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Fracture numérique : comment gommer les disparités entre citoyens ? Entretien avec Alain Suguenot, député de la Côte-d'Or

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La proposition de loi Pintat a été définitivement adoptée par le Parlement. Concernant la TNT, considérez-vous que l’aide prévue pour les zones d’ombre et son fonctionnement s’avèreront suffisants pour assurer une couverture totale ?

Je rappelle que l'enjeu de ce texte était de gommer les disparités entre citoyens dans l'accès aux services numériques qui perdurent actuellement et qui font que le tiers des abonnés bénéficie des offres triple-play pour, à la fois, surfer confortablement sur la Toile, téléphoner et regarder la télévision, alors que les autres n'ont accès qu'à la téléphonie et la navigation laborieuse sur le réseau.

Cette situation insupportable se devait d'être corrigée, notamment pour les entreprises pour lesquelles les réseaux sont un outil de travail. L'existence de zones mal desservies les dissuaderait de s'y implanter, avec pour effet de nuire au développement économique de ces territoires.

Le texte a également permis d'entrer dans le détail du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT), qui doit remplacer la télévision analogique d'ici à novembre 2011.

Il y avait, néanmoins, une inquiétude des élus des communes rurales dont les territoires ne seront que très partiellement, voire pas du tout desservis par la TNT après l'extinction de la diffusion analogique, soit le 30 novembre 2011 au plus tard. Ces collectivités locales craignaient d'avoir à prendre en charge les coûts d'équipement et de location des réémetteurs qui étaient jusque là supportés par les chaînes de télévision. Dans certains départements, il apparaissait même qu'à l'échéance du 30 novembre 2011, seulement 88 % de la population serait desservie par la TNT alors que l'objectif fixé par la loi est de 91 % par département, 95 % à l'échelle du territoire métropolitain.

Mais le travail accompli en commission des affaires économiques nous a permis de revoir la copie qui nous était présentée, grâce notamment aux auditions des présidents de l’ARCEP et du CSA. Je me réjouis ainsi que nous ayons réussi à ne pas tomber dans ce piège. Nous sommes désormais convaincus que la solution réside dans l’augmentation de la puissance.

Les collectivités doivent en outre pouvoir maintenir des émetteurs, et le fonds de compensation de la TVA constitue de ce point de vue un meilleur outil de financement que le fonds « bis ». S’agissant de ce fonds, je me réjouis par ailleurs que les options retenues soient non seulement sociales mais aussi équitables, car ceux qui se trouveront face à un écran noir doivent pouvoir être aidés.

Ce texte va finalement permettre de réduire la fracture en matière de télévision numérique et, à condition que les deux questions ne soient pas détachées, la fracture en matière de haut débit. »

Et concernant le THD, les schémas de développement territoriaux et le fonds d’aménagement seront-ils à la hauteur du chantier et des enjeux du très haut-débit ?

La fracture numérique et le haut débit ne peuvent, bien évidemment, être dissociés. Si la suppression des émetteurs ne devait pas permettre une couverture du territoire par le haut débit, ce serait une erreur de l’histoire. Les deux problématiques de la télévision et du haut débit sont liées.

Le déploiement du haut débit en France, laissé dans un premier temps à l'initiative presque exclusive des opérateurs privés, n'a pas suffi à couvrir le territoire de façon complète et homogène.

L'apparition d'une fracture numérique, à la fois territoriale et sociale, a fait de ce phénomène un enjeu incontournable d'aménagement du territoire, justifiant, voire nécessitant, une intervention publique forte. Cette intervention est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que la fracture risque de s'aggraver. En effet, alors que la fibre optique autorisant le très haut débit et donc l'accès à des services performants sera bientôt disponible dans la plupart des grandes agglomérations, les populations de nombreuses zones moins denses devront encore longtemps se contenter de faibles débits.

Lors de l'audition par les parlementaires du Ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire à l’occasion d’une rencontre du "Club Parlementaire du Numérique", je me suis penché sur la place du numérique dans la politique d’aménagement du territoire, les défis sociaux et économiques de la couverture intégrale en très-haut-débit ainsi que les questions de rentabilité posées par les zones peu denses.

Je me réjouis ainsi de l’annonce des quatre milliards d’euros alloués au numérique dans le cadre du projet de grand emprunt national. Celui-ci doit être une des priorités de l'Etat pour montrer l'exemple. Les Collectivités locales ne doivent pas être les seules à être mises à contribution. D'accord pour un développement numérique du territoire à condition que les fournisseurs d'accès y participent.

Il est primordial que les territoires ruraux ne pâtissent pas d’une programmation trop frileuse de la couverture intégrale en THD. Les centres de télétravail, la télémédecine… sont une chance unique pour la ruralité, en plein réveil après un déclin de plusieurs décennies. Le THD devient l’équipement de base, moins onéreux qu’une LGV ou qu’une autoroute.

De même que la proposition de loi sur la fracture numérique prône d’élaborer des schémas de développement numérique des territoires, j'insiste sur la nécessité de définir au préalable les territoires pertinents, qui assureront l’efficacité de la mutualisation et l’équilibre de la péréquation.

De la même manière qu’il existe un fonds d’amortissement des charges d’électricité dans les zones rurales, il faudra créer un fonds de mutualisation, abondé autrement que par l’impôt et pour lequel le grand emprunt fera office de pompe d’amorçage.

Il est fondamental que la question du financement oscille sans cesse entre des solutions qui allient les actions publiques et privées, tels les partenariats public-privé (PPP), et le financement par l’utilisateur, soit le prélèvement sur abonnement pour constituer un fonds d’aménagement des zones peu denses.

Concernant les solutions technologiques, l’insistance porte sur la complémentarité du satellite et de l’hertzien terrestre : il est encore difficile aujourd’hui de se prononcer, suivant les situations, en faveur de l’un ou de l’autre. Une étude est d’ailleurs en cours sur ce sujet, menée par le Comité stratégique pour le numérique, qui doit rendre ses conclusions prochainement.

Sur un plan plus méthodologique, l’idée est de coordonner davantage les différents vecteurs de développement des territoires et d’intégrer à ce titre les schémas d’aménagement numériques dans des démarches de planification plus larges, tels les SCOT (Schémas de cohérence territoriale). Il serait ainsi possible de mener des enquêtes publiques, de cibler les véritables besoins et de compenser, le cas échéant, un équipement par un autre.

Les potentialités de la fibre permettront un développement sans précédent des usages. Droits d’auteur, respect de la vie privée, cybersécurité…Le développement du THD devra-t-il s’accompagner de lois encadrant ce développement des usages ? Avons-nous du retard dans ce domaine ?

Les problèmes qui se poseront en matière de cybersécurité, de droit d'auteur, ... existent déjà mais seront, naturellement, renforcés par la globalisation du très haut débit. Il faut être particulièrement vigilant face à la tentation d'exploiter à des fins délictueuses ces fantastiques innovations.
Il convient également de protéger le droit d'auteur, mais aussi, et surtout, de permettre à ces auteurs d'être convenablement rémunérés du fait de la circulation de leurs œuvres sur la toile. Profitons de l'essor du très haut débit dans notre pays pour favoriser la diffusion des œuvres avec un moyen qui permettra de payer à leur juste valeur les artistes dont les œuvres circulent. Il ne s'agit pas de réprimer ceux qui recherchent ces œuvres mais de trouver plutôt un système qui fasse en sorte que cette circulation soit autorisée, favorisée contre une rémunération équitable. Je travaille d'ailleurs sur le sujet et ferai prochainement des propositions au Ministre de la Culture en ce sens.
Le constat est qu'aujourd'hui, la "classe moyenne" du disque est sacrifiée et qu'il n'existe, dans le domaine du numérique, aucune rémunération équitable pour les artistes prévue dans leurs contrats. Les artistes et/ou interprètes ont jusqu'à présent plus souffert du progrès technologique qu'ils n'en ont profité.

Une solution simple et efficace consisterait en une gestion collective des systèmes et des droits exclusifs, dans un sens de régulation. Cela obligerait à un nouveau partage des rémunérations, comme cela est d'ailleurs pratiqué dans d'autres pays comme les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Espagne ou les Pays-Bas.
La gestion collective permettrait plus de diversité économique qui impliquerait elle-même une diversité culturelle.

Il faudra, sans doute, pour cela, créer une contribution des fournisseurs d'accès (FAI) destinée à compenser les échanges illicites incontrôlables, compensation qui serait versée aux artistes, interprètes, auteurs et producteurs des contenus. C'est ce à quoi je travaille et réfléchis avec les représentants des artistes dans le but de faire prochainement des propositions législatives.

Mise à jour le Mercredi, 06 Janvier 2010 09:45  

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