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Home Telecom Séverin Naudet : "La gratuité des données est le meilleur choix pour l'Etat et la croissance"

Séverin Naudet : "La gratuité des données est le meilleur choix pour l'Etat et la croissance"

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A la fin de l'année, la plateforme data.gouv.fr devrait voir le jour et permettre l'accès libre à des données publiques. Séverin Naudet, directeur de la mission Etalab et artisan de ce chantier, explique pour le Club Parlementaire du Numérique les enjeux de l'Open Data.

Comment la mission ETALAB est-elle née ?

Nathalie Kosciusco-Morizet, qui a toujours un temps d’avance, a fait un voyage d’étude aux Etats-Unis, lorsqu’elle était secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, au moment où Barack Obama lançait data.gov. A son retour, nous avons commencé à travailler ensemble sur le projet. C’était d’ailleurs une des principales propositions du rapport de Franck Riester. Le Président de la République a fixé le cap. Le Premier ministre a créé en février dernier ETALAB, qui sous son impulsion et son autorité coordonne l’ensemble des administrations pour permettre l’ouverture des données.  

La première version de data.gouv.fr est très attendue…

Oui, les attentes sont très fortes. Ce que l’on peut attendre de la première version, c’est ce que l’on peut faire techniquement en si peu de temps. Nous avons discuté avec tous les acteurs concernés pour développer un outil qui réponde le plus aux besoins de chacun : associations citoyennes, PME, grands groupes, administrations, militants de la transparence… L’Open Data réunit des mondes ayant des intérêts différents à l’ouverture des données publiques.    

Quelles seront les étapes suivantes ?

Etalab contribue à l’animation de la communauté de l’Open Data en organisant notamment des concours de jeux de données en partenariat avec l’écosystème du web et les entrepreneurs. C’est ce que l’on a constaté dans les autres pays qui se sont engagés dans l’ouverture des données : « l’allumage » ne suffit pas il faut contribuer à insuffler une dynamique. Les versions suivantes de data.gouv.fr permettront l’automatisation de la collecte de données, l’échange avec l’écosystème via un module collaboratif, la mise à jour automatique des données… Etalab développera quelques services ou applications à partir des données comme les américains ont pu le faire sur le plan de relance (recovery.gov)

Quand en saura-t-on plus sur ces services et applications ?

Dès la mise en ligne du portail, en décembre. Le recensement et la collecte sont en cours. Nous souhaitons développer des services de visualisation de données assez simples pour commencer. Cela  peut concerner des thématiques très différentes : les finances publiques, la sécurité routière, la qualité de l’eau… La collecte puis le développement demandent du temps. Des services comme « Recovery » peuvent prendre plusieurs mois à réaliser.

L’Etalab va-t-il s’agrandir ?

Etalab ressemble pour l’instant à une « startup » : une équipe de 8 sur un même plateau ainsi qu’une dizaine de développeurs. Je suis concentré sur la tâche immédiate qui est immense.On verra pour la suite.

Quels sont vos rapports avec la CADA et l’APIE ?

La CADA est une autorité administrative indépendante. Elle est saisie essentiellement lors de difficultés à l'accès des documents administratifs. De ce point de vue leur expertise est précieuse. La mission de l’APIE est de conseiller Bercy pour la valorisation du patrimoine immatériel de l’Etat ; de ce point de vue leur expertise est complémentaire mais en réalité assez éloignée de l’Open Data.  

"Aujourd’hui l’administration ne produit pas suffisamment les données dans des formats ouverts, interopérables et réutilisables"

Les données sur data.gouv.fr seront-elles gratuites ?

Oui. Rendre accessibles les données publiques librement et gratuitement doit permettre la  création de valeur et de richesse. Les entreprises investiront pour développer des services et des applications à partir de ces données en créant alors de l’activité économique, ce qui procure naturellement des ressources nouvelles pour l’Etat. La gratuité des données est en conséquence le meilleur choix pour l’Etat et la croissance du pays. Lorsque la ville de Washington a ouvert ses premières données, les entreprises ont investi en quelques semaines environ 3 millions de dollars en créant une cinquantaine de nouveaux services utiles pour tous. La Commission européenne évalue à plusieurs dizaines de milliards d’euros le potentiel du marché de la réutilisation des données publiques par an dans la communauté.

Quelles sont vos contraintes techniques ?

Aujourd’hui l’administration ne produit pas suffisamment les données dans des formats ouverts, interopérables et réutilisables. Il faut que cela change, ça prendra du temps. C’est un mouvement de fond...

Quelles sont les administrations les plus concernées ?

Elles le sont toutes et je note qu’il y a un engagement très fort de toutes les administrations. Valérie Pécresse et Eric Besson viennent de rappeler l’importance du travail engagé.

Quelles sont les données les plus attendues ?

Les données budgétaires font l’objet d’attentes particulières, ce qui est logique dans la période dans laquelle nous sommes.

N’est-ce pourtant pas une des administrations les plus réticentes à ouvrir ses données ?

L’administration française est enthousiaste à l’idée d’aller vers une administration numérique moderne. Mon expérience à Matignon sur la réforme de la e-administration m’a ôté tous mes préjugés. L’administration a compris depuis longtemps l’intérêt  d’un outil numérique comme l’Open Data qui peut mettre en lumière leur travail.

A-t-on un retour sur l’utilisation de l’Open Data à l’étranger ?

Le mouvement est à la fois récent et très rapide. Il y a eu beaucoup d’applications développées par les Etats et les acteurs de la société civile aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Les exemples de Recovery.gov (qui permet de savoir rue par rue, Etat par Etat quel projet a bénéficié des subventions de leur plan de relance) et « Where does my money go » sont de bons exemples. Il y a eu beaucoup d’autres applications comme celle du Royaume-Uni qui cartographie les accidents de vélo dans le pays. On repère ainsi les endroits dangereux afin de prévenir les accidents.

"Les bénéfices démocratiques et économiques de la réutilisation des données publiques sont infinis"

Des applications sur la qualité de l’air, de l’environnement et des transports ont été conçues. Je ne suis pas sûr que l’utilisateur final de ces applications sache très bien  encore que c’est le fruit de la réutilisation des données publiques… Mais le fait est que ces services vont contribuer à transformer nos sociétés.

Pourquoi sensibiliser les élus locaux ?

Parce que les bénéfices démocratiques et économiques, ainsi que l’amélioration de l’attractivité des territoires grâce à la réutilisation des données publiques sont infinis. Mais il faut passer parfois la  barrière technique alors qu’il s’agit de vie pratique et de services très concrets !

Sont-ils obligés de passer par Data.gouv.fr pour mettre leurs données en ligne ?

Data.gouv.fr sera une plateforme ouverte. Chaque collectivité peut, si elle le souhaite, ouvrir ses données sur cette plateforme. Le développement de ce type d’outils nécessite un investissement technique et financier qu’une petite collectivité ne peut pas toujours s’offrir…  Ouvrir ses données sur notre plateforme data.gouv.fr, c’est aussi s’assurer une certaine visibilité. Je souhaite que le maximum de collectivités mettent en ligne leurs données sur data.gouv.fr.

En quoi l’Open Data peut-il intéresser les élus ?

De manière générale, les technologies et les nouveaux usages créés par Internet ont renforcé l’exigence de transparence démocratique. L’ouverture des données publiques contribuera à éclairer le débat public avec des données objectives contre des idées a priori.  

Quels sont vos liens avec le Conseil National du Numérique ?

Gilles Babinet, Président du CNN, a fait de l’Open Data sa priorité. Je m’en réjouis et nous avons de nombreux échanges. Nicolas Voisin et Giuseppe di Martino, membres du CNN, s’intéressent aussi de près à l’Open Data. La création du CNN est très importante pour que les professionnels du numérique et les pouvoirs publics soient dans un dialogue constant.

Propos recueillis par Pierre Laffon

 

Mise à jour le Jeudi, 01 Septembre 2011 16:20  

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