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Laure de La Raudière : "Donner aux collectivités des moyens de faire pression sur les opérateurs"

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Auteur avec Corinne Erhel d'un rapport d'évaluation de la loi Pintat (visant à réduire la fracture numérique), Laure de La Raudière dévoile pour le Club les grands axes de son travail. Principale revendication : donner aux collectivités les garanties de déploiement de la fibre par les opérateurs. Entretien.

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Quelle est la situation du déploiement du Très Haut Débit ? 

Ce sujet est devenu politique. Le cadre mis en place est finalement tout récent. L’ARCEP vient de prendre encore différentes dispositions. Les collectivités territoriales ne sont pas toujours satisfaites car la position européenne est celle d’une concurrence par les infrastructures. Sur une zone dense, les collectivités ne sont donc pas certaines de ne pas avoir de concurrents. Cette concurrence par les infrastructures signifie également que l’opérateur national unique - que le PS propose - est un vœu pieux car ce n’est possible que si tous les acteurs (opérateurs, collectivités, Etat) se mettent d’accord. Pour être conforme au droit européen, un opérateur doit pouvoir déployer sur les zones qu’il souhaite même s’il n’y a pas d’accord avec la collectivité. C’est pourquoi l’Etat a demandé aux opérateurs de déclarer les zones où ils souhaitaient déployer dans un calendrier donné (d’ici 2015). Le programme national "Très haut débit" invite les collectivités à investir dans les zones qui n’intéressent pas les opérateurs. Ce système a pour avantage d'éviter le déploiement de plusieurs réseaux mais les collectivités ont peur que les opérateurs ne tiennent pas leurs engagements de déploiements.

Comment remédier aux craintes des collectivités sur le déploiement de la fibre ?

Nous préconisons dans le rapport de donner aux collectivités des moyens de faire pression sur les opérateurs pour s’assurer qu’ils mènent bien le déploiement. Parmi ces moyens, l’ARCEP propose que les collectivités fassent des appels d’offres pour les Réseaux d’Initiatives Publiques (RIP) avec un lot optionnel sur la partie du territoire où l’opérateur a manifesté son intention de déployer. Si l’opérateur ne tient pas son engagement sur le RIP, il y a défaillance de marché et la collectivité peut alors récupérer le lot optionnel. C’est une méthode assez opérationnelle… La deuxième proposition, qui ne plaît pas trop aux opérateurs, est la suivante : si les opérateurs ne respectent pas leurs engagements, il pourrait être judicieux d’instituer un prélèvement (égal au montant que les opérateurs avaient envisagé d’investir sur cette zone) afin de financer le déploiement de réseaux publics sur les zones qu’ils s’étaient engagés à couvrir. Les collectivités ont besoin d’une meilleure visibilité. 

« Il faudra de la fibre pour tout le monde.

Les collectivités doivent en avoir conscience. »

Les collectivités sont-elles trop frileuses ?

Nous avons désormais un cadre en place qui a été long à instaurer. Le rôle des collectivités est d’aller dans les zones peu denses, mal couvertes en Haut Débit. Les zones ayant le plus besoin de la fibre sont les zones rurales. Dans les centres urbains, le bon réseau haut débit suffit souvent pour le moment. Si les opérateurs ne tiennent pas leurs engagements sur les zones rentables, les collectivités récupéreront ces zones ensuite. N’ayons donc pas peur d’aller dans les zones peu denses !

Dénoncez-vous la « simple » montée en débit ?

La montée en débit a son utilité si elle est faite rapidement dans des territoires très mal couverts. Il est vrai cependant que nous dénonçons les schémas directeurs à échéance de 2025 qui prévoient des simples montées en débit. Notre pari c’est qu’il faudra de la fibre pour tout le monde. Les collectivités doivent en avoir conscience.

Quel est le coût de la couverture du territoire en THD ?

Personne n’est d’accord sur cette question. L’ARCEP chiffre à 21 milliards et le cabinet d’Eric Besson à 25 milliards. Pour Christian Paul, c’est 35 milliards. Il ne faut pas s’étonner de la difficulté du chiffrage : nous avons en zones rurales que 6 expérimentations. Il faut maintenant avoir des chiffres au niveau national. Ce doit être autour de 25 milliards. 10 milliards financés par les opérateurs, le reste par l’Etat et les collectivités. En 2012, l'Etat doit clarifier son engagement pour ce déploiement ainsi que sur la péréquation qu'il compte mettre en place... L’argent actuel dans le FSN permet de couvrir les engagements jusqu’en 2013. L'Etat doit également renforcer sa gouvernance de ce déploiement.

La loi Pintat a instauré un Fonds d’Aménagement Numérique des Territoires (FANT) qui n’est toujours pas alimenté. Faites-vous des propositions ?

Non. Nous nous contentons de dire qu’il faut l’alimenter. A quelques mois des échéances électorales, c’est aux candidats à l’élection présidentielle de définir les modalités.

"Les JEI savent que c’est moi qui me bats

 depuis novembre 2010 sur ce sujet"

Quelle est la situation de la couverture du territoire en TNT ?

La loi Pintat visait surtout le déploiement de la fibre. Mais cette loi a servi de support législatif pour prendre certaines dispositions juridiques lors du passage de l’analogique au numérique. Proportionnellement, nous avons un gain de couverture de 0,7 % par rapport à ce qui était prévu. Seul un département a été moins bien couvert que ce qui était prévu pour l’instant. Cette bonne situation, les parlementaires de l’Assemblée nationale n’y sont pas étrangers puisque nous avons adopté un amendement qui donne au CSA le pouvoir d’ordonner l’augmentation de la puissance des émetteurs.

Quelles ont été les retombées de votre tribune sur Rue89 [Dans cette tribune, Laure de La Raudière conteste les nouvelles revendications de trois syndicats professionnels représentant les producteurs, éditeurs et les distributeurs de vidéos. Ceux-ci viennent en effet de déposer une plainte demandant au juge de faire bloquer un site streaming] ?

Certains disent que je suis sensible aux arguments des opérateurs mais c’est mon coup de gueule personnel. Que les ayants-droits souhaitent assigner les opérateurs à bloquer les sites illégaux, c’est leur droit. En revanche, l’ampleur de l’assignation qu’ils réclament est surprenante. Ils veulent mettre en place un système automatisé de détection de toutes les applications des sites illégaux et avoir des agents assermentés qui stoppent automatiquement ces sites dupliqués, sans passer par le juge !

Ça n’est pas très correct de leur part vis-à-vis de la majorité qui a pris des risques politiques pour soutenir les ayants-droits avec Hadopi !

Avez-vous définitivement gagné la bataille du statut des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) ?

Le nouveau statut des JEI, voté à l’Assemblée, est équilibré. J’espère que le Sénat va l’adopter tel quel et pas selon le système de Nicole Bricq qui préconise un retour au  système initial. On éviterait ainsi que ce point aille en CMP.

Les socialistes (dont Fleur Pellerin, chargée du numérique dans l'équipe de François Hollande) tentent-ils de récupérer le bénéfice politique de ce statut ?

C’est quand même gonflé de la part de Fleur Pellerin de mettre au crédit des socialistes du Sénat le rétablissement du statut des JEI. C’est de la politique politicienne. Qu’elle dise ce qu'elle veut mais tous les JEI savent que c’est moi qui me bats depuis novembre 2010 sur ce sujet !

Propos recueillis par Pierre Laffon

Mise à jour le Mardi, 20 Décembre 2011 14:14  

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