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Entretien avec Emmanuelle Garault, directrice des affaires institutionnelles d'eBay France

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Emmanuel Garault, directrice des affaires institutionnelles d'eBay France, évoque pour le Club parlementaire du numérique l'actualité de son entreprise ainsi que sa vision de ce que devrait être la législation relative à Internet.

Quel regard portez-vous sur la législation en construction sur Internet (neutralité, taxe Google…) ?     

 Nous suivons avec beaucoup d’intérêt les différentes initiatives parlementaires en matière de neutralité des réseaux que nous soutenons naturellement car nous pensons que ce principe  permet de lutter contre toute discrimination sur le web. Les récentes interventions de Mme Hilary Clinton prouvent à quel point Internet est un outil de la démocratie et un média qui doit rester libre et indépendant. Nous ne pouvons que souligner la place historique que jouent internet et les médias sociaux dans les aspirations démocratiques du Moyen-Orient aujourd’hui : il est donc essentiel qu’Internet reste libre et ouvert à tous. L’enjeu est d’ailleurs bien plus démocratique qu’économique ! Quant à la « taxe Google » telle que votée par le Parlement, elle ne va toucher que les acteurs français, les acheteurs de publicité sur Internet, et donc les pénaliser au plan européen et international. Elle est d’ailleurs reportée dans son application car elle ne satisfait que très peu de monde finalement. Le gouvernement a parfaitement compris le risque en termes de compétitivité économique pour les acteurs français. Bien que nous ne soyons concernés qu’en partie par cette taxe, nous y sommes fermement opposés comme toute la profession, et en soutien aux plus petits acteurs du e-commerce qui ont plus de mal à se faire entendre et à se défendre. Cette taxe ne peut que freiner l’utilisation des outils numériques en France et décourager les initiatives donc les innovations. 

Récemment un rapport parlementaire suggérait qu’eBay soit considéré comment un éditeur de service et non comme hébergeur. Seriez-vous prêt à changer de statut pour mieux contrôler les utilisations abusives ? 

Nous avons été auditionnés par les sénateurs en septembre 2010 et nous avons pu ainsi présenter l’ensemble de nos mesures de lutte contre la fraude. Ce rapport reprend d’ailleurs l’essentiel des actions que les divers acteurs du web entreprennent pour lutter contre la fraude sur leurs plateformes. Même si malheureusement aucune mesure ne permet d’avoir un résultat parfait, la lutte contre la fraude est une priorité pour eBay, qui dispose d’un centre dédié au marché européen, qui a créé un programme de coopération avec les ayant-droits, Verified Rights Owners (VeRO), et que le rapport sénatorial salue. Notre statut juridique est fixé par le directive européenne eCommerce, et transposée en France par la LCEN (loi sur la confiance dans l’économie numérique). Ce statut pose un régime de responsabilité cohérent avec notre métier de plate-forme. Il n’est en aucun cas un régime d’irresponsabilité, comme on peut le lire régulièrement.

"Créer un statut intermédiaire entre celui d’éditeur de contenu et celui d’hébergeur, phénomène inconnu dans le reste de l’Europe, n’apporterait pas de valeur ajoutée en termes de lutte contre la fraude"

Comment luttez-vous contre les annonces illégales ?

Dès qu’une annonce illégale nous est signalée, nous sommes dans l’obligation de la retirer dans les plus brefs délais, et nous le faisons. Ainsi, 90% des annonces proposant des objets illégaux sont retirées dans les 12 heures après leur signalement. eBay prend donc ses responsabilités. En outre, nous remboursons tous les frais au consommateur qui, malgré toutes nos mesures mises en place, aurait acheté un produit illégal. Des sanctions sont également mises en place, comme le blocage des comptes par exemple. Il faut souligner qu’eBay ne tire donc aucun bénéfice de la vente de produits illégaux et investit tous les ans des millions d’euros contre ce fléau, qui dégrade notre image et qui pourrait dissuader les consommateurs d’acheter en ligne. Ce régime de responsabilité est adapté à la réalité de notre métier et il est d’ailleurs très largement retenu par la jurisprudence en Europe, qui nous qualifie d’hébergeur. Quant à la jurisprudence française, hésitante il y a encore quelques temps, elle semble désormais confirmer cette qualification. Nous pouvons ainsi saluer la récente décision de la Cour de Cassation qui reconnaît à Dailymotion le statut d’hébergeur. Nous sommes convaincus que créer un statut intermédiaire entre celui d’éditeur de contenu et celui d’hébergeur, phénomène inconnu dans le reste de l’Europe, n’apporterait pas de valeur ajoutée en termes de lutte contre la fraude. Pire, il serait source de confusion et donc un frein supplémentaire au développement du commerce en ligne en Europe en général et plus particulièrement en France.

Quel doit être selon vous le rôle du législateur en matière d’Internet ? 

Les enjeux relatifs à Internet sont majeurs en terme de compétitivité, à la fois au plan européen et international. Il nous semble que le législateur doit appréhender le phénomène Internet de façon plus positive qu’il ne le fait en France où l’on ressent une forte suspicion. eBay n’est pas seulement un acteur américain mais surtout une communauté d’utilisateurs français. Prêt de 40% des internautes français vont régulièrement faire leurs achats sur eBay et  plusieurs dizaines de milliers de vendeurs professionnels français utilisent notre place de marché pour se lancer dans le commerce en ligne. Le e-Commerce présente de vrais avantages pour les consommateurs qui peuvent acheter ou vendre dans le monde entier et en temps réel ; ils peuvent à la fois profiter des prix généralement plus bas sur Internet mais également revendre leurs produits inutilisés, ce qui leur permet d’augmenter leur pouvoir d’achat. Les  vendeurs professionnels sur eBay y voient également de réels débouchés commerciaux. En effet, ils peuvent proposer leurs produits dans les 39 pays dans lesquels notre place de marché est présente, au lieu d’être limités au marché national. eBay met à leur disposition des techniques commerciales sans qu’ils aient à investir autant que s’ils étaient seuls, et les accompagne tout le long de l’aventure. De nombreuses success stories peuvent illustrer cet engouement pour le e-commerce, au delà des chiffres de la FEVAD qui le démontrent tous les ans. Le e-commerce est donc une véritable opportunité que les pouvoirs publics doivent saisir et valoriser, tout en encadrant ses déviances, qui ne sont d’ailleurs pas le fait exclusif d’internet.  

eBay est souvent montré du doigt par les pouvoirs publics parce-que les transactions faites sur votre site en France supportent des impôts réduits qui échappent au fisc français, eBay étant au Luxembourg. Comment réagissez-vous ? Comprenez-vous la volonté du législateur d'essayer de récupérer des recettes fiscales des transactions faites en France sur Internet ?  

Si nous sommes implantés au Luxembourg, c’est pour une raison historique.  Le Luxembourg  est le premier pays en Europe à nous avoir accordé l’agrément bancaire pour PayPal. Nous avons également soumis notre candidature à la France mais la réponse n’est arrivée que tardivement. Mais indépendamment de ce choix, ce n’est pas eBay qui a décidé de maintenir une diversité fiscale en Europe, mais bien les Etats membres. Ce phénomène ne concerne pas exclusivement les acteurs américains du web, mais toutes les entreprises – y compris françaises – qui peuvent choisir leur lieu d’implantation. Plus pragmatiquement, il suffirait aux politiques français de transposer la directive TVA pour que la France puisse collecter la TVA dans le pays du consommateur. Ainsi, sans créer de nouvelles lois ni de nouveaux impôts, la simple transposition d’une directive déjà adoptée pourrait permettre à la France, 3ème marché pour eBay en Europe, de pouvoir récupérer des recettes fiscales. Il s’agit donc pour nous d’un faux procès. A l’inverse, tout nouvel impôt en France aurait pour conséquence de toucher à la compétitivité fiscale et de donner des signaux négatifs à tout créateur d’entreprise sur le web, ainsi qu’aux consommateurs français. C’est pourquoi nous avons dû lutter aux côtés de l’ensemble des plateformes présentes en France contre les ambitions de taxer la revente de produits d’occasion par exemple.

 Concernant la fiscalité des biens numériques, que pensez-vous d’une baisse - souvent évoquée - de la TVA à 5,5% ?

Nous ne sommes pas directement concernés par une telle mesure. En effet, eBay est une place de marché et donc ne vend elle-même aucun bien : nos utilisateurs  profitent de cette place de marché pour mettre directement leurs produits en vente, sans que cela ne passe jamais entre nos mains.  Mais nous soutenons naturellement toute mesure comme celle sur la TVA, favorable à la croissance du e-commerce en France.

 

 

Mise à jour le Jeudi, 24 Février 2011 09:14  

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