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Home Telecom Commissaire du gouvernement au sein de l'ARCEP : "Il y a eu un problème de méthode "

Commissaire du gouvernement au sein de l'ARCEP : "Il y a eu un problème de méthode "

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Rapporteur au Sénat du "paquet Télécom 3", Bruno Retailleau revient pour le Club Parlementaire du Numérique sur le feuilleton du commissaire du gouvernement au sein de l’ARCEP. 

Pourquoi le gouvernement voulait-il introduire un commissaire du gouvernement  au sein de l’ARCEP ?    

L’objectif était double : premièrement améliorer le dialogue entre cette autorité de régulation et le gouvernement ; deuxièmement avoir une unité de traitement entre les Autorités administratives indépendantes (AAI) qui produisent des textes réglementaires et l’Etat. La logique était qu'une AAI ayant une activité réglementaire doit avoir un commissaire du gouvernement en son sein. C’est finalement un objectif institutionnel de lier plus formellement l’Etat et les AAI  ayant un pouvoir réglementaire. 

 

Pourquoi les sénateurs ont-ils  fait front commun contre le gouvernement sur cette question ? 

Il y a eu un problème de méthode ; les choses ont été un peu trop précipitées. Il aurait mieux valu qu’il y ait un débat plus général concernant l’ensemble des AAI et l’introduction de commissaires du gouvernement en leurs seins. D’abord l’amendement est venu à l’Assemblée nuitamment… Ensuite, il a été redéposé au Sénat. L’amendement est sorti le jour des vœux de l’ARCEP où le Ministre chargé de l’Economie numérique, Eric Besson, était présent. C’est ce qui a fait prendre un tour particulier au débat. Les parlementaires étaient de plus assez mobilisés. 

Pourtant, les parlementaires ne sont habituellement pas les plus ardents défenseurs de l'indépendance des AAI...

Les parlementaires voient d’un œil sceptique la multiplication des AAI et j’en fais partie. Mais il y a AAI et AAI. Quand, sur des sujets de société, on confie aux AAI des compétences quasi-juridictionnelles, je trouve que l’on va trop loin. Le juge doit être le régulateur final sur ces sujets-là. Par contre, une AAI chargée de réguler un secteur anciennement monopolistique, où l’Etat détient des parts du capital de l’ancien monopole, est tout à fait légitime ; c’est tout simplement résoudre un conflit d’intérêt entre l’Etat actionnaire et l’Etat régulateur. Je ne voyais pas d’obstacles dirimants à ce qu’il y ait un commissaire du gouvernement pour l’activité réglementaire de l’ARCEP. Je voyais cependant d’un très mauvais œil la présence de ce commissaire sur les questions de régulation asymétrique (régulation entre l’ancien monopole et les nouveaux entrants) dès lors que l’Etat est ici juge et partie. On ne peut pas raisonner sur les AAI comme s’il n’y avait qu’une catégorie d’AAI ; c’est faux il y a plusieurs catégories. Ayant une approche plutôt libérale de l’économie, je me dis que l’Etat est parfois mal placé quand il est juge et partie. Il faut un arbitre extérieur et indépendant. C’est le bon sens. La régulation à la française c’est qu’un régulateur faisant partie de l’exécutif pose des règles avec pour horizon l’objectif de concurrence mais aussi d’autres objectifs de politiques publiques comme le développement de l’investissement et donc de l’emploi ou l’aménagement du territoire. 

Racontez-nous comment les choses se  sont passées au Sénat. Vous avez essayé de trouver un compromis… 

Je voulais qu’on puisse sortir par le haut de ce débat. Je ne voulais pas de vainqueur ou de vaincu. Je voyais une forme de légitimité à ce que le gouvernement intègre un commissaire du gouvernement pour la partie réglementaire de l’activité de l’ARCEP mais je voulais y mettre des garde-fous. Le gouvernement a préféré que ce soit du « tout ou rien ». Ca a été rien… 

Que s’est-il passé lors de la CMP ? 

En commission mixte paritaire, personne n’a déposé d’amendement. Eric Besson a envoyé une lettre à Laure de La Raudière et à moi-même, les deux rapporteurs sur le paquet télécom, où il rappelait la légitimité de l’introduction du commissaire du gouvernement et où il concluait qu’il préférait un commissaire du gouvernement de plein exercice à un commissaire au rabais. 

Le ministre voudra-t-il revenir ultérieurement à la charge ? 

Je ne lui conseillerais pas…

 Il retiendra la leçon… 

Ce n’était pas une leçon. J’ai compris que la multiplication des Autorités administratives indépendantes agace le gouvernement mais c’est souvent lui-même qui propose au Parlement de les créer… 

L’histoire de cet amendement a fait oublier le texte dont il faisait partie. Qu’apporte cette transposition du "paquet télécom 3" ? 

Il y a deux ou trois ans, la Commission souhaitait aller plus loin dans la libéralisation et dans une régulation où l’objectif aurait été uniquement la concurrence… Entre temps, la crise est passée par là et nous avons dans ce texte l’affirmation d’une autre régulation. Le régulateur voit ses pouvoirs augmentés mais ce qui est intéressant, c’est que la concurrence n’est plus le seul objectif. Dans ce « paquet télécom 3 », le développement de l’investissement et donc de l’emploi entrent dans les objectifs de la régulation des télécommunications. 

Le texte consacre également pour la première fois l’objectif de « net neutralité ». Pour moi la neutralité des réseaux c’est avant tout une affaire de non-discrimination. Un amendement ajoute donc un objectif de non-discrimination. Il y a également des avancées pour les consommateurs : une plus grande transparence dans les pratiques de gestion de trafic par les opérateurs et la consécration du principe de consentement dans les pratiques de prospection commerciale (cookies) ; dans ce texte, on avance également sur la sécurité des réseaux, un sujet qui va être déterminant. On a enfin sécurisé le régime d’attribution des noms de domaine en France et mis fin à l’incertitude due à la décision du Conseil constitutionnel. Mais ce n’est pas un texte de rupture comme le « paquet télécom 1 » ou « le paquet télécom 2 » avaient pu l’être. C’est un approfondissement.

Propos recueillis par Pierre Laffon

Mise à jour le Mercredi, 06 Avril 2011 09:27  

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