Club Parlementaire du numérique

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Home Mars 2011 Régulation, neutralité, investissement : le point avec Eric Besson.

Régulation, neutralité, investissement : le point avec Eric Besson.

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Le dernier dîner du Club a permis au ministre de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie Numérique, Eric Besson, d’évoquer sans détours tous les sujets « brûlants » du numérique.   

 Difficile d’aborder tous les sujets touchant au numérique. Pourtant les débats de ce dîner furent presque exhaustifs… Impossible de ne pas commencer par le thème de la « neutralité du net » puisque le jour même de cette rencontre une proposition de loi socialiste sur ce sujet venait d’être rejetée par l’Assemblée. Eric Besson explique : « Il aurait été surprenant que l’Assemblée nationale demande à Corinne Erhel et Laure de la Raudière un rapport sur la neutralité du net avec une centaine d’auditions d’une très grande qualité et que l’on n’attende pas le fruit de ce travail avant de légiférer ». Le principe d’une discussion approfondie sur une loi concernant la neutralité du web est acquis. Mais avant, l’étape incontournable est la publication du rapport de la mission parlementaire puis celle du livre blanc de la commission Européenne.Le ministre résume ainsi les équilibres à trouver : « Personne ne conteste le principe de non-discrimination dans l’acheminement du trafic.» Mais Eric Besson souhaite profiter du débat sur la neutralité du net pour poser le problème du financement des réseaux. Comparant le réseau à une autoroute, le ministre constate que « le trafic augmente dans des proportions élevées. » Il ajoute : « On peut supposer que le problème va s’accentuer. A partir de là, il n’est pas interdit de se demander si des grandes entreprises américaines – dont je reconnais le succès, la créativité, l’utilité-,  qui utilisent une part croissante de la bande passante et ne payent pas d’impôt en France, puissent contribuer au déploiement, à l’entretien des réseaux et à la création artistique.» Une fois les rapports rendus, l’ultimatum sera juillet 2011, date jusqu’à laquelle, la « mal-nommée » Taxe Google est suspendue. Le ministre affirme en effet qu’un dispositif plus cohérent que cette taxe et qui n’affecte pas les PME et PMI françaises devrait d’ici là être proposé. Côté réseaux, le ministre a fait le point sur le déploiement de la fibre optique : depuis décembre dernier le cap des 1 million de foyers ralliés à la fibre optique a été franchi. L’objectif est d’atteindre deux millions de foyers avant la fin 2011 : « On va s’appuyer sur les objectifs des opérateurs privés et en même temps utiliser le levier des investissements d’avenir » affirme le ministre. Quant à « la 4G », plusieurs avis sont attendus sur l’actuel projet du gouvernement : l’avis du Conseil d’Etat, celui de la Commission des participations et transferts, et celui de la Commission du dividende numérique. Depuis sa tentative d’intégrer un commissaire du gouvernement au sein de l’ARCEP, Eric Besson est souvent accusé d’en vouloir à l’indépendance de l’autorité de régulation. Pour démentir cette accusation, le ministre profite de ce dossier pour souligner qu’il a transmis « tel quel au Conseil d’Etat le projet de l’Arcep ». Une fois l’avis du Conseil d’Etat rendu et pris en compte, un appel à candidatures pourra être lancé. Les opérateurs choisis devront concilier trois objectifs : la couverture du territoire (à laquelle sont attachés les parlementaires), la concurrence et la valorisation du patrimoine immatériel de l’Etat. Si les deux premiers objectifs sont consensuels, le troisième inspire parfois du scepticisme. Eric Besson se défend : « Considérer que des fréquences dites « en or » doivent rapporter un peu d’argent à l’Etat, qui ne croule pas sous les caisses d’or, me paraît légitime. C’est tout juste si on ne nous suggère pas de brader ces fréquences ! »                                                                        

                                                                                       Les investissements en question  

                                                                                      Fibre optique et 4G : malgré l’ampleur des investissements, Gabrielle Gauthey, directrice des relations institutionnelles chez Alcatel,  n’hésitera pas à faire part de son inquiétude au ministre. Selon elle, l’Europe décroche en matière d’investissement : « On va vers des modèles de mutualisation des infrastructures mais il manque des forts choix industriels en Europe ». Le ministre partage « ce diagnostic » et promet des propositions sur ce thème. Eric Besson tient par ailleurs à rectifier un sentiment trop courant selon lui : «  Je suis frappé par le fait que beaucoup considèrent les opérateurs comme des vaches à lait potentielles et par le fait que la concurrence serait le seul critère ou le critère prédominant de la régulation. On a besoin d’opérateurs puissants d’autant plus qu’on leur propose des investissements très importants ».  Jean Dionis du Séjour (NC, Lot-et-Garonne) renchérira sur le thème des investissements en avançant une solution politique : « Si on reste au niveau national on ne va pas suivre… N’y a-t-il pas la place dans le secteur de l’énergie comme dans celui des télécoms pour des investissements européens. Les français pourraient-ils porter l’idée de grands emprunts européens. Les traités communautaires interdisent aujourd’hui formellement les emprunts européens mais une  évolution politique sur ce point serait-elle possible ? » La France a déjà tenté, sans succès, ces négociations. Les temps d’investissements européens ne semblent pas encore possibles politiquement selon le ministre. 

 « Civiliser » Internet  

L’affaire Wikileaks accélère la nécessité d’un accord international sur les règles juridiques concernant Internet : « Les Américains s’aperçoivent que leur législation peut difficilement condamner Wikileaks malgré la lourdeur des charges que l’on fait peser sur le site Internet » résume Eric Besson. Ce débat sera au menu des discussions du G8, actuellement en cours de préparation par les « sherpas » français. L’accord avec les Américains semble un préalable indispensable pour ce qu’outre-Atlantique il convient d’appeler la « civilisation » et non la « régulation » d’Internet…  Pour préparer ce sommet, Eric Besson va rencontrer prochainement le secrétaire d’Etat américain au Commerce ; les acteurs du numérique se rassembleront également avant le sommet de Deauville. Il conviendra d’avancer sur « la réflexion concernant les critères selon lesquels un Etat démocratique juge non conforme ou criminel d’héberger un site donné ». L’objectif ultime est de se mettre d’accord sur une conception internationale de cette régulation d’Internet. Comment trouver l’équilibre entre de forts opérateurs, indispensables à la compétition internationale, et le maintien d’un marché concurrentiel ? Jusqu’où doit aller la mutualisation du financement des réseaux, qu’est-ce qui est du registre de la concurrence ? Selon l’invité du Club, la régulation d’Internet comme celle du capitalisme sera bien « un processus permanent ». Dans ce processus incertain, une chose semble sûre : le Conseil national du numérique (CNN), prochainement institué, ne sera pas le régulateur du secteur numérique mais un interlocuteur pour les pouvoirs publics. Si le ministre avoue avoir au départ pensé cette institution comme une instance de régulation, il se rallie aujourd’hui à la position du Président de la République qui conçoit le CNN comme un organe consultatif. C’est cette même vision que Pierre Kosciusco-Morizet (PKM) a développée dans son rapport sur ce futur CNN. Le ministre a  d’ailleurs tenu à rendre  hommage à PKM pour la qualité de son travail de consultation et de synthèse, eu égard à la diversité et la multiplicité des acteurs concernés. La naissance du  CNN est prévue pour le mois de mars. Le ministre a conclu le débat en prenant date pour une nouvelle intervention devant le Club, début 2012, pour tirer un bilan du plan « France Numérique 2012 » qu’il avait lui-même lancé dans ses fonctions antérieures de secrétaire d’Etat au Numérique, en 2008. 

Mise à jour le Jeudi, 10 Mars 2011 10:38  

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