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Home Telecom PKM : « Créer une institution ne signifie pas qu’elle va automatiquement fonctionner »

PKM : « Créer une institution ne signifie pas qu’elle va automatiquement fonctionner »

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Pierre Kosciusko-Morizet vient de rendre son rapport au ministre en charge de l’Economie Numérique sur le Conseil national du numérique (CNN). Il répond à  nos questions sur le rapport et ses suites. Entretien.

La consultation préalable à votre rapport a attiré 90 contributeurs : la mobilisation vous satisfait-elle ?

C’est plus que ce que l’on attendait. Quasiment toutes les associations du numérique ont contribué. Plus inattendu, on a eu aussi pas mal de contributions d’entreprises et de particuliers. Ce qui est plutôt bon signe.

Le rapport devait être une synthèse de ces contributions. A le lire, on sent qu’il présente surtout votre vision de ce que devrait être le Conseil national du numérique (CNN)…   

 Il s’agit d’une vision se nourrissant des contributions et qui est la plus consensuelle possible. Mais il y avait quelques choix à faire et sur lesquels il fallait trancher. Par exemple, je tiens à l’élection des membres du CNN. Le CNN ne peut pas être représentatif car on est trop nombreux et il y a trop de courants. Mais en revanche, pour que le CNN incarne le monde du numérique, l’élection est beaucoup plus adaptée et donnerait plus de légitimité à l’organe. L’Elysée ne souhaite pas cela a priori  puisque la première composition du CNN procédera de nominations. Nous tenons à ce qu’à la fin du premier mandat des élections soient organisées. Mais l’Elysée n’est pas obligé de prendre en compte nos recommandations…  

Pour répondre à la question, « Internet doit-il être régulé ? » vous énumérez les échecs des institutions successives (conseil consultatif de l’internet, Forum des droits sur l’internet…) depuis plus de 10 ans. Est-ce la seule réponse ?

L’idée était de rappeler le contexte et de montrer que pour que le CNN fonctionne, il faut qu’on se donne du mal et que l’on y croit. Tout le monde doit faire un effort : les parlementaires, le Gouvernement, les associations et les acteurs du numérique. C’est la solution de facilité de ne pas faire d’efforts et de faire « planter » le CNN… Ce serait dommage pour tout le monde. Pour répondre à votre question, pour moi, Internet est déjà régulé. Mais il faut faire évoluer les lois avec le numérique. Cela n’est pas toujours facile et à mon avis, dans certains cas, il faut procéder à l’autorégulation. Cela implique que les acteurs continuent à se prendre en main avec l’aide des associations du numérique. La régulation n’est pas le rôle du CNN mais celui de la loi. Celle-ci doit être flexible et bien informée de ce qu’est le numérique. Si le CNN fonctionne bien il permettra ce bon échange entre le monde du numérique, le gouvernement et les parlementaires. Si on établit de bonnes conditions d’échanges et de dialogue, la loi suffira amplement à régler les problèmes.

Votre logique est assez libérale : vous souhaitez une institution légère, sans prétentions excessives…

Faire un CNN ayant autorité sur différents organes notamment sur le Parlement est vain. Le droit d’amendement étant constitutionnel, on ne va pas empêcher un parlementaire d’exercer son droit… A partir de là, ça ne sert à rien de faire semblant qu’on peut le faire. Pour moi, il faut convaincre les parlementaires, dialoguer avec eux et trouver les solutions. Il faut donc trouver un moyen de mieux dialoguer. Actuellement, le manque de dialogue nous place en situation de confrontation. C’est vrai qu’on est dans une approche plutôt libérale – même si ce n’est pas tout à fait le bon mot - et dans une logique de responsabilisation des différents acteurs. Tout le monde a intérêt au développement du numérique car cela touche le développement de l’économie française et des emplois… Une fois cela admis, on se dit qu’il n’y a pas de raison que l’on n’arrive pas à faire fonctionner ce dialogue… La sur-régulation d’un secteur qui évolue très vite ne peut pas fonctionner.

Le CNN peut-il échouer ?

Oui et c’est pour cela que mon rapport établit cette liste des institutions chargées du numérique qui ont échoué. Créer une institution ne signifie pas qu’elle va automatiquement fonctionner. Les acteurs du numérique doivent jouer le jeu pour que le CNN fonctionne. Ils réclament  un CNN depuis une dizaine d’années et ils vont l’avoir aujourd’hui. A eux de bien l’utiliser pour mieux dialoguer avec les pouvoirs publics. Maintenant, s’il y a un manque de dialogue les acteurs ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes… Le gros enjeu est désormais la reconnaissance de la légitimité du CNN. Pour cela, ses membres doivent être légitimes. J’attends la nomination de la première liste par l’Elysée avec impatience. Cette première liste sera importante. J’attends également que les premiers travaux du CNN s’organisent et que le CNN fasse autorité par des avis de bonne qualité.

Vous dites : «  Le CNN devra s’abstenir d’intervenir dans les débats législatifs en cours ».      

J’ai conscience de ne pas avoir la légitimité de dire à quelqu’un de se taire. Donc le monde du numérique ne se taira jamais. Mais la logique est de dire que le dialogue doit avoir lieu en amont car s’il se déroule pendant les débats législatifs, ce n’est plus un dialogue mais une confrontation. Aujourd’hui le monde du numérique découvre les projets de lois tard, au moment où ils sont discutés à l’Assemblée, ce qui oblige à crier fort, être un peu violent et agressif pour faire entendre sa voix et dénoncer les problèmes. La Taxe Google en est l’exemple typique : on a été obligé de crier fort pour être entendu. Si le dialogue avait eu lieu en amont, les choses se seraient passées beaucoup mieux.

D’où le pouvoir d’auto-saisine du CNN que vous proposez, pour provoquer le dialogue ?

L’idée c’est que tout parlementaire ou Gouvernement qui prévoit de déposer une loi ou de prendre un décret concernant le numérique saisisse le CNN ; mais cette obligation peut ne pas suffire. Si la saisine n’a pas lieu, alors le CNN pourrait s’emparer du sujet de lui-même. Il faut éviter que trop de  sujets passent à côté du CNN.    

Votre rapport est rendu. Quelle est la prochaine étape ?

A priori, la suite du processus aura lieu courant mars avec deux décrets : l’un fixant les missions et le mode de gouvernance du CNN, l’autre nommant la première liste des membres du CNN.

Savez-vous qui présidera ce CNN ?

Non. Je n’aimerais pas être à la place de l’Elysée car ce n’est pas facile de faire un casting.

Vous ne souhaitez pas faire partie du CNN. On sent cependant un certain attrait pour la chose publique de votre part. D’autres missions de ce style vous intéresseraient-elles ?

Non. Je ne veux plus rien faire dans ce domaine. Je veux me consacrer au développement de Price-Minister en Europe et ensuite faire de la musique. Dans le cas du CNN, c’était mon devoir de citoyen de répondre à une demande et à un appel. Pour ce rapport, j’ai pu écrire ce que je voulais. Ayant du mal à ne pas faire les choses à fond, j’ai peur qu’en entrant en politique je veuille monter le plus haut possible. Mais pour grimper il faut faire des compromis. Or, je n’aime pas faire des compromis et je sais que je serais en même temps frustré de ne pas grimper… La politique ce n’est pas pour moi. L’entrepreneuriat et la musique sont plus adaptés à ma personnalité.

Propos recueillis par Pierre Laffon

 © J-P Baron

Mise à jour le Vendredi, 04 Mars 2011 11:55  

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