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Home Telecom Déploiement du très haut débit : "Aucun engagement ferme n’est exigé des opérateurs" selon Xavier Pintat

Déploiement du très haut débit : "Aucun engagement ferme n’est exigé des opérateurs" selon Xavier Pintat

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Il y a un mois, le Gouvernement rendait public la répartition de l'enveloppe (issue du Grand Emprunt) du programme national  très haut débit : 1 milliard d’euros de prêts publics pour les opérateurs et 900 millions d’euros pour subventionner les projets d’initiatives publiques de déploiement du très haut débit dans les zones intéressant moins les opérateurs. Xavier Pintat, président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), sénateur de Gironde, rapporteur de la loi visant à réduire la fracture numérique, expose dans cette tribune son sceptisisme concernant ce projet :

 “I had a dream, j’avais fait un rêve” serais-je tenté de dire en constatant les difficultés de mise en œuvre de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique dont j’avais pris l’initiative devant le Sénat. Ce rêve, c’était celui de schémas directeurs départementaux d’aménagement numérique (SDAN), servant de référence pour articuler les projets entre opérateurs privés et collectivités publiques, et jetant les bases d’un financement des dépenses assuré en premier niveau par la péréquation des coûts et des recettes des maîtres d’ouvrage, et en deuxième niveau par un Fonds d’aménagement numérique des territoires (FANT).

Les principaux opérateurs privés ont répondu entre août 2010 et janvier 2011 à un appel à intentions d’investissements dans le très haut débit (AMII) au cours des cinq à dix ans à venir. J’avoue que la communication gouvernementale, publiée le 27 avril dernier à l’issue de cette consultation, ne m’a pas entièrement convaincu que ce rêve devienne prochainement réalité.   

Dans mon rêve, les opérateurs privés déployaient la fibre dans les 148 communes de la zone très dense et dans les 3 400 autres communes visées dans leur réponse à la consultation AMII ; les collectivités déployaient le très haut débit (fibre ou technologie alternative) dans les autres communes et établissaient les documents correspondants : schémas directeurs départementaux d’aménagement numérique, règles de péréquation entre coûts et recettes des maîtres d’ouvrage, demandes de subventions du Fonds national pour la société numérique (FSN) dans un premier temps, puis du FANT ultérieurement.

Un rêve, vous dis-je, car les opérateurs se sont engagés à être présents dans les communes en question, mais nullement à desservir la totalité de leur territoire. Ainsi, toutes les communes des Hauts-de-Seine sont classées en zone très dense mais, pour en desservir en FTTH les secteurs les moins denses, le Conseil Général a dû, avec l’accord de la Commission européenne, apporter 59 millions d’euros, soit 13% du coût total du projet évalué à 442 millions d'euros. En généralisant cette situation à l’ensemble des communes citées dans les réponses à la consultation AMII, il est malheureusement évident qu’au-delà des intentions de déploiement propres aux opérateurs, il faudra mobiliser un financement complémentaire pour atteindre un taux de couverture FTTH satisfaisant. Mais alors, ce financement complémentaire incombera-t-il aux opérateurs, bénéficiant éventuellement des prêts du FSN pour le supporter, ou devra-t-il être pris en charge par les collectivités sans aucun espoir de subvention ? La communication gouvernementale ne semble pas répondre à cette interrogation.

Par ailleurs, il était mentionné en août 2010 « qu’un nouvel appel à manifestation d’intentions sera organisé tous les deux ans afin de tenir compte de l’actualisation des projets de déploiement des acteurs. » On ne saurait mieux dire qu’aucun engagement ferme n’est exigé des opérateurs, que ce soit pour desservir ou au contraire pour ne pas desservir une commune – à part peut-être les communes dont la desserte sera « labellisée ». Comment dans ces conditions les collectivités pourront-elles lancer leurs propres projets – desserte FTTH ou montée en débit – avec un minimum de sécurité financière, c'est-à-dire sans courir le risque d’un écrémage inopiné de leur zone de desserte, ruinant la péréquation qu’elles auront mise en place ?

Néanmoins, la communication gouvernementale comporte quelques avancées positives, par rapport aux orientations connues antérieurement. Ainsi, je prends acte du relèvement du taux maximal d’aide du Fonds national pour la société numérique (FSN) aux collectivités, porté de 33 % jusqu’à 45% des besoins de financement public, aussi bien pour le FTTH que pour les technologies alternatives. Je déplore toutefois l’insuffisance de cette évolution, car les incertitudes sur les intentions des opérateurs et surtout le risque d’écrémage mentionné ci-dessus cantonneront les projets des collectivités aux dessertes les plus coûteuses. N’aurait-on pu adopter au moins le même taux maximal que celui des prêts aux opérateurs privés, c'est-à-dire 50% ? N’aurait-on pu, pour libérer des ressources supplémentaires,  renoncer à l’extension de la desserte en cuivre pour les immeubles raccordés à la fibre optique ? Je suggère que l’ordonnance en projet de transposition du « paquet télécom » soit l’élément déclencheur de cette évolution, dont la retombée majeure sera l’explosion – enfin ! -  du nombre des abonnements au très haut débit.

De même, je note avec satisfaction l’articulation des aides du FSN avec les schémas directeurs d’aménagement numérique, et leur cohérence avec les conditions d’éligibilité des aides futures du FANT. Il est néanmoins regrettable qu’aucune assurance n’ait été donnée sur les modalités d’alimentation pérenne de celui-ci. Puis-je rappeler que mon collègue et ami le sénateur Hervé Maurey avait remis au Premier ministre, il y a maintenant six mois, un rapport très circonstancié sur la question et pratiquement « prêt à l’emploi ».

La généralisation du très haut débit est un chantier considérable. Ne le retardons pas par une recherche inconsidérée du consensus des opérateurs.

 

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