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Home Telecom Un déploiement du THD « désastreux » selon Alain Rousset

Un déploiement du THD « désastreux » selon Alain Rousset

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alt Président de la région Aquitaine et député de la Gironde, Alain Rousset qui préside également l’Association des régions de France, est chargé de la production, de l’industrie, de l’agriculture et de la pêche au sein de l’équipe de campagne de François Hollande. Il dispose également d’un avis aiguisé sur les thématiques numériques. Entretien. 

Quelle est votre analyse du déploiement du Très Haut Débit en France ?

Nous avons aujourd’hui une aggravation de la fracture numérique. Le bilan est désastreux. Or le numérique est une condition élémentaire du développement économique. Parmi les premières exigences d’implantation d’une entreprise, l’accès au numérique est essentiel. C’est aussi une condition de l’excellence scientifique, sociale, technologique, médicale… L’accès au très haut débit est une exigence de l’aménagement du territoire et de la démocratie.

La droite a toujours privilégié le laisser-faire. Les dernières décisions favorisent les zones denses et laissent aux collectivités et à l’Europe le soin du déploiement du Très Haut Débit ou de la montée en débit.

« Le FANT, c’est un peu Fantômas… »

Nous n’avons pas encore le début du commencement d’un modèle économique. Le fonds d’aménagement du territoire (FANT), créé en 2009, n’est toujours pas abondé. Le FANT, c’est un peu Fantômas…

900 millions d’euros ont quand même été débloqués dans le cadre des investissements d’avenir…

Non seulement, ça n’est pas suffisant mais il faudrait trouver une ressource pérenne et considérer que l’aménagement numérique du territoire est une condition de survie industrielle.

« Il faudrait un plan d’urgence de résorption de la fracture numérique au niveau du Haut Débit »

Que faire ?

L’idée serait d’avoir un véritable service public d’accès à Internet qui prendrait la forme d’un plan de déploiement de la fibre qu’il faudrait mettre en place dans la prochaine décennie. Mais avant, il faudrait un plan d’urgence de résorption de la fracture numérique au niveau du Haut Débit. Il faut en plus créer un fonds de soutien numérique des territoires à partir d’une recette qui pourrait provenir de 60 centimes d’euros par mois sur les abonnements fixes et mobiles, sur le modèle de l’éco taxe, qui permettrait de récolter 430 millions d’euros par an. Au même titre que l’eau, internet est un bien public.

Les opérateurs peuvent mettre 14 milliards (en comptant l’achat des prises). Il faut trouver autant de ressources publiques, en période de crise budgétaire. Mais c’est une piste de sortie de crise et de relance de la croissance car ce sont des investissements économiquement, territorialement et socialement très rentables.

Il faut mettre en place une régulation qui intègre la notion d’aménagement du territoire. Toutes les collectivités sont à la manœuvre mais il faudrait donner à la région la mission de coordination.

« Nos impôts financent les zones non rentables et le secteur privé, abondamment subventionné par ailleurs, se contente des zones rentables »

Nous devons réfléchir aussi à une contribution fiscale des opérateurs qui bénéficient aujourd’hui de rentes… J’avais proposé il y dix ans, la séparation des réseaux et des services pour France Telecom. Ça n’a pas été fait et je le regrette.

Les opérateurs privés sont pourtant indispensables pour assumer les investissements colossaux nécessaires au déploiement de la fibre (entre 20 et 30 milliards d’euros).

Actuellement, les opérateurs interviennent dans les zones rentables et laissent aux collectivités les zones non denses, là où le coût marginal est 10 fois supérieur. Nos impôts financent les zones non rentables et le secteur privé, abondamment subventionné par ailleurs, se contente des zones rentables. C’est un classique de la droite : la richesse est privatisée et c’est l’impôt qui finance les zones les plus coûteuses (c’est comme pour les hôpitaux et les cliniques).

Comment l’Etat peut-il reprendre la main ?

Je propose la création d’un établissement public pour redistribuer les contributions publiques. Aujourd’hui le taux de subvention de l’Etat est insuffisant. Il doit augmenter.

Actuellement, les régions sont un peu tenues à l’écart…

Les régions essayent de fédérer les initiatives et accompagnent financièrement les déploiements de la fibre et de ses alternatives (montée en débit, technologie radio, satellite…) mais on voit bien qu’il faut aller plus loin. Les régions doivent devenir l’interlocuteur privilégié (notamment des opérateurs) et doivent bénéficier de la maîtrise d’ouvrage. Aujourd’hui, la politique du Gouvernement consiste à isoler les collectivités par rapport aux opérateurs. On fragilise les pouvoirs publics alors que le numérique est une condition essentielle de notre compétitivité.

Propos recueillis par Pierre Laffon

Mise à jour le Lundi, 09 Janvier 2012 16:28  

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