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Home Telecom "Le CSA est le régulateur de contenu ayant le plus de pouvoirs en Europe" (2/2)

"Le CSA est le régulateur de contenu ayant le plus de pouvoirs en Europe" (2/2)

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Après une première série de question sur l'actualité récente de l'audiovisuel, Michel Boyon a accepté de répondre à nos questions plus générales sur le rôle du CSA et sa vision de l'audiovisuel français.

Récemment, une autorité administrative indépendante, la Halde, a été supprimée. Le CSA peut-il subir une telle remise en question ?

Votre question me fait sourire. Dans les huit jours qui ont suivi la création du CSA en 1989, des journaux sérieux prédisaient la mort prochaine de l’institution ! Je constate que le CSA a maintenant plus de 22 ans. Il a survécu à toutes les alternances, présidentielles et parlementaires. Jamais on n’a remis en cause son statut, son mode de composition ou ses attributions. Au contraire : quels que soient les gouvernements et la majorité en place, on n’a pas arrêté d’enrichir les compétences du CSA. Le discours sur l’indépendance du CSA est une question récurrente. Quand la gauche est dans l’opposition, elle remet en cause son indépendance. La droite fait de même ! Je défie quiconque de trouver une décision qui serait le reflet d’un manque d’indépendance. Jamais je n’ai reçu d’une autorité politique quelle qu’elle soit la moindre demande, sollicitation ou intervention. Jamais, jamais, jamais. Je le certifie. Je mets naturellement de côté les interventions des parlementaires qui se plaignent que tel territoire ne soit pas suffisamment couvert par la TNT : ce n’est pas une pression politique ! Ce sont les parlementaires qui ont voté la loi selon laquelle la TNT devait être reçue par 95% des Français !

Vous considérez vous comme le « gendarme de la télévision » ?

J’adore la Gendarmerie nationale, mais je n’aime pas l’appellation gendarme car elle donne au travail du CSA une connotation répressive. C’est vrai que nous devons parfois infliger des sanctions, mais l’essentiel de notre activité est d’organiser les fréquences pour la radio et la télé, d’en attribuer l’exploitation à la suite d’appels à candidatures, de suivre les programmes et d’assurer des missions sociétales ou culturelles que les lois nous ont attribuées successivement. Oui, le CSA sanctionne quand il y a un manquement ou une infraction, mais le nombre des sanctions que nous infligeons est très faible. Les chaînes ne sont pas animées par des anges, mais la quasi-totalité des problèmes sont traités avant la diffusion des programmes. Le CSA est très ouvert sur l’extérieur. Il n’est pas dans un bunker. Il travaille en permanence avec les professionnels. Il y a un échange permanent entre le CSA et les chaînes.

 

 

 

L'affaire Sud Radio vous a-t-elle surpris ?

 

  On ne pouvait pas prévoir ce que les animateurs allaient dire à l’antenne. Le comportement de l’un d’entre eux a été une infraction. Nous avons donc adressé à la station une mise en demeure de ne plus commettre le même manquement et j’espère qu’on en restera là.

« Le CSA a une immense originalité. Il est le seul régulateur de contenus en France, et celui qui a le plus de pouvoirs en Europe »

Si l’infraction est renouvelée, le processus de sanction pourra être engagé. C’est la procédure prévue par la loi : la mise en demeure, c’est-à-dire l’injonction de ne pas recommencer, puis la procédure de sanction en cas de récidive.

Comme pour la Halde, ne pensez-vous pas qu’il y ait des effets pervers aux poursuites ?

Que les dirigeants de Sud Radio aient cru que la provocation pouvait attirer des auditeurs, je ne peux pas l’exclure. Mais il serait dangereux de rester inerte devant de tels agissements. Nous risquerions un déferlement de propos racistes, antisémites, d’incitations à la haine et à la discrimination. Notre avertissement est pour le moment bien compris par Sud Radio. Ma conviction, c’est qu’on ne peut pas transiger sur les valeurs qui constituent le socle de notre République. Il faut être inflexible. C’est un devoir.

Que pensez-vous des propositions de fusion du CSA avec l’ARCEP et l’ANFR ?

Ce sujet est très mal abordé. Cessons de privilégier les approches par les structures et les organisations. Ce qui compte, ce sont les stratégies et les objectifs. Le CSA a une immense originalité. Il est le seul régulateur de contenus en France, et celui qui a le plus de pouvoirs en Europe. Chaque fréquence attribuée à une radio ou à une télévision l’est pour un programme déterminé.

Le cœur d’activité de l’ARCEP relève des questions de concurrence liées aux réseaux. L’ANFR assure, quant à elle, des missions de gestion et de contrôle sur les réseaux. Comme vous le constatez, il s’agit de trois métiers très différents. Ceci ne nous empêche pas de travailler étroitement ensemble pour gérer au mieux le parc de fréquences.

« J’ai toujours dit qu’il était indispensable d’avoir des groupes français capables de résister à la concurrence des groupes étrangers et d’investir dans d’autres pays »

Y a-t-il un phénomène de concentration dans le paysage audiovisuel ?

La situation économique a changé depuis le lancement de la TNT. La télévision est concurrencée par d’autres offres, notamment celles venant d’Internet. Il est donc normal qu’il y ait des mouvements de concentration. J’ai toujours dit qu’il était indispensable d’avoir des groupes français capables de résister à la concurrence des groupes étrangers et d’investir dans d’autres pays. Nos chaînes sont encore peu présentes à l’étranger. Il faut donc des groupes plus structurés et plus importants.

La concentration n’est-ce pas un risque pour la diversité de l’offre que vous défendez par ailleurs ?

Oui d’une certaine manière, mais il faut distinguer la pluralité des groupes et celle des chaînes. Si l’augmentation du nombre des chaînes n’est pas un objectif en soi, il faut répondre à l’attente des téléspectateurs, donc introduire de la diversité. S’agissant de la pluralité des groupes, le phénomène de concentration que l’on constate dans la télévision depuis quelques années est normal, comme dans tous les secteurs de l’économie. Il n’y a pas de menace sur le pluralisme, et le régulateur y veille. Il existe des règles très précises et efficaces sur la concentration. L'actualité montre bien que l’Autorité de la concurrence et le CSA savent dire ce qu’il y a lieu de dire quand la concentration n’est pas effectuée comme ils le souhaitent.

Est-ce que le rachat de deux chaînes de la TNT par Canal+ contente votre souhait de voir émerger un grand groupe audiovisuel?

C’est au collège du CSA de s’exprimer sur le sujet quand il aura tous les éléments d’appréciation. En première analyse, cela ne me paraît pas contradictoire avec ce souhait de voir se développer de grands groupes. Mais très vite la question des conditions, des réserves, des restrictions se posera.

Vous écriviez dans votre rapport de 2002 que « le marché publicitaire sur-réagit à une baisse ou une hausse de l’activité économique ». Ne sommes-nous pas à la veille d’une grande crise de ce marché qui risque de compromettre l’avenir du paysage audiovisuel ?

Je ne le crois pas. Effectivement, le marché publicitaire suit l’activité économique avec toujours une sur-réaction d’1 ou 2 %. Je ne peux pas prévoir le rythme de l’activité économique, mais la croissance reviendra un jour ou l’autre, et le marché publicitaire suivra.

Ces dernières années, la publicité à la télévision a bien résisté. Sa part dans le marché publicitaire global est restée stable, à 33%. Les évolutions se sont faites au détriment de la presse et de l’affichage, mais aussi de la radio. Le cinéma va probablement connaître une forte progression grâce à la numérisation des salles : c’est un retournement complet.

Propos recueillis par Pierre Laffon  

Mise à jour le Vendredi, 29 Juin 2012 10:31  

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