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« Taxe Google », le retour ?

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altSix mois après la suppression de la « Taxe Google », le président de la commission des finances du Sénat, Pilippe Marini (UMP, Oise) souhaite remettre le thème délicat de la fiscalité du numérique dans les débats. Il exprime pour la première fois les contours d’une fiscalité international du commerce du numérique…

Pourquoi remettre la fiscalité du numérique dans les débats et quel est le contenu de votre prochaine proposition de loi ? Y abordez-vous le problème du financement de la culture ?  

Sur ma proposition, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, le Parlement a institué une taxe sur les services de publicité en ligne égale à 1 % du montant de la prestation. Même si le rendement fiscal devait être très modeste, tout au plus 20 millions d’euros, et si cette taxe a été supprimée, en juin dernier, avant son entrée en vigueur prévue pour le 1er juillet 2011, cette initiative aura eu pour principal mérite de faire entrer dans le débat public la question de la fiscalité numérique. En effet, il s’agissait d’une première proposition destinée à répondre concrètement au souhait du Président de la République de lutter contre l’évasion fiscale engendrée par les grandes multinationales de l’Internet et du commerce électronique. Je constate qu’aujourd’hui, tous les professionnels du secteur, qu’il s’agisse des opérateurs télécoms ou du conseil national du numérique, s’accordent sur le danger que représente cette concurrence déloyale. Aussi, je ne peux que me féliciter de cette prise de conscience dans des secteurs aussi sensibles que l’information et la communication. De mon point de vue, l’enjeu dépasse très largement celui du financement de la culture, car la croissance prodigieuse du commerce électronique met, par les volumes en jeu, principalement en danger les recettes de l’Etat.

"Je suis en train d’organiser pour le premier trimestre 2012 un colloque international consacré à ces sujets et j’y exposerai, avec la participation de professionnels, mes nouvelles orientations."

Si votre proposition passe par la TVA, le débat n’est-il pas risqué ?

S’agissant de la TVA, attendons 2015, année à partir de laquelle elle sera facturée dans le pays du consommateur. La question de l’impôt sur les sociétés est en revanche plus préoccupante, car la dématérialisation des créations de richesse remet en cause les fondements mêmes de cet impôt : le principe de territorialité, la localisation des revenus, la notion d’établissement stable. Je suis en train d’organiser pour le premier trimestre 2012 un colloque international consacré à ces sujets et j’y exposerai, avec la participation de professionnels, mes nouvelles orientations.

Dans un contexte de compétition fiscale, comment arriver à imposer les multinationales du numérique installées dans des pays plus avantageux?  

La réflexion sur la fiscalité du commerce électronique doit se poursuivre et la perspective d’une proposition de loi dans le domaine doit servir d’aiguillon à la créativité juridique des acteurs du numérique. A ce stade, j’ai noté que Gilles Babinet, président du CNN, était favorable à la création d’un statut d’établissement virtuel stable en Europe afin que les entreprises soient taxées selon un pourcentage de la valeur ajoutée en France. Les professionnels du secteur ont tout intérêt à se saisir de cette réflexion et à l’élever au niveau européen.  

"La part de la négociation internationale demeure importante, même si elle ne doit pas être un prétexte à l’inaction"

 La crise de l’euro montre que la concurrence fiscale entre Etats partageant la même monnaie est une voie sans issue face à des groupes dont les critères d’implantation au Luxembourg ou en Irlande reposent quasi-exclusivement sur un principe d’optimisation fiscale. C’est pourquoi, la part de la négociation internationale demeure importante, même si elle ne doit pas être un prétexte à l’inaction. Il faudrait modifier les règles de l’OCDE et de l’Union européenne afin de taxer le chiffre d’affaires, plutôt que les bénéfices, afin de recouvrer l’impôt directement sur l’acheteur, et non sur le vendeur, pour assurer des recettes fiscales aux Etats où réside la création de valeur et non à ceux où sont domiciliés les groupes. En l’état actuel du droit, toute initiative tendant à relocaliser unilatéralement en France des revenus déclarés dans un autre Etat se heurterait à nos engagements internationaux.  

Avez-vous le soutien de l’UMP ? Qu’en pensent Jean Arthuis et les socialistes (notamment Nicole Bricq) ?

Cet enjeu est vital et, à l’époque, mon initiative improprement qualifiée de « taxe Google » avait recueilli, dans son principe, une large approbation du Sénat. Le développement du commerce électronique est un thème transversal qui doit transcender les clivages politiques et contribuer à l’équilibre des finances publiques.  

Récemment dans une tribune du Monde, les opérateurs télécoms dénonçaient une surfiscalité de 25 % du secteur du numérique par rapport au reste des entreprises. Qu’en pensez-vous ?  

L’inquiétude des opérateurs télécoms est légitime car ils doivent faire face à un défi majeur qui est celui de l’équipement de notre territoire en réseaux à haut et très haut débit. Par ailleurs, je partage leur préoccupation quant à la multiplication des taxes affectées au cinéma, à l’audiovisuel public ou aux droits d’auteurs. Comme eux, je pense donc qu’il faut définir une nouvelle fiscalité du numérique qui inclut les géants mondiaux de l’Internet afin de ne pas peser exclusivement sur les acteurs français. En effet, ces entreprises ne doivent plus pouvoir réaliser de bénéfices dans les pays où la forte demande intérieure s’explique notamment par la qualité du modèle de protection sociale, et ne pas contribuer au financement de ce modèle.

Propos recueillis par Pierre Laffon, photo de Jean-Pierre Baron

Mise à jour le Mercredi, 21 Décembre 2011 10:25  

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