérateur ne se serait lancé dans la construction d’une dorsale en fibre telle que nous en concevons actuellement en Gironde. Pour financer des projets cohérents à l’échelle d’un département, l’intervention publique est indispensable. En Gironde, les financements publics s’élèvent à 50M€ en valeur actualisée sur 20 ans. Le Conseil général participe à hauteur de 40M€, le Conseil régional apporte 6,4M€. Le reste est financé par les intercommunalités membres du syndicat mixte. J’ajoute que nous attendons une contribution du FEADER. Je n’en connais pas exactement le montant, mais nous pouvons attendre une réduction d’environ 10M€ de la contribution du Conseil général.
Quel est précisément le projet de Gironde Numérique ?
Le grand projet initié par Gironde Numérique a pris la forme d’un PPP conclu avec France Télécom. Il comprend deux volets. D’une part, la couverture des zones blanches et grises en haut-débit (2Mb symétriques), grâce à l’installation de 107 NRA-ZO qui doit être achevée en octobre.
Le taux de couverture ADSL passera alors à 99,4% (90% en 2Mb symétriques). Pour les zones restantes, la solution satellite (200 € d’aide à l’installation par foyer) sera également opérationnelle en octobre.
« Certaines maisons ne se vendent pas,
des entreprises renoncent à s’installer… »
Ce progrès significatif montrera vite ses limites…
Effectivement. Nous savons déjà que, pour beaucoup d’activités, ce débit est insuffisant. Nous nous préparons donc au sujet de la montée en débit et attendons notamment des conclusions prochaines du régulateur sur l’ouverture des DNRA à davantage de débit.
Sur le terrain, on sent que le sujet interpelle beaucoup. La moindre réunion publique rassemble aisément 100 à 150 personnes. Certaines maisons ne se vendent pas en raison de problèmes de couverture. Des entreprises doivent renoncer à s’installer… Nous sommes conscients qu’il faudra davantage que 2Mb. Il s’agit d’une première avancée qui servira de tremplin pour la montée en débit, mais il nous faudra trouver de nouveaux financements et progresser davantage.
À terme, c’est la fibre optique qui s’imposera comme le principal support de télécommunications…
C’est justement l’objet du second volet du projet de Gironde Numérique. Une dorsale de 1060 kilomètres en fibre est en cours de déploiement. L’opération a débuté en septembre 2009 et s’achèvera en juin 2011. Elle permettra d’irriguer, sur tout le territoire, la centaine de collèges publiques, mais aussi les lycées, casernes, hôpitaux, antennes sociales et surtout environ 80 zones d’activité. C’est la première étape pour un futur réseau THD en Gironde.